Zones à faibles émissions : les collectivités dans les starting blocks

Pourquoi n'y a-t-il en France que deux zones à faibles émissions à Grenoble et Paris ? "A minima, nous aurons une dizaine de zones nouvelles d'ici la fin 2020", a garanti le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot lors d'une présentation le 20 juillet, aux côtés de la ministre des Transports Elisabeth Borne et d'élus locaux, des mesures en faveur de la qualité de l'air et de la mobilité propre qui figureront dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités (LOM), sans cesse repoussé et désormais attendu courant septembre.

Le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE) est l’un des principaux leviers que l’État compte activer pour répondre à l’urgence de trouver des solutions de réduction de la pollution de l’air dans la quinzaine de territoires visés par le contentieux européen sur les particules fines (PM10) et le dioxyde d’azote (NO2). “Deux polluants de proximité directement liés aux transports et pour lesquels il reste beaucoup à faire“, reconnaît le député LREM du Rhône et nouveau président du Conseil national de l’air Jean-Luc Fugit.
Ce n’est bien sûr pas le seul levier et d’autres mesures ciblant les collectivités mais aussi les entreprises figureront dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) – voir notre encadré ci-dessous. “Mais c’est un élément structurant et nous proposerons à la rentrée une charte d’engagements aux collectivités locales pour leur donner les moyens de mettre en œuvre des ZFE de manière adaptée à chaque situation locale, en priorité mais pas seulement dans celles visées par le contentieux européen pour les aider à repasser sous les seuils définis au niveau européen“, a indiqué ce 20 juillet Nicolas Hulot. Ces engagements seront signés le 8 octobre lors d’un événement réunissant les collectivités qui s’engageront dans la démarche. Et l’Ademe lance dès aujourd’hui un appel à projets pour soutenir les études de préfiguration dans les collectivités qui n’en ont pas encore lancé.

Seulement deux villes en France

Dans un benchmark récemment mis à jour, l’Ademe recense près de 230 ZFE en Europe. Le principe de ces zones environnementales ? Interdire l’accès à une ville ou partie de ville pour les véhicules qui ne répondent pas à certaines normes d’émissions ou d’équipements. Réglementairement, en France, elles sont dénommées zones à circulation restreinte (ZCR). Et font l’objet d’un décret encadrant cet instrument à la disposition des maires et qui succède aux zones d’action prioritaires pour l’air (Zapa) datant de la loi Grenelle 2. En France, seules Paris et Grenoble ont franchi le pas.
L’exemple grenoblois a été mis en avant par Nicolas Hulot qui estime ses “bénéfices déjà significatifs” malgré la jeunesse du dispositif. Opérationnel dans cette ville depuis un an il a fait l’objet d’un arrêté du ministère de l’Intérieur, repose comme à Paris sur les vignettes anti-pollution Crit’Air mais s’étend plus largement à la quarantaine de communes de la métropole.
A Paris également, nous travaillons avec la Métropole pour étendre dès l’an prochain le périmètre de notre zone de restriction des véhicules les plus polluants“, rebondit Christophe Najdovski, l’adjoint chargé des transports à la ville de Paris. L’arrêté instaurant la ZCR parisienne bannit depuis 2017 la circulation intra muros et en semaine des véhicules Crit’air 5. Les véhicules Crit’Air 4 y seront interdits en 2019. 
D’autres villes comme Rennes, Toulouse, Lyon, Lille ou Strasbourg n’ont pour l’heure pas délimité de ZCR permanentes mais misent en cas de pic de pollution prolongé sur la circulation différenciée des véhicules, en s’appuyant elles aussi sur ces certificats Crit’Air. Du moins en attendant car Strasbourg prévoit d’en instaurer une à l’automne prochain. Se focalisera-t-elle directement sur les véhicules Crit’Air 4 ? Des experts le pensent. Lille étudie et prépare également une ZCR pour 2019 en consultant au préalable ses habitants.
Le maire de Montpellier Philippe Saurel a aussi annoncé ce 20 juillet son intention d’en créer une sur son territoire visé par le contentieux sur les dépassements de la valeur limite d’exposition pour le dioxyde d’azote. Quant aux ONG, elles pointent le retard pris sur le sujet dans des villes comme Marseille, Nice ou Toulon.

Une LOM pour outiller ces zones

Que dira sur ces zones le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) attendu à la rentrée ? “La loi demandera à toutes les agglomérations de plus de 100.000 habitants d’évaluer l’opportunité de mettre en place une telle zone“, répond Élisabeth Borne. A terme, l’État espère en voir fleurir “dans toutes les villes où les enjeux de la qualité de l’air sont les plus prégnants“. Pour y parvenir, Nicolas Hulot prescrit une approche toute en finesse et souplesse : “Pas question d’imposer un canevas depuis Paris : c’est aux élus de définir le périmètre de ces zones, les catégories de véhicules autorisés à circuler et les plages horaires de ces restrictions“. Pour les y aider, le gouvernement s’engage à lever les freins réglementaires et juridiques. L’actuel point de crispation : le contrôle du respect des règles dans ces zones. Sans un contrôle adapté, le dispositif est jugé peu efficace. “Il doit s’améliorer mais sans l’État, les collectivités même avancées ne peuvent y parvenir“, éclaire Christophe Najdovski. Le maire adjoint de Paris explique qu’en l’état actuel et avec les moyens disponibles, ce contrôle souvent visuel est insuffisant. Un saut technologique est nécessaire pour équiper les collectivités. Dans l’éventail des technologies existantes, l’élu cite des puces RFID logées dans les vignettes Crit’air, un contrôle automatique des plaques, des portiques de contrôle ou la vidéo-verbalisation : “Nos voisins européens utilisent certains de ces outils. Nous demandons à l’État les moyens d’automatiser le contrôle“, conclut-il.

 

Volet mobilité propre de la LOM : les mesures intéressant les collectivités

“L’État fixe le cap et la loi d’orientation sur les mobilités (LOM) apportera des outils. Il reviendra aux collectivités de s’en saisir”, a résumé ce 20 juillet la ministre des Transports Élisabeth Borne. Quels sont ces outils ? La LOM comportera des mesures renforçant ou actualisant des dispositifs existants comme le label sur l’autopartage que les collectivités peuvent attribuer ou les voies réservées au covoiturage que certaines expérimentent.
Des dispositions sont attendues en rapport avec l’expérimentation de péages inversés ou positifs (testé par la métropole de Lille), l’instauration de licences pour les services de location de véhicules en libre-service sans station et la mise en œuvre de tarifs de congestion modulables selon des critères environnementaux.
“Le volet sur la programmation des infrastructures du projet de loi comprendra le quatrième appel à projets pour financer les transports en commun en site propre (TCSP). Un plan vélo visant à tripler sa part dans nos déplacements et atteindre 9% en 2024 sera dévoilé à la rentrée”, complète Élisabeth Borne. Le gouvernement promet également de mettre en place un dispositif permettant aux employés se rendant sur leur lieu de travail en ayant recours au covoiturage d’être remboursés par leur employeur d’une partie des frais de transport. La mise en place d’une plate-forme numérique de “preuves de covoiturage”, réclamée par les professionnels du secteur et donnant accès à des avantages (subventions publiques, utilisation de places de stationnement), est prévue. Pour accélérer le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques, la prise en charge financière du raccordement de ces bornes au sein du budget des réseaux de distribution va être augmentée. Et le “droit à la prise” dans les copropriétés simplifié. Quant aux achats de véhicules à faible émission par l’État (objectif d’au moins 50%) et par les collectivités territoriales (au moins 20%), ils vont être mieux surveillés avec plus de transparence prévue sur l’application de ce dispositif issu de la loi sur la transition énergétique (LTECV). 


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