Taxe Gemapi : peu de collectivités se jettent à l’eau

Une journée organisée par l'ADCF et la Caisse d'épargne sur le thème de contractualisation financière entre l'Etat et les collectivités locales a permis de rappeler quelques vérités sur la prise de compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations). Et notamment sur le choix politique et facultatif d'instaurer la fameuse taxe, plus proche dans les faits d'une dizaine d'euros que du plafond fixé à 40 euros par an par contribuable.

S’il est un point qui inquiète les collectivités, c’est le financement de la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations). Un focus apporté sur cette nouvelle obligation et la taxe qui peut être levée pour contribuer à la financer a été apporté lors d’une journée sur les lois de finances, que l’Assemblée des communautés de France (ADCF) a organisé avec la Caisse d’épargne le 31 janvier.


La Gemapi, son juste prix

Délicat à estimer, le coût de cette nouvelle compétence sécable d’un double point de vue fonctionnel (par et au sein même des items ; sur cette sécabilité interne et géographique (relevons le cas des communes à cheval sur deux bassins versants) dépend d’une flopée de paramètres, tant des enjeux du territoire que de l’état des ouvrages existants, du niveau de risque ou encore des choix de gouvernance opérés (délégation, organisation). Pour l’évaluer encore faut-il pouvoir distinguer ce qui relève ou non de la Gemapi : “Or l’exercice est complexe, même les services de l’Etat lorsqu’on les sollicite ont du mal à le réaliser. Cela exige, entre autres, de disposer d’une comptabilité analytique. Et les divergences d’interprétation entre le Gemapi et le hors-Gemapi sont légion”, prévient Apolline Prêtre, chargée du dossier à l’ADCF.


Nouvelles dépenses, soutiens dispersés

Premier conseil : commencer par un état des lieux. A quelles nouvelles dépenses la collectivité va-t-elle devoir faire face ? Quelles sont les aides possibles ? Les dépenses à la fois de fonctionnement (études, travaux, agents) et d’investissement (construction-réhabilitation d’ouvrages) doivent être mises à plat, en tenant bien sûr compte des programmes en cours. “Selon la structure concernée, un syndicat mixte définira sa stratégie de financement en partant de son programme d’actions, là où une intercommunalité raisonnera plutôt en termes de budget supportable. Dans les deux cas des soutiens financiers existent, il faut donc commencer par les lister”, insiste Apolline Prêtre.
Fragilisés, ces soutiens divergent selon les régions et départements, ces derniers étant parfois plus volontaristes (Charente-Maritime, Seine-Maritime) ou bien en retrait sur le financement de ces projets qui ne sont pas directement de leur ressort. Des régions comme la Bretagne réfléchissent à structurer leurs appuis aux intercos dans la mise en œuvre de la Gemapi. Des agences de l’eau pourront aussi appuyer des actions prévues dans le cadre des documents de planification (Sage, Sdage), des études de gouvernance ou des projets, malgré une sélectivité qui s’annonce renforcée.


Un modèle complexe

Solliciter des fonds européens, souvent sous-utilisés, est une autre piste à mieux explorer, notamment sur l’enjeu de préservation des zones d’expansion des crues. Plans de prévention des risques naturels (PPRN), programmes d’action de prévention des inondations (Papi) et stratégies locales de gestion du risque inondation (SLGRI) peuvent également ouvrir droit aux financements du fonds Barnier. Des aides seront sûrement conditionnées ou bonifiées selon l’obtention de ces programmes ou stratégies, et de la labellisation et reconnaissance des syndicats mixtes concernés au titre d’EPTB (établissements publics territoriaux de bassin) ou d’Epage (établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux). En clair, des reins solides sont requis en termes d’ingénierie financière, ce dont seuls ces établissements publics dotés de moyens financiers renforcés et disposant de personnel propre et compétent techniquement peuvent généralement se prévaloir. “Sur le fond, le modèle de financement reste complexe et insatisfaisant au regard des enjeux de gestion intégrée et de solidarités par bassin versant”, estime Apolline Prêtre.


Désamorcer la bronca

Bruno Forel, président d’une communauté de communes en Haute-Savoie et du syndicat mixte d’aménagement de l’Arve (106 communes, 1.400 km de cours d’eau, double spécificité frontalière/touristique, une trentaine d’agents), voit malgré tout dans cette prise de compétence Gemapi “un atout pour échafauder ces solidarités de bassin” : “C’est dans la manche de la Gemapi, le retour d’expérience nous apprend qu’elle aide à s’affranchir d’une gestion cours d’eau par cours d’eau et à mieux travailler à l’échelle du bassin versant.” A moindre étendue territoriale, plus de facilité : “Mais aux élus il faut dire et redire qu’il s’agit d’une vraie responsabilité ! Notre territoire a, il est vrai, une certaine facilité, et déjà une culture du risque et du portage de contrats de rivière. Pour mettre en place ce nouvel impôt local, nous avons beaucoup communiqué en rappelant qu’il est dédié à la rivière et que son produit perçu vise à couvrir les dépenses relatives à l’exercice de la compétence. La bronca attendue de la part des élus et des habitants n’a finalement pas eu lieu.” Le contribuable n’y sera pas assommé par la demande. Pour préserver l’accessibilité de l’impôt, le montant de la taxe y est de 10 à 16 euros par habitant. La communauté de communes ne vote pas exactement de taux d’imposition, comme c’est le cas pour les impôts locaux. “C’est la structure, la moulinette fiscale de chaque EPCI, qui détermine les contributions et montants à ventiler, ensuite répercutés sur la feuille d’imposition”, ajoute Bruno Forel. Pour l’heure, la mise en place de cette taxe est de toute façon marginale. L’outil est peu mobilisé par les communautés et métropoles, qui ne se ruent pas dessus et préfèrent probablement attendre et disposer de plus de projections financières. Une cinquantaine de collectivités devraient l’avoir instaurée. De nouveaux chiffres seront livrés à la mi-février.


Morgan Boëdec


© PXhere

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