Société de confiance : ce que contient le projet de loi sur l’environnement, l’énergie, le bâtiment

Le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance, dont les grandes lignes ont été présentées le 27 novembre en conseil des ministres, comporte de nombreuses mesures impactant le domaine de l'environnement et de la construction. Décryptage de ces dispositions.

 

Simplification administrative, dématérialisation, allégement des obligations, tels sont les axes du projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance dont les grandes lignes ont été présentées en conseil des ministres le 27 novembre, autour de la mesure phare du “droit à l’erreur”, signifiant la volonté du gouvernement de “changer de logiciel administratif”. Sur la forme le gouvernement a fixé sa feuille de route : recours aux ordonnances et expérimentations. Mais sur le fond, qu’y a-t-il vraiment dans ces 40 articles qui doivent à présent passer entre les mains d’une commission spéciale à l’Assemblée ? Point par point, nous listons ici les nombreuses mesures impactant le champ environnemental.

Sur la méthode plusieurs dispositions feront l’objet d’une expérimentation. C’est le cas à l’article 33 pour certains projets agricoles soumis aux législations sur l’eau (IOTA) et sur les installations classées (ICPE), dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État, et ce “dans un nombre limité de régions”. Le projet prévoit d’expérimenter sur trois ans la suppression de l’enquête publique – remplacée par une participation du public par voie électronique -, lorsqu’une concertation préalable a été antérieurement réalisée sous l’égide d’un garant désigné par la Commission nationale du débat public (CNDP). “Si l’intérêt de l’intervention d’un commissaire enquêteur n’est pas contestable pour les projets qui n’ont pas été concertés, elle doit être relativisée pour ceux qui ont déjà fait l’objet d’une concertation de qualité en amont”, justifie l’étude d’impact.

Cette inflexion dans les modalités de participation du public était déjà sous-jacente à la réforme du dialogue environnemental par l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016, récemment entrée en vigueur, qui a entendu développer la procédure de concertation préalable en amont du processus décisionnel. Cette expérimentation pourrait donc permettre, selon le Conseil d’Etat, “de tirer des enseignements utiles pour l’ensemble des projets ayant une incidence sur l’environnement actuellement soumis à enquête publique, au-delà des seuls projets nécessaires à l’exercice d’une activité agricole”.

 

Quid du dialogue public ?

Plus sceptique, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) analyse cette mesure comme “une régression du dialogue environnemental pratiqué depuis des années” en contradiction avec l’objectif affiché “d’une société de confiance”. “(…) La population et les associations de riverains ou d’environnement pourraient se sentir exclues de la concertation” et les élus locaux “laissés seuls pour répondre à d’éventuels mécontentements (…)”, s’inquiète le CNEN.

Alléger le poids des normes, c’est également selon le gouvernement s’attaquer à la sur-tranposition des directives européennes (article 35). Les modalités de participation du public imposée par la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (IED) en cas de dérogation à l’occasion d’un réexamen constituent une première illustration. Le texte propose de pérenniser le régime de consultation publique déjà en vigueur, jusqu’à 2019, en stoppant son évolution sous la forme d’une enquête publique plus lourde.

Dans le viseur également l’évaluation environnementale des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. “La nomenclature des évaluations environnementales, pensée pour être appliquée aux projets initiaux d’installations classées, est à la source de difficultés d’interprétation lorsqu’il s’agit de l’appliquer aux modifications et extensions de ces installations”, souligne l’exposé des motifs. Sans remettre en cause l’examen par l’autorité environnementale des études d’impact lorsqu’elles sont requises, le texte envisage ainsi de confier au préfet – autorité de police de l’installation -, la responsabilité exclusive de déterminer, dans le cadre de l’examen des projets au cas par cas, si une modification est substantielle ou non, comme c’était le cas auparavant.

 

Structures agricoles

Quant à l’article 30, il permet, là encore à titre expérimental, d’alléger par ordonnance, dans certains départements ou régions, le contrôle des opérations d’installations, agrandissements ou réunions des structures des exploitations agricoles dont l’efficacité n’a pas été démontrée pour enrayer les phénomènes de concentration du foncier.

 

Infractions au Code de l’environnement 

Le texte (article 20) propose également de prévoir la transmission systématique aux intéressés, ” lorsqu’ils sont connus”, des procès-verbaux d’infraction au code de l’environnement et au code forestier, afin de leur permettre de faire cesser l’atteinte à l’environnement ou à la forêt, voire de la réparer. Cette mesure dérogatoire aux règles de la procédure pénale pourra être écartée sur instruction du parquet comme cela est déjà prévu, en particulier, en matière d’alimentation, de santé publique vétérinaire et de protection des végétaux.
Pour le CNEN, cette transmission aura le mérite de “signaler le faible nombre de poursuites réelles”. “(…) les procureurs de la République classent souvent sans suite les infractions commises au titre du code de l’environnement et du code forestier, en particulier, lorsqu’elles concernent les déchets ou la police de l’eau (…)”, relève l’instance dans son avis délibéré du 9 novembre.

 

“Permis de faire” dans le bâtiment

Autre expérimentation, avec l’instauration d’un droit à déroger aux règles de construction, substituant aux prescriptions de moyens des objectifs de résultats (article 26). Pour le secteur du bâtiment, ce “permis de faire” représente un véritable changement de paradigme dont la mise en application est prévue en deux temps.
Une première ordonnance doit mettre en place un régime dans lequel le maître d’ouvrage pourra être autorisé à déroger, au cas par cas, à certaines règles de construction, sous réserve d’apporter la preuve qu’il atteint, par les “moyens innovants” qu’il entend mettre en oeuvre “des résultats équivalents”. Cet article permet en particulier d’élargir le champ des dérogations initiées à titre expérimental par la loi de 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, pour lesquelles il était estimé qu’elles ne s’appliqueraient qu’à une cinquantaine de bâtiments.

Ce premier texte précédera une autre ordonnance plus ambitieuse ayant vocation à lui succéder. Le régime issu de ce second véhicule ouvre la voie à une ré-écriture de certaines règles de construction “propre à éclairer, notamment par l’identification des objectifs poursuivis, le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent”. Celui-ci pourra, “de plein droit”, choisir de s’en acquitter soit en appliquant des “normes de référence” – c’est-à-dire des objectifs de moyens déterminés par le pouvoir réglementaire -, soit en démontrant, par un mode de preuve déterminé, qu’il atteint “des résultats équivalents”. Mais pour l’heure, le texte reste flou sur les moyens affectés à la vérification de l’efficience des résultats obtenus.
Le volet visant à réviser le cadre des obligations de travaux d’économie d’énergie dans le secteur des bâtiments tertiaires ne figure en revanche plus dans le texte.

 

Sraddet

Le projet de loi (article 37) table sur un “gain de temps” dans l’élaboration du Sraddet – schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – et de son volet déchets, en confiant à la même commission régionale le soin d’évaluer les anciens plans départementaux en synergie avec l’élaboration des futurs plans devenus régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) qui ont vocation à le nourrir.

Dans un contexte de pré-contentieux avec la Commission européenne, le CNEN juge plutôt bienvenue cette mutualisation à l’échelon régional, “en raison notamment de l’ancienneté et de l’absence d’activité des anciennes commissions départementales” qui rendent très difficile l’accomplissement de cette mission d’évaluation – telle que prévue par l’ordonnance du 27 juillet 2016 – dans les délais prescrits.
Cette modification permettrait en outre aux régions de disposer de douze mois supplémentaires pour faire procéder à cette évaluation, “sachant que le délai initial [de 6 mois] est déjà dépassé pour certaines d’entre elles”, relève l’étude d’impact.

 

Eolien en mer

Sur la forme, le recours aux ordonnances est à nouveau privilégié pour simplifier le processus décisionnel en matière d’éolien en mer et réduire les délais de réalisation des projets (article 34). L’objectif est d’anticiper la délivrance des autorisations administratives, en permettant à l’Etat d’obtenir l’autorisation environnementale en amont de la procédure d’appel d’offres, à charge pour celui-ci de la transférer au lauréat retenu.
L’article prévoit aussi que la désignation du lauréat pourra valoir autorisation d’occupation du domaine public maritime en ce qui concerne les installations de production. Un dernier volet permettra également au gouvernement de simplifier la procédure d’élaboration et de révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des installations de production d’électricité renouvelable.

 

Géothermie

Toujours dans la perspective de favoriser un développement rapide des énergies renouvelables, le projet de loi (article 39) habilite le gouvernement à réformer, là encore par voie d’ordonnance, les dispositions du code minier relatives aux titres de recherches et d’exploitation de géothermie, en rapprochant les deux régimes actuels basés sur le critère de température du gîte, “dont la coexistence constitue un frein au développement de certains projets”.


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