Risques technologiques : l’annulation du PPRT de Toulouse nord relance le débat

L'annulation pour la première fois d'un plan de prévention des risques technologiques par le juge administratif est d'autant plus notable qu'elle concerne le dépôt d'hydrocarbures de Fondeyre, au nord de Toulouse, ville qui a déjà connu le terrible accident d'AZF. 

Par un jugement du 15 novembre 2012, le tribunal administratif de Toulouse vient d’annuler l’arrêté préfectoral approuvant le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) du dépôt d’hydrocarbures Esso de Fondeyre, au nord de Toulouse. Suite à l’explosion de l’usine AZF de Toulouse le 21 septembre 2001, qui a engendré le décès de 30 personnes, 2.500 blessés et 27.000 logements endommagés, la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite “loi Bachelot”, a introduit ce nouvel outil en matière de maîtrise de l’urbanisation autour des sites à haut risque (établissements Seveso seuil haut)*. A ce titre, le dépôt Esso à Toulouse avait été choisi dès 2004 parmi les sites-pilotes permettant d’affiner la méthodologie d’élaboration des PPRT au niveau national. Après concertation avec les personnes et organismes associés et notamment avec les membres du comité local d’information et de concertation (Clic) Toulouse nord, le projet de PPRT avait fait l’objet d’une consultation et d’une enquête publique avant d’être approuvé par arrêté préfectoral le 27 janvier 2010.

Irrégularité de la consultation
C’est précisément s’agissant de la phase de consultation publique que le bât blesse, indique l’Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) dans un communiqué. Le jugement du tribunal administratif de Toulouse relève ainsi des irrégularités dans les modalités d’information du public et dans l’enquête publique. Du côté de France nature environnement (FNE), dont la branche Midi-Pyrénées a déposé une requête en intervention auprès des collectivités parties dans cette affaire (ville de Toulouse et communauté urbaine du Grand Toulouse), il s’agit toutefois d’une décision en demi-teinte. Le juge administratif considère que le PPRT n’aurait pas dû identifier les immeubles à exproprier, mais aurait dû se limiter à identifier les secteurs soumis à risques. A l’appui de ce raisonnement, le tribunal estime (dans son considérant 20) que “l’objet d’un PPRT est de limiter les effets d’accidents susceptibles de survenir dans une installation classée […], en délimitant notamment autour de celle-ci un périmètre d’exposition aux risques dans lequel des règles spécifiques destinées à réduire, et non supprimer, l’effet de ces risques sur les personnes trouveront à s’appliquer ; qu’il ne peut donc légalement prescrire la fermeture de ladite installation ou son déplacement vers un autre site”. Or, pour José Canbou, pilote du réseau santé et environnement de FNE Midi-Pyrénées, la seule solution acceptable consiste dans le déplacement de “cette activité industrielle, nécessaire sur l’aire urbaine de Toulouse, vers une zone non urbanisée et qui soit embranchée [à une] voie ferrée”. En cause, l’évaluation “incomplète” du coût des PPRT. Celle-ci n’intègre “ni les coûts de protection des populations avoisinantes (périphérique, canal, etc.), ni les coûts de réhabilitation et de remise en état des entreprises devant être expropriées”, déplore FNE. Si ces coûts connexes avaient été pris en compte, “il eût été probablement économiquement plus avantageux de déplacer le site pétrolier Esso”, considère de même Amaris.

Remise à plat
La possibilité de faire appel de ce jugement sera examinée par le ministère de l’Ecologie, indique le préfet de Haute-Garonne dans son communiqué, soulignant par ailleurs son intention de prescrire “dans les meilleurs délais l’élaboration d’un nouveau plan sur le même périmètre autour de l’établissement Esso, après avoir redéfini les modalités d’information et de concertation”. La ville de Toulouse entend pour sa part tirer un bilan moins contextuel de cette annulation. Ce jugement “est l’occasion d’inviter les pouvoirs publics à revoir en profondeur les conditions d’élaboration des PPRT pour que celles-ci soient plus transparentes et qu’elles associent réellement les collectivités […]”, estime Régine Lange, adjointe au maire de Toulouse. Pour les élus écologistes de l’agglomération, qui accueillent également avec satisfaction la décision du tribunal administratif, l’Etat doit “reconsidérer la place des installations à risque en zone urbanisée”.

 

 

* A ce jour, selon Amaris, la quasi-totalité des PPRT ont été prescrits et 190 ont été approuvés. 

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