Réseaux de chaleur : les projets stagnent et leur compétitivité s’érode

Les acteurs de la filière et les réseaux d'élus locaux s'inquiètent de l'avenir des réseaux de chaleur, troublé par de fortes incertitudes alors même que leur contribution à la transition énergétique est confirmée par les chiffres d'une enquête nationale dévoilée le 13 octobre dernier.

 

Les résultats de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur et de froid, réalisée chaque année par le Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU), pour le compte du service statistiques du ministère de la Transition énergétique, ont été présentés à Paris le 13 octobre. “Ils confirment l’engagement environnemental des collectivités et de leurs opérateurs mais cet engagement est entaché par l’effondrement du dispositif de soutien, le fonds Chaleur. D’un côté, ces résultats sont satisfaisants ; de l’autre, ils suscitent de vives inquiétudes”, résume Messaoud Benfaïd, vice-président du syndicat.


Défiance des élus envers le fonds Chaleur

En développement constant depuis dix ans, avec un pic assez net en 2013, ces réseaux représentent plus de 5.000 kilomètres de linéaire. “C’est 300 de plus que l’an dernier. On recense 669 réseaux livrant près de 25 térawatts-heure (TWh) de chaleur, soit 2,3 millions d’équivalents logements”, décompte Thierry Franck de Préaumont. Le président du SNCU alerte sur le trou d’air traversé et les turbulences vécues dans ce secteur qui voit son portefeuille de projets et son rythme de croissance diminuer, au point que l’objectif fixé en 2023 par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne sera vraisemblablement pas atteint. Si la filière continue à décrocher par rapport à la trajectoire prévue, il deviendra impossible de corriger le tir. Car développer un réseau prend du temps, trois ans en moyenne. La visibilité n’est pas au rendez-vous et une collectivité qui souhaiterait créer son réseau s’apercevra vite que le contexte économique et législatif ne joue guère en la faveur de tels projets, lourds en terme d’investissement puis de fonctionnement. D’autant que, cerise sur la gâteau, ajoute Nicolas Garnier du réseau d’élus et d’entreprises Amorce, “le projet de loi de finances pour 2018 fragilise un peu plus le fonds Chaleur, déjà trop bas pour soutenir suffisamment de projets et qui ne va pas doubler comme cela était promis mais au contraire baisser !”. Autre mauvais signal, Bercy aurait demandé à l’Ademe de réduire encore la voilure de ses crédits d’engagement. “Résultat, la confiance des élus locaux envers le principal dispositif d’accompagnement s’effrite et s’installe une défiance envers cet outil pourtant idéal qu’est le fonds Chaleur. Tout cela est mauvais signe”, prévient Thierry Franck de Préaumont.

 

Des réseaux plus vertueux

Ce serait pourtant le moment de soutenir le développement des réseaux. Amorce suggère de ne pas se contenter de soutenir l’investissement initial mais de le compléter par un dispositif soutenant leur fonctionnement. Ces réseaux sont de plus en plus décarbonnés et intègrent, distribuent, valorisent chaque année un peu plus d’énergies renouvelables. L’enquête nationale estime que le bouquet énergétique de réseaux est composé à 47% d’énergies fossiles mais aussi à 25% de chaleur issue d’unités de valorisation énergétique (UVE), à 21% de biomasse et à 4% de géothermie. Souvent, un réseau de chaleur est d’ailleurs le seul moyen de valoriser d’importantes productions de chaleur fatale issue des usines d’incinération ou de la géothermie profonde.

 

Lien à la politique énergétique dans le bâtiment

La Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU), qui gère le réseau de chaleur de Paris et des communes proches, a opéré ce verdissement de son mix énergétique : “Nous sommes fiers de contribuer ainsi aux ambitions du plan climat air énergie territorial (PCAET) de la ville de Paris. En augmentant la part des énergies vertes dans nos réseaux, nous contribuons à réduire les émissions de CO2 dans la capitale et à alimenter en chaleur majoritairement renouvelable l’équivalent de 500.000 logements, dont un tiers du logement collectif parisien”, confirme Marc Barrier, directeur général de la CPCU. Avec la baisse du prix des énergies fossiles, la rentabilité des réseaux de chaleur se trouve mise en péril. Face au gaz, la chaleur produite à partir de la biomasse peine à être compétitive. “Parmi nos clients, les plus inquiets sont les copropriétés – certaines se déraccordent et repassent au gaz. Nous n’avons pas de création de nouveaux réseaux en vue et misons plus sur la densification des réseaux existants, leur raccordement à de nouveaux bâtiments, notamment chez nos clients du tertiaire qui ont compris que c’était important pour décrocher un label énergétique et ainsi mieux valoriser leur patrimoine”, motive Marc Barrier. “L’expérimentation du nouveau label E+C- , qui préfigure la prochaine réglementation thermique pour le neuf, valorise également les énergies renouvelables”, ajoute une note technique d’Amorce. Une voie à explorer pour renforcer la pertinence de la solution réseau de chaleur vertueux et consolider son avenir.


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