Réforme de l’évaluation environnementale : une copie à revoir

Dans un avis rendu le 14 mars dernier, la formation d'Autorité environnementale (AE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) pointe les nombreuses fragilités juridiques du projet de décret relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant des incidences sur l'environnement.

Le projet de décret, soumis à consultation publique en février dernier, détermine la liste des plans et programmes devant faire l’objet d’une évaluation environnementale stratégique de manière systématique ainsi que l’autorité administrative de l’Etat chargée de formuler un avis. En réponse à une mise en demeure de la Commission européenne adressée à la France en octobre 2009, la loi Grenelle 2 a en effet complété le champ de l’évaluation environnementale et introduit l’examen “au cas par cas”. Or, le projet de décret, destiné à parfaire la transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation environnementale des plans et programmes, fait précisément l’objet de sévères critiques du CGEDD. L’AE déplore tout d’abord l’absence de définition en droit français de ce qu’est “un plan ou un programme”, alors que cette définition figure dans la directive. Autre insuffisance du texte : aucun document de portée nationale ne figure dans le projet au titre du secteur de l’énergie, seuls les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) étant visés. De nombreuses remarques de l’AE ciblent par ailleurs le cadrage préalable qui permet d’ajuster le contenu de l’évaluation devant être réalisée. S’agissant du rapport environnemental, document retraçant la démarche d’évaluation, les critiques sont essentiellement rédactionnelles. L’obligation de produire une estimation des dépenses correspondant aux mesures d’évitement, réduction ou compensation des impacts apparaît “assez largement illusoire, et l’interprétation des estimations produites sera sans doute à peu près impossible”, juge toutefois sur le fond l’AE.

Confusion de compétence

Le principal reproche adressé par l’AE réside dans l’absence de séparation fonctionnelle entre l’autorité environnementale et l’autorité chargée de la décision pour les plans et programmes. Le projet de décret répartit les compétences en la matière entre l’AE du CGEDD et les préfets de région ou de département selon une logique proche de celle retenue dans le décret 2011-2019 relatif aux études d’impact des projets. Le texte s’écarte toutefois de cette logique, note l’AE, en prévoyant dans de très nombreux cas que l’autorité environnementale est la même autorité que celle qui arrête le programme. C’est le cas notamment pour les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), les SRCAE, les plans de gestion des risques d’inondation ou encore le schéma minier de Guyane. Dans la procédure d’examen au cas par cas, “le préfet de département pour les PPR (plans de prévention des risques) se consulte lui-même, attend sa réponse deux mois… et ne peut faire un recours contentieux contre sa propre décision qu’après un recours administratif préalable auprès de lui-même !”, ironise l’AE. Cette situation n’est pas conforme à l’esprit de l’article 6 de la directive 2001/42/CE, qui prévoit la consultation par l’autorité chargée de prendre la décision d’une autorité environnementale, insiste l’AE. D’autant plus qu’un arrêt du 20 octobre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne prescrit également cette séparation fonctionnelle.

Calendrier serré

Le CGEDD souligne enfin l’incertitude s’attachant à la mise en oeuvre des dispositions du projet de décret prévue “à compter du 1er janvier 2013”. Si l’on se réfère à la date de la décision arrêtant le plan ou programme, le calendrier “semble à peu près impossible à tenir pour les opérations nécessitant une enquête publique, après avis de l’AE, et après élaboration du rapport d’évaluation pour les pétitionnaires qui n’auraient pas pu anticiper sur les dispositions du décret”, note-t-il. S’il s’agit en revanche de la date de début de l’enquête publique ou de la procédure de consultation, “le calendrier reste très serré, mais possible, et pose toujours la question de l’anticipation nécessaire pour la mise en oeuvre du cas par cas”. Afin d’éviter l’insécurité juridique qui résulterait du projet actuel pour les plans et programmes déjà en cours d’élaboration, “la fixation d’une date de mise en application fixée par référence à la date de signature du décret plutôt que dans l’absolu serait probablement plus sage”, conclut l’AE.

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