Refondation du système ferroviaire : la mission à grande vitesse qui inquiète les élus

La lettre de mission sur l'avenir du transport ferroviaire confiée par le Premier ministre à Jean-Cyril Spinetta, l'ancien président d’Air France, vient d'être rendue publique le 16 octobre. La concertation qu'elle induit s'annonce animée et devra être menée tambour battant. En à peine trois mois, elle doit déboucher sur des propositions ! La remise à plat annoncée du modèle économique des TGV impactera sans doute le réseau des villes desservies, ce qui génère des inquiétudes de la part des élus concernés.

 

Jean-Cyril Spinetta, l’ex-PDG d’Air France, est chargé par le Premier ministre de remettre en janvier 2018 un rapport sur la transformation réussie du transport ferroviaire (voir notre article du 20 septembre 2017). Sa lettre de mission a été rendue publique le 16 octobre.

En trois petits mois, il va falloir concerter l’ensemble des parties prenantes du secteur puis remettre des conclusions au gouvernement pour l’éclairer dans ses choix et ainsi nourrir le volet rail de la future loi d’orientation, attendue au premier trimestre 2018. Pour couronner le tout, sa réflexion englobe le fret ou transport ferroviaire de marchandises, “durablement en crise” depuis 2000. Si la concertation s’annonce d’ampleur, le délai pour la réaliser semble minimal : “Ce délai n’est pas excessif”, confesse pudiquement Jean-Cyril Spinetta. A fortiori pour un tel chantier, que le Premier ministre juge “stratégique”. Par comparaison, il y a quatre ans, les travaux de la commission de l’ancien député Philippe Duron, chargé à l’époque de faire le tri dans les grands projets d’infrastructures et de clarifier la politique de transports, avaient nécessité huit mois de consultation…

 

Ses trois dimensions

La missive du Premier ministre précise les contours des missions confiées. Trois “dimensions” sont considérées : stratégie ferroviaire, stratégie économique et financière et stratégie d’ouverture à la concurrence. Les représentants des voyageurs et des entreprises, les organisations syndicales et patronales du secteur, mais aussi les autorités organisatrices, les opérateurs et le gendarme du rail, l’Arafer, vont être très vite conviés autour de la table. Rien qu’au chapitre des “conditions de réussite de l’ouverture à la concurrence” et de la transposition des dispositions du quatrième paquet ferroviaire, laquelle “doit être effective avant le 25 décembre 2018”, la concertation qui s’annonce inclut les régions et devra se pencher sur des questions aussi épineuses que le sort des biens (matériel roulant, ateliers de maintenance) qui leur sont confiés. Autre sujet délicat, la question des données techniques et financières, “dont les autorités organisatrices doivent disposer pour être en mesure de bâtir des appels d’offres”, ainsi que les modalités de recueil de ces informations stratégiques. De ce travail d’écoute et d’analyse, prescrit la lettre de mission, déboucheront “des propositions précises sur les dispositions à mettre en place en distinguant celles qui relèveraient du domaine de la loi, du règlement ou de la convention”.

 

Un service public performant

L’objectif alloué à cette mission paraît ambitieux : “Préparer une stratégie d’ensemble pour refondre le modèle du transport ferroviaire dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence, en préservant les missions d’un service public performant.” Et l’horizon fixé pour repenser cette desserte du territoire français par le transport ferroviaire l’est à 2030. La priorité donnée “depuis une trentaine d’années” à la grande vitesse va être au centre des échanges. Un “diagnostic des modèles économiques des TGV et du réseau” sera établi. Et des solutions devront émerger pour résorber le déséquilibre économique du système “sans recours accru aux subventions publiques” et pour identifier les segments sur lesquels les efforts doivent être renforcés afin de “mieux répondre aux attentes de la collectivité et de l’économie”.

 

Réinventer un modèle

Car économiquement, le TGV va mal : “Deux TGV sur trois sont déficitaires”, martèle sans relâche la ministre des Transports, Elisabeth Borne, depuis le lancement des Assises de la mobilité. En clair, c’est une remise à plat progressive du réseau qui s’annonce, de nouveaux “scénarios de desserte” qui s’esquissent et dont découleront des pistes de nouvelle tarification du réseau, en allant jusqu’à “des propositions sur les modalités de prise en charge et de remboursement de la dette de SNCF Réseau”. Un chantier complexe qui va conduire à réinventer “le modèle de desserte à privilégier”, et ce “en articulation avec les services conventionnés de niveau national ou régional”, c’est-à-dire les TER et trains d’équilibre du territoire, que le calendrier européen prévoit par ailleurs d’ouvrir à la concurrence en 2023, dans la foulée du TGV (2020).

Réagissant à cette lettre de mission annonçant une réflexion – pour ne pas dire une remise en cause – des dessertes TGV actuelles, l’association Villes de France craint “une érosion irrémédiable du service, voire un sacrifice délibéré de l’activité ferroviaire”. Ses membres élus exigent “plus de cohérence d’ensemble” et que soit mis en œuvre, comme cela est réclamé depuis plusieurs années, un schéma national de desserte ferroviaire. Cette association présidée par la maire de Beauvais (Oise), Caroline Cayeux, redoute par ailleurs qu’en touchant à l’offre ferroviaire, l’aménagement équilibré du territoire et l’attractivité économique du bassin de vie en pâtissent. “Nous venons de demander à être reçue rapidement par la ministre des Transports”, conclut l’association, dans un communiqué.

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