Projet de loi Sapin 2 : la commission mixte paritaire se solde par un échec

La commission mixte paritaire qui s'est réunie ce mercredi 14 septembre pour tenter de trouver une version de compromis sur le projet de loi "relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique" s'est conclue par un échec. 

Le 14 septembre, le passage en commission mixte paritaire (CMP) du projet de loi “relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique” – dit “Sapin 2” du nom du ministre des Finances qui porte principalement ce texte -, n’a pas débouché sur un accord entre députés et sénateurs. Le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas, a regretté, dans un communiqué diffusé juste après l’échec de la CMP, “que les députés de la majorité n’aient pas saisi la main tendue par les sénateurs, dans ce combat qui devrait nous être commun contre la corruption et pour la modernisation de notre système économique”. Il a fait valoir les “importants efforts” déployés en direction de l’Assemblée nationale, depuis l’adoption du projet de loi par le Sénat le 8 juillet dernier, afin d’obtenir un texte équilibré en CMP. “Nous ne comprenons pas cette attitude, alors que le gouvernement était prêt au compromis”, a déploré le sénateur LR de La Manche.

 

Désaccord sur le registre unique

La question du répertoire des représentants d’intérêts constitue “le seul point dur rédhibitoire”, selon le rapporteur François Pillet. “Le Sénat ne peut accepter en l’état le texte de l’Assemblée nationale, car il est contraire à la Constitution et au principe de séparation des pouvoirs ; de plus, il retient un périmètre bien trop large, qui sera impraticable pour la HATVP [Haute Autorité pour la transparence de la vie publique]”, a ainsi estimé le sénateur du Cher (rattaché LR).
Rappelons que la commission des Lois de l’Assemblée a ouvert la voie à la création d’un registre unique – commun au Parlement et au pouvoir exécutif – et étendu son périmètre aux activités de représentation d’intérêts exercées auprès des collectivités. Les représentants d’intérêt devront s’y enregistrer s’ils veulent s’adresser au président de la République, aux ministres, aux parlementaires, aux membres du Conseil constitutionnel ou d’une section administrative du Conseil d’Etat, aux hauts fonctionnaires, élus locaux ou certains fonctionnaires territoriaux.
C’est également une définition large des lobbies qui a été retenue par l’Assemblée visant les personnes morales “dont l’activité principale ou accessoire a pour finalité d’influer, pour leur compte propre ou celui de tiers, sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire”. “Nous tenons à un registre unique, tout en respectant l’autonomie de chaque assemblée”, a fait valoir le député et rapporteur Sébastien Denaja (PS-Hérault). Il a toutefois indiqué à l’AFP “qu’il proposerait de revenir au périmètre initial du registre, lequel excluait les lobbyistes entrant en communication avec les membres du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat ainsi que le président de la République”.

 

Lanceurs d’alerte

Autre point d’achoppement le statut des lanceurs d’alerte. “Nous proposions une définition permettant d’englober tous les cas de lanceurs d’alerte, tandis que la droite sénatoriale souhaitait conditionner la bonne foi du lanceur d’alerte à un respect très strict des canaux de signalement. Elle ne souhaitait pas non plus rétablir les sanctions prévues en cas d’entrave à l’alerte”, a indiqué la députée de Paris Sandrine Mazetier. A l’inverse, Philippe Bas a estimé de son côté que le volet sur les lanceurs d’alerte “ne donne pas de garanties suffisantes contre la délation, la diffamation, la calomnie, la divulgation de fausses informations, ou la violation du secret professionnel et notamment médical”. Ajoutant que le Sénat “ne veut pas que des sanctions soient prononcées en dehors des procédures judiciaires, qui, seules, assurent les droits de la défense et les voies de recours”, le président de la commission des Lois s’est également positionné contre une Agence de lutte contre la corruption, “service ministériel placé sous l’autorité du gouvernement”.
Convaincu que l’accord en CMP était possible sur le fond, “y compris sur les sujets agricoles et financiers relevant des commissions pour avis”, François Pillet a rappelé que “le Sénat était disposé à faire des concessions sur l’ensemble des points importants, comme les lanceurs d’alerte ou la rémunération des dirigeants de société, pour faire aboutir ce texte rapidement”. Pour le rapporteur, l’échec de la CMP ne doit pas conduire à l’abandon de nombreuses avancées acquises grâce au Sénat, par exemple : “l’élargissement des pouvoirs de recommandation et de contrôle de l’agence de prévention de la corruption à l’ensemble des personnes morales publiques et privées ; les améliorations apportées à l’ordonnance Marchés publics de 2015, afin de mieux protéger les PME ; ou encore les nombreuses mesures de simplification du droit des sociétés, largement approuvées et attendues par l’ensemble des acteurs de la vie des entreprises”.
“L’Assemblée tiendra compte de certains apports du Sénat, en particulier rédactionnels”, a de son côté assuré Sébastien Denaja. Les rapporteurs des deux chambres ont en outre promis “un travail diligent” sur le volet agricole du texte, objet d’un “consensus large” et “attendu par la profession, notamment le secteur laitier”, a t-il précisé.
Le projet de loi devrait être examiné à nouveau à l’Assemblée nationale les 28 et 29 septembre prochains, peu après la reprise des travaux parlementaires en session extraordinaire. Il reviendra ensuite au Sénat, puis le dernier mot sera donné à l’Assemblée pour statuer définitivement.

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