Pour la Cour des compte, il est urgent de réformer les services déconcentrés de l’État

La Cour des comptes s’est penchée sur le fonctionnement des services déconcentrés de l’État et, comme à son habitude, elle n'est pas tendre. Pour les sages de la rue Cambon, l'heure est venue de revoir de fond en comble l'organisation de l'administration sur le terrain.

 

« L’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État ». Un principe posé par la loi du 6 février 1992 et qui souligne la situation paradoxale des services déconcentrés de l’État. « En effet, leurs missions essentielles sont parfois, faute de moyens, difficilement voire pas du tout assumées en certains endroits du territoire », explique la Cour des comptes, avant de poursuivre, « Dans le même temps, des ressources continuent d’être affectées à des missions qui ne sont pas ou plus prioritaires, notamment parce qu’elles doublonnent avec des compétences transférées aux collectivités territoriales. » Le constat est dur, voire brutal.

 

Recentrer les services déconcentrés

Confrontés à des mutations majeures – géographiques, socio-démographiques, juridiques, institutionnelles – les service déconcentrés de l’État ont déjà fait l’objet de réformes importantes et récentes. Pour les ages de la rue Cambon, ce mouvement doit être poursuivi « en clarifiant leurs missions, en adaptant leur organisation territoriale et en leur faisant davantage confiance pour gérer leurs ressources humaines et financières. »
Selon le rapport de la juridiction, les missions de l’État mises en œuvre par ses services déconcentrés connaissent des évolutions permanentes et des situations contrastées selon les territoires. Certaines compétences ont été transférées aux collectivités territoriales, d’autres ont été créées ou renforcées, mais leur hiérarchisation, leur pilotage et l’évaluation de leurs résultats peuvent être améliorés, estiment les rapporteurs. Ainsi, certaines missions d’inspection ou de contrôle sont incomplètement exercées comme, par exemple, le contrôle des installations classées. Mais, note le rapport, la Cour constate aussi depuis ses précédentes enquêtes, le renforcement des contrôles assurés par les services vétérinaires et l’inspection du travail.

 

Il faut rationaliser

« Les gains d’efficience nécessaires pour assurer la réalisation des missions de l’État pourraient davantage s’appuyer sur le développement des outils numériques, dont les conséquences sont importantes en termes de relations avec les usagers et de restructuration des services, ce qui suppose un dimensionnement des réseaux nettement amélioré », soulignent les juges.
Au-delà, l’exercice des missions de l’État doit être rationalisé, par exemple en confiant les missions les plus techniques au niveau interdépartemental ou régional, voire suprarégional. En matière de logement et d’hébergement, d’une part, et de routes, d’autre part, une simplification de l’organisation des services déconcentrés est indispensable. Dans d’autres cas – jeunesse, sports, action sociale, action économique et emploi – les compétences ne sont pas clairement réparties et sont trop souvent redondantes avec celles d’autres acteurs, notamment les intercommunalités et les régions, ce qui rend incompréhensibles les responsabilités de chacun pour le public et complexifie les interventions. Certaines de ces missions pourraient être supprimées lorsque les services déconcentrés de l’État n’apportent pas de plus-value : c’est le cas par exemple en matière d’orientation, de formation ou de tourisme.

 

Adapter et rénover

Le rapport souligne également que l’État n’a pas tiré toutes les conséquences de la réforme régionale pour ses services déconcentrés, qui ont été réorganisés avant même la mise en place des conseils régionaux nouvellement élus. Ainsi la fonction de préfet, notamment de région, doit-elle être redéfinie. Des directions régionales multi-sites ont été réparties entre les chefs-lieux des anciennes régions, créant des difficultés quotidiennes de management et de fonctionnement. À l’échelle infra-départementale, le réseau, inchangé, demeure dense sans réelle nécessité. « Son évolution est nécessaire pour adapter les services déconcentrés aux nouveaux besoins des bassins de vie et renforcer l’efficacité et l’efficience des services publics. Une réponse consiste dans la création de nouvelles maisons de services au public favorisant les mutualisations et les synergies, en regroupant des services rendus plus accessibles et plus visibles pour les citoyens. »

 

Sortir des silos

En matière de ressources humaines, la Cour constate une gestion rigide, en « silos » ministériels, qui entrave l’adaptation des effectifs aux besoins tels qu’ils peuvent être évalués au niveau régional. La répartition des effectifs est mal adaptée aux évolutions, par exemple dans l’Éducation nationale ou dans le réseau des administrations financières. De plus, les freins à la mobilité des agents, qu’elle soit interministérielle ou bien géographique et fonctionnelle, sont nombreux et puissants. De même, en matière de crédits, la déconcentration est insuffisante. Dans ces deux domaines, la Cour propose des expérimentations pour aller plus loin dans l’adaptation aux réalités locales sans pour autant renoncer aux disciplines de la loi organique relative aux lois de finances.
Enfin, la mutualisation des fonctions supports des administrations déconcentrées peut permettre des progrès, mais elle demeure trop cloisonnée au sein de chaque ministère, hormis en matière de gestion immobilière et financière ou d’achats.

En conconclusion la Cour des compte formule 49 recommandations centrées sur quatre orientations :
– recentrer les services déconcentrés sur les missions prioritaires de l’État et répartir de manière plus efficace l’exercice de celles-ci entre ces services ;
– faire des services publics numériques un levier de transformation des services déconcentrés de l’État ;
– accélérer l’adaptation de l’organisation territoriale des services de l’État ;
– faire davantage confiance aux services déconcentrés dans la gestion mutualisée et décloisonnée de leurs moyens.

 

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