Plan de rénovation énergétique des bâtiments : des propositions pour ne pas aller droit dans le mur

L'équipe du plan Bâtiment durable a présenté le 22 février ses propositions visant à nourrir le plan national de rénovation énergétique des bâtiments, qui sera dévoilé dans les prochaines semaines. Elle recommande d'associer pleinement les territoires à son pilotage. Ses préconisations portent aussi sur le rôle des régions, les contours d'un futur service public de la performance énergétique de l'habitat ou encore le déploiement des plans bâtiment durable régionaux.

L’équipe du plan Bâtiment durable a publié le 22 février cinquante propositions issues de la consultation de son propre réseau afin d’alimenter et corriger des biais du projet de plan de rénovation énergétique des bâtiments, qui va être prochainement rendu public par le gouvernement.

La concertation globale sur ce projet de plan s’est achevée fin janvier. Mais elle est arrivée tardivement, estime pour commencer cette équipe : “Pour une plus grande efficacité et une traduction opérationnelle plus rapide, cette consultation aurait du être menée en amont.” Ce plan reprend l’objectif de rénover 500.000 logements par an, affiché sans succès durant le quinquennat précédent. Fin janvier, l’association négaWatt, critiquant le manque d’ambition du projet de plan, estimait cet objectif peu réaliste. Moins frontalement, l’équipe du plan Bâtiment durable conseille au gouvernement de “réaffirmer un nombre limité d’objectifs, qui soient cohérents au regard des engagements législatifs précédents et des ambitions du plan Climat”.

 

Agir sur tous les fronts

 

Un portage politique fort du plan est, selon elle, essentiel, pour que ce plan de rénovation soit “maintenu sur la durée du quinquennat par les ministres ou leurs secrétaires d’Etat”. Autre demande : que ce prochain plan, même si ses priorités affichées sont l’éradication des passoires thermiques et la rénovation des bâtiments publics, concerne l’ensemble des segments du parc et n’en néglige pas d’autres comme les logements mis en location en dehors du parc social : “40% des résidences principales du parc privé étant occupées par des locataires, il est essentiel de considérer ce segment du parc en accompagnant d’une part les propriétaires bailleurs, d’autre part les locataires.”

Du côté des propriétaires bailleurs, il est proposé de mieux faire connaître “le dispositif dit de la troisième ligne de quittance”. Issu d’une loi de 2009, il permet de “faire participer le bailleur au gain de charges constaté par le locataire en raison de travaux de rénovation énergétique assumés par le propriétaire”. Concernant la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires “du quotidien”, l’équipe du plan Bâtiment durable conseille qu’il soit fait référence dans le plan au groupe de travail mené par ses soins avec la Caisse des Dépôts et le plan Bâtiment durable sur la rénovation des bâtiments éducatifs. Ce groupe de travail publiera ses recommandations définitives en avril prochain. Elles intégreront certainement un volet sur les montages financiers et solutions contractuelles disponibles ou à explorer. Parmi eux figurent le contrat de performance énergétique (CPE), bien connu pour la rénovation de lycées : “Un clausier CPE à destination des collectivités publique existe mais il reste à le faire connaître et éventuellement à expertiser les possibilités de mise à jour, afin de permettre le développement de CPE de deuxième génération.”

 

Des régions chefs de file

 

Parallèlement à la mise en œuvre du plan de rénovation il faudra, pointe ce document de synthèse, “rappeler l’importance de maintenir une politique vigoureuse et cohérente sur la construction neuve, c’est-à-dire soutenir l’expérimentation E+/C- qui prépare l’entrée en vigueur de la future réglementation environnementale”.

Le rôle des territoires dans la réussite du prochain plan est réaffirmé, tout comme la nécessité de leur donner les moyens financiers suffisants et de les associer pleinement au pilotage du plan : “Un des éléments clés du succès du plan est de reconnaître le rôle moteur des territoires, spécialement des régions dans la conduite de l’action : cela doit se traduire par l’idée de confier aux territoires plutôt que de mobiliser les territoires.” Dans ce schéma, le cap serait fixé au plan national par les pouvoirs publics mais l’action se mettrait en place en région, celle-ci devenant “chef de file du projet, en étroite collaboration avec les autres niveaux de collectivités”.

L’équipe du plan Bâtiment durable invite également à “sortir du seul prisme de l’énergie et des économies de charges”, de faire évoluer les messages pour les rendre plus positifs, moins culpabilisants, en mettant en avant d’autres arguments et leitmotiv de rénovation : confort, bien-être, santé, adaptation du logement, vieillissement, valeur verte et patrimoniale, etc. “Plutôt que de parler de rénovation énergétique, parlons a minima de rénovation, voire d’amélioration de l’habitat et du bâtiment”, suggère ainsi l’équipe du plan Bâtiment durable.

 

Vers un portail unique

 

L’idée forte sort du lot : créer un portail internet unique de la rénovation “porté par les différents acteurs publics (ministères, Ademe, Anah) et remplaçant les nombreuses pages éparses à destination des particuliers”. Mais aussi soutenir “la création d’une signature commune de la rénovation partagée par les acteurs publics et privés, dans le respect des marques existantes”. D’ici là, côté territoires, il faut “poursuivre le déploiement des plans Bâtiment durable régionaux comme outils de mobilisation à l’échelon régional”. En effet, la “gouvernance locale adaptée” qu’ils aident à mettre en place, ce “partenariat renforcé” entre acteurs locaux, commencent à faire leurs preuves.

A ne pas négliger non plus, le rôle des autres échelons territoriaux, départements et EPCI, notamment dans la mise en œuvre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) avec l’Etat et les régions. Il ressort, en outre, des nombreuses contributions reçues “un réel intérêt pour la mise en place de programmes territorialisés de rénovation, sur le modèle des OPAH de l’Anah”. Reste que la mobilisation des territoires ne passe pas par la seule action des collectivités territoriales mais par “l’embarquement de l’ensemble des acteurs dans cette dynamique, notamment les professionnels, clusters et centres de ressources”, lesquels sont “à mieux intégrer dans la gouvernance et dans les logiques territoriales”.

Autres améliorations à apporter : mieux communiquer sur les expériences réussies de rénovation en copropriété et sur les quelques initiatives régionales de tiers-financement. Dans ce domaine, “il convient que les pouvoirs publics, au plan national, soutiennent des expérimentations qui, sur certains territoires, ont été arrêtées par décision politique”. Pour finir, l’équipe du plan Bâtiment durable suggère que l’enjeu de l’auto-rénovation ne soit pas négligé dans le futur plan. Et relève qu’aucune disposition spécifique aux territoires d’outre-mer n’y figure pour l’instant.

 

Morgan Boëdec

 

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