Performances de la gestion des déchets : un rapport fourmille de propositions

Dans un rapport rendu public le 20 mai, la mission d'évaluation de la gestion locale des déchets ménagers propose un socle de recommandations essentielles portant sur la planification, l'organisation et le financement du service public de gestion des déchets, et identifie trois scénarios de transformation. 

La mission d’évaluation de la gestion des déchets par les collectivités territoriales -composée de membres de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale de l’administration (IGA), du Conseil général de l’environnement et de développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) – vient de rendre public son rapport via le portail de la modernisation de l’action publique. Lors du quatrième comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2013, le gouvernement avait annoncé le lancement de douze nouvelles évaluations de politiques publiques “pour voir ce qui doit être réformé et comment”. Début 2014, la mission d’évaluation de la gestion locale des déchets ménagers démarrait ses travaux avec l’objectif notamment d’en réduire les coûts estimés à plus de 10 milliards d’euros en 2013. Dans un contexte de réforme territoriale et de transition écologique, l’ambition affichée était par ailleurs d’analyser “les performances économiques et environnementales des services publics locaux de gestion des déchets [SPGD]” avec en ligne de mire les objectifs du “Plan déchets 2020”.

 

Planification et contractualisation

Le diagnostic établi laisse entrevoir des “marges significatives de rationalisation et d’accroissement de la performance”, ce malgré la structuration complexe et hétérogène du SPGD, qui s’appuie principalement sur le bloc communal. Cette situation conduit à des performances environnementales qui se situent dans la moyenne des pays européens. La quasi-stabilité du volume global des déchets ménagers et assimilés (DMA) pris en charge s’explique toutefois en grande partie par le recours accru aux déchèteries (17% d’augmentation sur la période 2007-2011), note le rapport. Par ailleurs, les taux de recyclage progressent lentement, malgré la multiplication des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). En cause, la faible capacité d’un grand nombre de centres de tri et la préférence donnée à l’incinération et au stockage des déchets. Le volume de DMA incinérés ou stockés a diminué de 4,8% entre 2008 et 2011 quand le plan d’action des déchets pour la période 2009-2012 visait une réduction de 15%. Aux yeux de la mission l’échelon régional apparaît pertinent, notamment pour optimiser les installations de tri. Mais au-delà d’une planification régionale plus prescriptive, le rapport recommande une contractualisation entre région et collectivités gestionnaires et propose d’y associer davantage l’Ademe. La contractualisation entre collectivités et prestataires “incluant des objectifs de performance et pas seulement de moyens” est également encouragée.

 

Structurer la répartition des compétences

Selon la mission, la gestion intercommunale gagnerait en outre à être systématisée. Le rapport préconise ainsi le transfert obligatoire de la compétence de gestion des déchets à l’intercommunalité avec en contrepartie la possibilité “de ne transférer à un syndicat intercommunal qu’une partie de la compétence collecte ou traitement”. Parmi les autres mesures détaillées figure la suppression du pouvoir d’opposition des maires pour le transfert du pouvoir de police relatif à la réglementation de la collecte. S’agissant des performances environnementales, il convient de faciliter le tri “en clarifiant les consignes pour le consommateur” et, tout en conservant une certaine prudence, “en homogénéisant progressivement les modalités de la collecte sélective”. Quant à la collecte séparée des bio-déchets, là encore la prudence est de mise, selon la mission. Les éco-organismes des filières emballages et papiers graphiques pourraient se voir confier une responsabilité d’organisation du tri et de la valorisation. Pour améliorer la connaissance des performances économiques, le rapport propose par ailleurs de rendre obligatoire la tenue d’un budget annexe ainsi qu’une centralisation auprès de l’Ademe de l’ensemble des informations sur les déchets.

 

Maximiser les incitations

Côté coûts, la connaissance demeure en effet “imparfaite” en dépit d’une forte croissance. Là encore, la mission relève une “grande hétérogénéité” “même à l’intérieur de catégories relativement homogènes de territoires”, avec des rapports du simple au double. La tarification incitative est encore peu développée “malgré des premières expériences concluantes”. Pour faciliter sa diffusion, le rapport propose notamment une diminution des frais prélevés par l’Etat pour percevoir la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) dès lors qu’une partie incitative est mise en œuvre. En amont, il préconise “de fortes modulations des éco-contributions afin de développer l’éco-conception des produits”. En aval, cela suppose “une meilleure connaissance” des externalités de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et une “justification étayée des réfactions”. En revanche, la mission considère la modulation de la TGAP en fonction des performances environnementales comme “non opportune”. La mission attire enfin l’attention sur les risques juridiques et financiers de non respect de l’obligation de mise en œuvre de la redevance spéciale.

 

Trois scénarios

Compte tenu du caractère “extrêmement ambitieux” des objectifs contenus dans le “Plan déchets 2014-2020” et le projet de loi sur la transition énergétique, au regard des performances réelles du SPGD au cours de la période 2006-2013, la mission définit trois scénarios d’évolution distincts par leur degré d’ambition. Le scénario “médian” repose sur l’alignement des pratiques des collectivités territoriales sur trois indicateurs – volume de DMA par habitant, part des déchets non résiduels et coût complet par habitant – sur les performances du meilleur quartile de leur catégorie en termes géographiques et socio-économiques. Selon la mission, l’atteinte de ces cibles permettrait de réduire d’environ 9% le volume des DMA et réduirait leur coût de gestion de 12% (soit 1,3 milliard d’euros). Deux pistes principales pourraient en outre améliorer la gestion des déchets : le développement d’une tarification incitative à l’horizon 2025 et le transfert aux éco-organismes de la maîtrise d’ouvrage du tri couplée à la couverture à 100% d’un coût de référence pour la collecte sélective.

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