L’annulation des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution pour la période 2009-2013 marque une nouvelle victoire pour le Sipperec, syndicat intercommunal regroupant une centaine de collectivités franciliennes, à l’origine du recours. Le Conseil d’Etat avait en effet déjà donné gain de cause au Sipperec, par un arrêt du 22 octobre dernier, en annulant l’arrêté du 13 août 2009 sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité. En cause dans le cadre de cette nouvelle affaire, la troisième version des tarifs d’utilisation des réseaux d’électricité – TURPE 3 – qui avait été approuvée le 5 mai 2009 par les ministres de l’Energie et de l’Economie sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ces tarifs, qui visent à couvrir les coûts d’acheminent de l’électricité supportés par le gestionnaire du réseau public de distribution (ERDF) sont entrés en vigueur le 1er août 2009. A ce titre, l’ensemble des usagers – qu’ils soient clients d’EDF aux tarifs réglementés ou en offre de marché – versent 8,4 milliards d’euros par an à ERDF, “soit 33% du montant TTC de la facture acquittée par tous les usagers d’électricité”, précise le Sipperec.
Des modalités de calcul erronées
La détermination du TURPE repose en principe sur l’ensemble des coûts engagés par le distributeur, parmi lesquels figure la rémunération des capitaux investis par ERDF. Le principal motif du recours portait précisément sur ce point. Le Sipperec reprochait en effet le caractère excessif de cette rémunération, alors que ces capitaux incluent majoritairement des apports d’usagers, via les provisions apportées dans leurs factures d’électricité, ou de collectivités locales concédantes. Le litige provient “d’une question technique liée au passage, initié en 2005, d’une régulation comptable à une régulation économique des actifs détenus par le principal gestionnaire de réseaux de distribution ERDF”, souligne le ministère de l’Ecologie dans un communiqué. Or, cette méthodologie retenue par la CRE est “erronée”, estime le Conseil d’Etat dans sa décision. La CRE a évalué le coût moyen pondéré du capital “comme si le passif de la société ERDF avait été composé à 40 % de capitaux propres et à 60% de dettes”, relève le Conseil, en s’abstenant de prendre en compte les caractéristiques spécifiques de la comptabilité des concessions de distribution d’électricité, en particulier les droits des collectivités concédantes de récupérer les biens en fin de concession à hauteur de 26,3 milliards d’euros. A ces ressources gratuites pour ERDF, s’ajoutent 10,6 milliards d’euros de provisions pour le renouvellement des réseaux, relève en outre le Conseil d’Etat. La méthode retenue par la CRE, consistant à ignorer ces provisions payées par les usagers et non encore utilisées par ERDF, est également en cause, selon la Haute Juridiction. Principale conséquence, “les usagers payent deux fois les investissements pour renouveler le réseau”, déplore le Sipperec.
Effet rétroactif
La décision du Conseil d’Etat ne prendra effet qu’au 1er juin 2013. Dans ce délai, il appartiendra à la CRE de proposer une nouvelle version de “TURPE 3” qui s’appliquera rétroactivement à la période 2009-2013 et se substituera ainsi au tarif annulé. La CRE a par ailleurs indiqué son intention de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat dans l’élaboration, actuellement en cours, du tarif d’électricité destiné à s’appliquer à la période 2013-2017 (TURPE 4). Au moment où s’ouvre le débat sur la transition énergétique, la présidente du Sipperec, Catherine Peyge, appelle “à un débat démocratique sur les vrais coûts de l’électricité” et à un “contrôle multi partenarial et social sur l’utilisation des ressources du TURPE”. ERDF a pour sa part démenti étudier un remboursement d’un trop perçu sur les factures des usagers, selon l’AFP. “Les conséquences concrètes pour les opérateurs et les consommateurs d’électricité devront être évaluées au regard des motifs retenus par la décision du Conseil d’État”, a indiqué le ministère. Néanmoins, le futur TURPE 4 devra préserver “la capacité des gestionnaires de réseaux à réaliser les investissements nécessaires (…)”, ajoute le communiqué.
Référence : CE, 28 novembre 2012, n° 330548, 332639, 332643, Société Direct Energie et autres.