Notre-Dame-des-Landes : l’analyse juridique de la décision de la cour administrative d’appel de Nantes

La cour administrative d’appel de Nantes a validé les arrêtés autorisant les travaux de construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Analyse juridique détaillée.

La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté les dix requêtes contestant les jugements du 17 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes qui avaient eux-mêmes rejeté l’ensemble des demandes formées contre trois séries d’actes pris par le préfet de la Loire-Atlantique (arrêtés portant déclaration d’utilité publique, arrêtés pris au titre de la loi sur l’eau, arrêtés pris au titre des espèces protégées). Les juges n’ont donc pas suivi les conclusions du rapporteur public du 7 novembre qui estimait que le réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes constituait une alternative “non seulement avérée mais satisfaisante” qui empêchait la délivrance de dérogations Loi sur l’eau et Espèces protégées. Les associations requérantes ont maintenant deux mois pour saisir le Conseil d’Etat si elles le souhaitent.

Pour la cour, la déclaration d’utilité publique du projet d’aménagement des voiries départementales et communales, dont la légalité était contestée par les requérant, constitue un projet distinct de celui de création de l’aéroport et n’avait donc pas à prendre en compte l’impact de sa création dans son étude d’impact.

 

 Masses d’eau et intérêt public

En ce qui concerne les dérogations accordées au titre de la loi sur l’eau, la cour a estimé que compte tenu de la faible surface des masses d’eau impactée par les projets et de l’ensemble des mesures prises par le préfet pour limiter leur incidence, le préfet avait pu délivrer les autorisations sollicitées par la société Aéroports du Grand Ouest et par l’Etat sans mettre en œuvre la procédure dérogatoire.

Enfin, la cour a jugé que les conditions (intérêt public majeur, absence de solution alternative, absence de nuisance au maintien dans un état de conservation favorable des espèces concernées) pour déroger au système de protection des espèces étaient réunies. Elle en particulier considéré que le réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique ne constituait pas une solution alternative satisfaisante et que si les opérations avaient un impact important sur certaines espèces naturelles protégées présentes sur le site, les mesures prises n’étaient pas de nature à nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle qui doit s’apprécier aux échelles locale et supra locales.

 

 

DETAILS DE LA DECISION

 

– Sur l’utilité publique

n°15NT02860, n°15NT02851, n°15NT02847

S’agissant des arrêtés portant déclaration d’utilité publique, la cour a notamment relevé que le projet d’aménagement des voiries départementales et communales constitue un programme distinct de celui de la création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de sa desserte routière.

Pour elle, ce projet a « pour but d’améliorer la sécurité de la circulation sur des voies empruntées pour des déplacements locaux », elle relève que « ces voies ne sont pas interrompues par la plate-forme aéroportuaire, ne traversent pas l’emprise du futur aéroport, n’ont pas vocation à le desservir directement et peuvent être réalisées indépendamment de cette infrastructure.»

Elle a en conséquence jugé que l’étude d’impact relative aux travaux faisant l’objet de cette déclaration d’utilité publique n’était pas entachée d’insuffisances au regard des exigences de la réglementation (article R. 122-3 du code de l’environnement) en ce qu’elle ne prenait pas en compte les impacts de la création de cet aéroport.


– Sur la loi sur l’eau

n°15NT02858, n°15NT02859

S’agissant des arrêtés pris au titre de la loi sur l’eau, la cour a dû répondre à trois questions :

– En premier lieu, il lui était demandé de dire si les arrêtés du préfet devaient faire faire l’objet d’une procédure dérogatoire prévue par une directive de l’Union européenne (directive 2000/60 du 23 octobre 2000) laquelle assigne aux Etats membres un objectif de non détérioration de l’état des masses d’eau et leur impose, sauf dérogation, de s’opposer à la réalisation de tout projet de nature à entraîner une telle détérioration.

Si la cour a relevé que les projets en cause étaient susceptibles d’avoir des incidences sur les masses d’eau des bassins versants de l’Isac, du Gesvres et de l’Hocmard, ainsi que de leurs affluents, elle a en revanche a estimé que les risques pour la qualité de l’eau liés à l’utilisation de produits utilisés respectivement lors des opérations hivernales de dégivrage des avions ou de déverglaçage des pistes n’étaient pas établis compte tenu des mesures prises par les arrêtés préfectoraux qui prévoient la réalisation du dégivrage des avions sur des aires réservées étanches permettant de diriger les eaux de ruissellement soit vers des cuves de stockage soit vers un bassin de rétention, et le déverglaçage au moyen de produits ne comprenant pas de chlorure de sodium (sel) utilisé sur les routes acheminés par la première pluie aux bassins de confinement.

Compte tenu de la faible surface des masses d’eau impactée selon elle par les projets et de l’ensemble des mesures prises, la cour a jugé que le préfet avait pu délivrer les autorisations sollicitées par la société Aéroports du Grand Ouest et par l’Etat sans mettre en œuvre la procédure dérogatoire.


– En deuxième lieu, la Cour devait se prononcer sur la compatibilité des projets avec un article (8B-1) du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire Bretagne 2016-2021.

Cet article impose de rechercher en priorité une autre implantation au projet, afin d’éviter de dégrader la zone humide ou à défaut de chercher à réduire ses impacts sur la zone humide et de prévoir des mesures compensatoires.

Pour la cour le réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique ne constituait pas une « alternative avérée », selon l’expression employée par le SDAGE, au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. En effet, après avoir examiné l’ensemble des rapports et des études figurant dans ses dossiers, elle a jugé que « compte tenu des travaux très importants devant être effectués en vue de faire face à l’augmentation du trafic et du nombre de passagers, de la localisation de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique à proximité de zones très densément urbanisées, de l’importance de la question des nuisances sonores et des conséquences en matière d’urbanisme du réaménagement de cet aéroport, celui-ci ne constituait pas, à la date de ses arrêts, une solution alternative présentant un caractère avéré ainsi que l’exige le SDAGE. »

La Cour a également estimé que les autres conditions tenant à la réduction des impacts du projet d’aéroport sur la zone humide et aux mesures compensatoires prévues par les arrêtés du préfet étaient satisfaites.


– En troisième lieu, la Cour était invitée à se prononcer sur la compatibilité des arrêtés préfectoraux avec deux dispositions du plan de gestion et d’aménagement durable du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin de la Vilaine.

Ces dispositions réaffirment le principe de non détérioration de l’existant pour tout cours d’eau, qu’il soit impacté directement ou indirectement, quel que soit le degré de l’altération, et quels que soient son intérêt fonctionnel et sa taille. Elles imposent au maître d’ouvrage, dès lors que la mise en œuvre d’un projet conduit, sans alternative avérée, à dégrader un cours d’eau et ses fonctionnalités, de compenser les atteintes constatées, en réalisant, sur le même sous-bassin, tous travaux permettant de restaurer la surface et les fonctionnalités des habitats du cours d’eau équivalentes à celles perdues.

La Cour a relevé que la réalisation de la plate-forme aéroportuaire entraînait la modification de la morphologie de quatre cours d’eau, que, pour trois cours d’eau, dans leur état actuel, l’absence d’apport en eau par les sources empêchait l’établissement d’un peuplement piscicole et a jugé, après analyse des mesures prises par les arrêtés du préfet, que ces arrêtés n’étaient pas incompatibles avec le SAGE du bassin de la Vilaine. La Cour a écarté l’ensemble des autres moyens des cinq requêtes qu’elle a en conséquence rejetées.



– Sur les arrêtés pris au titre des espèces protégées

n°15NT02386,n°15NT02863

S’agissant enfin des arrêtés pris au titre des espèces protégées, la Cour a été saisie de nombreux moyens venant à l’appui des 2 requêtes qui lui ont été soumises.

L’article L.411-2-4° du Code de l’environnement, qui reprend les exigences du droit de l’Union européenne (article 16 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992), prévoit que pour déroger au système de protection stricte de ces espèces, trois conditions doivent être remplies : l’existence d’un intérêt public majeur, l’absence de solution alternative satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Pour la Cour ces conditions sont satisfaites. Elle a rappelé que la création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes visait à favoriser le développement économique du Grand Ouest, à améliorer l’aménagement du territoire et à développer les liaisons aériennes nationales et internationales, tout en réduisant les nuisances sonores subies par la population de l’agglomération nantaise et, après examen des divers arguments qui lui étaient soumis, a estimé qu’il existait en l’espèce, à la date des arrêtés du préfet dérogeant à l’interdiction notamment de destruction d’espèces protégées présentes sur le site, une raison impérative d’intérêt public majeur.

La Cour a aussi estimé que le réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique ne constituait pas une solution alternative satisfaisante.

Enfin, si elle a relevé que les opérations avaient un impact important sur certaines espèces naturelles protégées présentes sur le site, elle a précisé les raisons pour lesquelles, pour chacune des espèces protégées mentionnées par les auteurs des requêtes, les mesures prises n’étaient pas de nature à nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle qui s’apprécie aux échelles locale et supra locales.

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