Modernisation de réseaux d’eau : Matignon débloque des crédits

Le 29 août, les Assises de l'eau ont clôturé leur première phase. A cette occasion, Édouard Philippe a annoncé une série de mesures visant à mieux accompagner les communes dans la gestion patrimoniale de leurs réseaux d'eau potable et d'assainissement. Sur le volet financier, les six agences de l'eau et la Caisse des Dépôts vont être mobilisées. Du côté de l'usager, un chèque-eau sera expérimenté avec des collectivités volontaires à l'attention des ménages précaires.

Initialement prévues en juillet, les annonces attendues en clôture de la première séquence des Assises de l’eau, un chantier lancé par Emmanuel Macron lors du dernier Congrès des maires, ont finalement eu lieu ce 29 août lors d’un déplacement du Premier ministre dans les Hautes-Alpes. Aux côtés du secrétaire d’État Sébastien Lecornu qui fut à la manœuvre dans ces assises, Édouard Philippe a détaillé les mesures prises pour relancer l’investissement et le renouvellement des réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Après avoir évoqué le “gaspillage invisible” dû à la vétusté des réseaux, aux fuites et au sous-investissement chronique, il a souligné l’urgence d’agir. Non sans rappeler l’attachement de tous au modèle français des agences de l’eau et de la gestion par bassin. Ni l’importance du niveau de décision local : “Cette concertation locale étant essentielle, nous attribuons par décret aux régions des missions d’animation et de coordination en matière de gestion de l’eau sur l’ensemble de leur bassin hydrographique cohérent “. Un transfert réclamé de longue date et rendu possible par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) du 7 août 2015 (article 12). Après la Bretagne et le Grand Est , c’est au tour de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – qui anime une instance de concertation sur la ressource en eau appelée Agora – de se lancer en signant avec l’État une convention allant dans ce sens.


Faciliter l’accès à l’emprunt

La relance des investissements passera par un redéploiement des aides existantes et une facilitation de l’accès à l’emprunt. “Les investissements sont lourds et ne peuvent être financés que par des emprunts”, a reconnu le chef du gouvernement. Édouard Philippe a repris sa casquette d’ex-maire pour évoquer le désarroi des élus locaux découvrant la complexité juridique et financière de ce vaste chantier patrimonial et l’ampleur des investissements à réaliser pour rattraper le “retard cumulé”. C’est d’ailleurs ce qu’il est ressorti d’une consultation réalisée au printemps dernier (2.500 contributions en majorité apportées par des maires). Le besoin d’accompagnement et d’aide à l’ingénierie avait alors été pointé. Tout comme le constat d’un déficit de connaissance patrimoniale : “Les élus et habitants doivent connaître l’état de leurs réseaux”.
Pour en améliorer la connaissance, l’outil d’information actuel devra être mieux renseigné et de nouvelles obligations de publication des résultats vont s’imposer aux services d’eau et d’assainissement (tous ne le font pas). Les agences de l’eau aideront les collectivités à hauteur de 50% du coût à réaliser le diagnostic de leurs réseaux.


Solidarité avec les territoires ruraux

Le gouvernement veut recentrer les interventions des six agences autour de deux priorités : “D’un côté, plus de solidarité territoriale, notamment vis-à-vis des territoires ruraux dans le cadre du petit cycle de l’eau (circuit domestique), de l’autre l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité dans le cadre de son grand cycle”. Et d’inviter ces établissements publics à “passer dans une véritable logique d’opérateur”, dont les ressources vont être rééquilibrées “en fonction de leurs besoins” et les aides ciblées entre autres vers les territoires ruraux qui sont les plus en difficulté pour assumer les travaux nécessaires. Exemple mis en avant pour illustrer cette solidarité territoriale, la possibilité pour les agences de se prêter entre elles de l’argent.
Les conditions d’emprunts des collectivités vont aussi être améliorées avec des prêts à maturité longue (jusqu’à 60 ans) et adaptés aux besoins du secteur. Proposés par la Caisse des Dépôts à des taux attractifs, ils permettront d’engager deux milliards d’euros sur cinq ans. Les collectivités qui investiront dans leurs réseaux pourront aussi bénéficier de subventions, avec 1,5 milliard d’euros mobilisés entre 2019 et 2024. La Caisse des Dépôts va pour ce faire travailler en coordination avec les agences de l’eau. “Il faudra également mieux mobiliser les fonds européens, du moins dans les régions qui le souhaitent”, a ajouté Edouard Philippe.


Un chèque-eau pour les ménages précaires

Le Premier ministre veut en outre accélérer la généralisation d’une tarification sociale. Des collectivités volontaires pourront ainsi expérimenter un chèque-eau pour les ménages précaires, à l’image de ce qui existe dans l’énergie. Une cinquantaine de communes et d’agglos l’avaient déjà expérimenté. Le gouvernement généralise en fait ce dispositif qui sera géré par le même opérateur national que pour le chèque énergie. 
D’autres aides vont cibler l’innovation, par exemple en vue “d’améliorer le goût de l’eau” ou des techniques de travaux (pose de canalisations sans tranchée), mais aussi la gestion des eaux pluviales. D’ici la fin de l’année, le comité stratégique de la filière est amené à faire des propositions en vue d’harmoniser le goût de l’eau potable, très variable selon les territoires, et à améliorer l’information au consommateur. Enfin, la mission parlementaire qui a été confiée début août à la députée de Charente-Maritime Frédérique Tuffnell et au sénateur de la Somme Jérôme Bignon sur l’enjeu de la disparition des zones humides et les moyens de l’enrayer (lire ci-dessous notre article du 28 août 2018) devra faire des propositions au Premier ministre “avant la fin de l’année”.

 

© Capture écran Twitter @phbdo

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