Parabènes des gels douche, triclosan des dentifrices, résidus médicamenteux… la caractérisation, le transfert de ces substances chimiques qu’on retrouve dans le réseau d’assainissement et le milieu naturel relèvent d’un enjeu technique et pointu, qui intéresse les élus et syndicats d’assainissement mais plus rarement les habitants. “Il faut dire que le sujet est complexe, pour l’appréhender, d’ailleurs, les sciences de l’environnement ne suffisent pas, il faut une vision pluridisciplinaire, qui est au cœur du projet de recherche Regard (réduction et gestion des micropolluants sur la métropole bordelaise) porté par cette collectivité et coordonné par le Lyre, le centre bordelais de R&D de Suez Eau France”, explique Julia Barrault, qui y est sociologue et responsable du pôle acteurs et usages. Sa première phase est bouclée, un livrable vient d’être remis. “Alors que les chimistes travaillent sur des molécules en laboratoire, nous c’est sur les usages, les comportements, nous rencontrons les acteurs pour cerner leur capacité à agir sur la réduction des micropolluants dans l’eau et expérimenter avec des ménages référents des changements de pratiques.”
Une initiative inédite
Les micropolluants étant un enjeu majeur dans la capitale de la Nouvelle-Aquitaine, cette collectivité va plus loin et s’en empare sous une forme inédite, en tentant d’accompagner les ménages pour en rejeter moins dans l’eau. “Nous devrions avoir recruté cet été environ 80 volontaires confirmés pour participer à ce Familles Eau Défi”, indique Sarah-Jane Krieger, sociologue et post-doctorante au Lyre. Cette expérimentation s’insère dans le cadre du projet Regard financé par l’Agence française de la biodiversité et l’agence de l’eau Adour-Garonne. “Les citoyens sont partie prenante. Ils utilisent au quotidien ces produits contenant des micropolluants et sont porteurs d’une partie de la solution dès lors qu’ils adoptent des écogestes. Sans tomber dans le discours anxiogène, il s’agit d’entrer en contact avec eux, pour les informer, les sensibiliser, d’identifier des leviers d’action et de trouver ensemble des solutions”, ajoute Julia Barrault.
Aller plus loin que la médiation scientifique
Concrètement, à Bordeaux, un questionnaire a été diffusé et un Living Lab déjà mené, auquel une centaine d’habitants ont participé. Cet outil de recherche participative leur a permis d’interagir avec cette même équipe à l’initiative de Familles Eau Défi. “Ce défi pose des contraintes techniques. Pour les prélèvements et analyses, il a fallu vérifier la compatibilité du raccordement des foyers volontaires au réseau d’assainissement”, précise Sarah-Jane Krieger. La déclaration des pratiques des familles, le suivi de leurs usages des produits se feront via une application sur tablette développée par Cap Sciences, le centre de culture scientifique de la région. “L’outil est en voie de finalisation, nous espérons commencer à le tester d’ici quelques jours”, confie la jeune sociologue.
Passer d’un classique exercice de médiation scientifique à un tel dispositif pédagogique et ludique, impliquant des habitants, sociologues, chimistes et d’autres experts, est une première. Si l’objectif du protocole est d’identifier des leviers d’action généralisables à l’ensemble de cette métropole, il pourrait aussi à terme intéresser d’autres collectivités, voire être transposé au niveau national.