Lutte contre le bruit : un financement à amplifier

La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a saisi l'occasion de la journée internationale contre le bruit, le 30 avril, pour organiser une table ronde sur cette problématique. Entre autres propositions, le Conseil national du bruit suggère d'explorer la piste de la fiscalité écologique de façon à conforter une approche globale et transversale de cet enjeu sanitaire majeur. 

Lors d’une table ronde sur le bruit, organisée ce 30 avril, les députés de la commission du développement durable ont prêté une oreille attentive aux pistes développées par les intervenants, parmi lesquels figurait le président du Conseil national du bruit (CNB), Christophe Bouillon. Sur ce sujet, la France n’a pas pris la mesure des obligations qui lui incombent aux termes de la directive 2002/49/CE – relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement – a au préalable remarqué le président de la commission, Jean-Paul Chanteguet. Pour rappel, par un courrier en date du 31 mai 2013, la Commission européenne a en effet mis en demeure les autorités françaises d’agir, sous peine de sanctions financières. A ce jour, seules 17% des autorités gestionnaires des plus grandes infrastructures de transport et 8,5% des communes ou groupements de communes des agglomérations de plus de 100.000 habitants ont réalisé leur plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE). Sans nier les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la réglementation, le président du CNB est revenu sur la feuille de route de cette instance consultative pour la période 2013-2016.


Transversalité des enjeux
Un des enjeux majeurs de nos politiques publiques est de “concilier acoustique du bâtiment et rénovation thermique”, a insisté le président du CNB. Il s’agit de rapprocher les pratiques voire les réglementations “afin d’éviter les répétitions ou les incompatibilités, notamment en coordonnant les travaux de protection des bâtiments”. L’idée d’un label “qualité acoustique” pour les crèches est notamment avancée par le CNB. Pour favoriser cette synergie, la députée écologiste Laurence Abeille a suggéré d’intégrer le facteur bruit dans la commande publique (choix des matériaux, revêtements de voirie, conception des bâtiments etc.). La gestion des bruits de voisinage et du bruit des activités par les collectivités représente un autre axe de travail développé par Christophe Bouillon. A l’instar des précédents guides réalisés sur la gestion des chantiers ou des lieux musicaux, un guide sera prochainement diffusé auprès des collectivités en vue de valoriser et démultiplier les bonnes pratiques. Pour conduire la gestion du bruit au niveau local, le CNB propose également l’élaboration d’une boîte à outils à destination des responsables et relais territoriaux – maires, agences régionales de santé (ARS), directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), conseils généraux – visant notamment à “accompagner les collectivités dans leur démarche d’aménagement du territoire”.


Développer les observatoires du bruit
Sur le modèle des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air (AASQA), José Cambou, responsable du réseau santé-environnement de France nature environnement (FNE), appelle à un développement des observatoires du bruit. La mise en œuvre de la directive bruit nécessite selon FNE de revoir le nombre et le rôle des autorités compétentes, notamment en reconnaissant les observatoires du bruit “comme structures adaptées pour porter les travaux de réalisation de cartes stratégiques de bruit” ou pour “aider à la coordination des PPBE”. Bruitparif démontre au niveau de l’Ile-de-France “la bonne adéquation d’un observatoire régional du bruit qui permet de prendre conscience de la juste dimension régionale du sujet”, considère également le député François-Michel Lambert. Toutefois, une autre dimension est à mettre en avant, celle de l’agglomération et donc des métropoles, estime l’élu des Bouches-du-Rhône, à l’heure où est conduite une nouvelle réforme de la décentralisation. Cette réflexion sur les futures compétences des régions et des métropoles en matière de lutte contre les nuisances sonores doit intégrer une évaluation des coûts a pour sa part insisté la députée UMP Sophie Rohfritsch (Bas-Rhin), rappelant au passage que l’aspect financier n’est pas étranger au retard pris dans l’élaboration des cartes de bruit par les collectivités.


Approfondir l’approche économique
Interrogé plus spécialement sur les transports, Dominique Bidou, président du Centre d’information et de documentation sur le bruit (CIDB), a rappelé que les progrès les plus significatifs ont été réalisés autour des aéroports : “seul cas où il existe un instrument financier, la TNSA [taxe sur les nuisances sonores aériennes]”. Pour tous les grands domaines de l’environnement, il existe en effet des sources de financement spécifiques (eau, déchets, air, protection de la nature, espaces sensibles), mais “ce n’est pas le cas pour le bruit des transports routiers et ferroviaires, où on peut dire que le principe qui s’applique est pollué-payeur”, relève-t-il. Enjeu sanitaire majeur, l’exposition au bruit a un coût et ses conséquences sur la santé vont au-delà des dérèglements auditifs (troubles du sommeil, effets cardiovasculaires, déficiences cognitives, retards scolaires, troubles sociaux, etc.), a insisté Fréderic Cousin, chef du bureau environnement-intérieur au ministère de la Santé.

La réflexion sur une taxe prélevée sur les transports ferroviaires et routiers, reprise dans le Comop n°18 (suite de Grenelle) sur la résorption des points noirs du bruit, n’a pas connu de suite. Le CNB suivra donc avec attention les travaux relatifs à la fiscalité écologique et entend veiller à ce que le traitement des nuisances sonores y soit intégré, a assuré son président Christophe Bouillon. L’instance a ainsi suggéré d’explorer cette piste dans son avis du 3 avril dernier pour l’élaboration du volet bruit du troisième Plan national santé-environnement (PNSE 3), soulignant la nécessité “de renforcer les ressources actuellement allouées”, qui ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante au volet curatif en particulier (résorption des points noirs des transports terrestres).

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