Lutte contre la corruption, lanceurs d’alerte, droit domanial… “Sapin 2”, c’est aussi pour les collectivités

Porté par les ministres des Finances, de la Justice et de l'Economie, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit "Sapin 2" - en référence au premier texte "anticorruption" présenté 23 ans plus tôt par Michel Sapin - a entamé son parcours en séance publique à l'Assemblée nationale le 6 juin.

Comme l’indique son titre, le texte est organisé en trois volets : renforcer la transparence, renforcer la lutte contre la corruption et moderniser la vie économique. Suite à son passage en commission des Lois, le 25 mai dernier, ce texte – dont les deux premiers titres contiennent de nombreux points intéressant les collectivités territoriales – a été notablement enrichi. Saisie au fond, la commission des Lois a par ailleurs délégué l’examen de 25 articles sur 57 (soit 37 articles adoptés sur 87 finalement) aux deux commissions saisies pour avis, la commission des Affaires économiques et la commission des Finances.

 

Lutte contre les manquements à la probité et, en particulier, la corruption (titre 1)

 

– Concernant la lutte contre la corruption, le texte vise la création d’un service à compétence nationale chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption qui remplacera le Service central de prévention de la corruption (SCPC) créé par la loi du 29 janvier 1993 (art. 1 à 5 bis). Cette nouvelle “agence française anticorruption” aux compétences élargies pourra en particulier élaborer des recommandations destinées à “aider les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales leurs établissements et les sociétés d’économie mixte” dans la mise en œuvre de procédures internes de prévention et de détection des atteintes à la probité. Mais également à réaliser des missions d’audit et de conseil auprès des acteurs publics pour les aider à mettre en place des dispositifs efficients de prévention et de détection de la corruption.

– Régime spécifique de protection des lanceurs d’alerte (art 6A à 7). Sur ce point, la commission des Lois a considérablement amélioré le texte sous la forme de sept nouveaux articles (numérotés 6A à 6G) et d’une proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte soumise à discussion générale commune. Il s’agit de faire du Défenseur des droits la clef de voûte du dispositif de traitement et de protection des lanceurs d’alerte. Autre ajout important, le texte prévoit une gradation des canaux de signalement à la disposition des lanceurs d’alerte. Par ailleurs, il impose aux entreprises et collectivités territoriales – communes de plus de 3.500 habitants, établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent, départements et régions – de se doter de procédures internes de signalement.

– La commission des Lois a par ailleurs étendu aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) l’obligation de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter des faits de corruption ou de trafic d’influence (art. 8). 

 

 

Transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics (titre 2)

 

– En matière de renforcement de la transparence, le texte prévoit la création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts (“lobbying”) auprès du gouvernement géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (art. 13). Un tel répertoire n’existait à ce jour qu’auprès de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Parlement européen et de la Commission européenne. Les élus sont exclus par principe de la qualification de représentant d’intérêts. La commission des Lois a étendu aux assemblées parlementaires le champ des interlocuteurs publics des représentants d’intérêts, ouvrant la voie à la création d’un répertoire unique, commun au Parlement et au pouvoir exécutif. Le périmètre du futur répertoire a également été étendu aux activités de représentation d’intérêts exercées auprès des collectivités territoriales, des intercommunalités et de certains fonctionnaires – notamment – territoriaux.

– Renforcement des prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. La Haute Autorité pourrait rendre publics ses avis relatifs au départ vers le secteur privé (“pantouflage”) d’un membre du gouvernement ou d’un président d’exécutif local (art. 14).

– Habilitation à réformer par la voie d’ordonnance. Le texte ouvre la voie à une modernisation du droit domanial (art 15). L’ordonnance sera l’occasion de simplifier les dispositifs régissant l’occupation du domaine public, soit en créant un régime unique d’occupation privative du domaine public constitutif de droits réels, soit en privilégiant un titre et un régime “à géométrie variable” permettant aux personnes publiques de déterminer librement si elles entendent assortir le titre d’occupation de droits réels et de définir lesquels. Elle pourrait également consacrer la possibilité, pour une personne publique, de consentir par anticipation des autorisations d’occupation du domaine public et clarifier la question de la publicité et de la mise en concurrence préalables. “Il pourrait par exemple être question de prévoir des seuils pour le déclenchement de nouvelles obligations de mise en concurrence préalables à la délivrance d’un titre d’occupation publique ; il pourrait également s’agir de conserver certains outils spécifiques aux collectivités territoriales et qui ont fait leurs preuves (bail emphytéotique administratif)”, souligne le rapporteur. 

– Ce texte servira de support législatif pour autoriser le gouvernement à élaborer par ordonnance la partie législative du code de la commande publique (art. 16). Et que deux articles (16 bis et 16 ter) tendent à ratifier l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (voir ci-contre notre article du 31 mai). Egalement introduit en commission, l’article 16 quater précise quant à lui la composition des commissions des délégations de service public lorsque les autorités concédantes se sont organisées en groupements.

– Le texte acte enfin l’ouverture aux conseils régionaux de l’accès au fichier bancaire des entreprises tenu par la Banque de France “lorsqu’ils attribuent des aides publiques aux entreprises” (art 22 quater-apport de la commission des Finances).

Les sessions extraordinaires du Parlement de juillet et septembre devraient notamment permettre de poursuivre et achever l’examen en procédure accélérée du texte.
 

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