Le droit souple, nouvelle arme pour lutter contre l’inflation normative

Chartes, codes de conduite, recommandations, résolutions, contrats-types, l'Etat et les collectivités territoriales ont de plus en plus recours au droit souple. En publiant une étude sur ce thème, le Conseil d'Etat entend fournir aux pouvoirs publics une doctrine d'emploi répondant aux préoccupations de lutte contre l'inflation normative et de simplification. 

Pour son étude annuelle 2013 présentée le 2 octobre, le Conseil d’Etat a retenu le thème surprenant du “droit souple”. Né dans les années 1930 dans le domaine des relations internationales, le droit souple ou “soft law” s’est également développé au sein de l’Union européenne, dans l’action des pouvoirs publics nationaux et dans la vie des entreprises. Dans les domaines de l’environnement, de l’aménagement et de la santé, les instruments de programmation nationaux ou territoriaux (schémas d’urbanisme, schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, schémas régionaux d’organisation sanitaire etc.) se sont ainsi multipliés. L’Etat et les collectivités territoriales y ont également fréquemment recours, à travers les contrats de plan ou les contrats-types en matière de commande publique. A partir de l’examen de développements concrets, le Conseil d’Etat propose une définition du droit souple offrant “aux acteurs publics des espaces d’expression juridiques différents des instruments purement prescriptifs que doivent rester les lois et les règlements, et élargit ainsi la gamme de leurs moyens d’action”. Le critère de l’absence d’obligation apparaît comme l’élément de distinction essentiel de ce droit analysé sous l’angle d’une “complémentarité organisée” avec le droit dur codifié dans la loi. L’étude propose par ailleurs une grille de critères permettant d’évaluer l’utilité, l’effectivité et la légitimité du droit souple lorsque son usage est envisagé dans un domaine particulier.

Garde-fous

Si le droit souple peut se révéler être un instrument de renouvellement de l’action publique, le Conseil d’Etat met toutefois en garde contre son développement irréfléchi. Afin de bien clarifier les différents champs et circonstances de son utilisation, ce dernier formule, au fil de 25 propositions, une véritable doctrine de recours et d’emploi du droit souple. Dans le domaine des collectivités territoriales, le droit souple se présente en particulier comme “un moyen efficace de lutter contre l’inflation normative”. Sa substitution aux dispositions réglementaires inutilement détaillées peut “favoriser une meilleure appropriation du droit par les acteurs concernés”, en leur offrant une plus grande marge de manœuvre, souligne l’étude. Le renvoi à des normes techniques peut également constituer une alternative de nature à favoriser la rédaction de textes normatifs plus brefs. Le Conseil d’Etat relève par ailleurs le “réel déficit en termes d’identification, d’évaluation et de diffusion de bonnes pratiques dans les domaines de politiques publiques décentralisées”. A cet égard, le développement du droit souple, sous la forme de recommandations de bonnes pratiques, serait de nature à répondre à ces difficultés. L’étude préconise en revanche une rationalisation du recours aux schémas et documents de programmation “par l’application d’un bilan coûts-avantages permettant de déterminer leur utilité”.

Conditions d’élaboration

Parce qu’il n’est pas contraignant, le droit souple ne peut s’imposer que “s’il suscite une dynamique en sa faveur parmi ses destinataires”, insiste le Conseil d’Etat. Sa légitimité dépend ainsi de ses conditions d’élaboration, “qui doivent respecter des exigences de transparence et d’implication des parties prenantes”. Dans les domaines de compétences décentralisées, il est par conséquent indispensable que les collectivités territoriales soient impliquées dans l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques pour assurer leur légitimité. Selon l’étude, plusieurs méthodes pourraient y concourir : l’organisation de conférences de consensus, la mise en place d’agences de partenariat impliquant les collectivités et ayant pour mission de produire les référentiels, à l’exemple de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ou encore la production par les associations d’élus.

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