La proportion des collectivités en grave difficulté financière est préoccupante

La Cour des comptes rend public un rapport, fruit d’un travail commun avec les chambres régionales des comptes, sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Les administrations publiques locales (Apul), qui représentent 20% de la dépense publique, sont concernées par le respect des engagements européens de la France en vue du redressement de ses comptes publics. En 2015, face à la baisse des concours financiers de l’État, les collectivités locales, prises dans leur ensemble, ont plutôt cherché à ralentir leurs dépenses qu’à recourir au levier fiscal. Cependant, note la Cour des copmptes : « confrontées en 2016 à une contrainte financière plus forte, les collectivités locales doivent amplifier leurs efforts de gestion afin d’éviter une dégradation de leur situation financière. »

 

Une épargne qui ne diminue plus

En 2015, malgré l’accentuation de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le recul, pour la première fois, du total des transferts financiers de l’État, la contrainte financière sur la gestion des collectivités locales n’a pas été plus forte que l’année précédente grâce, estime la Cour des comptes « au dynamisme de la fiscalité transférée et des impôts locaux. Leurs dépenses de fonctionnement se sont ralenties en raison des baisses des achats de biens et de services, et des subventions versées, ainsi qu’à l’infléchissement du rythme de progression des dépenses de personnel. » Donc, globalement, la situation financière des collectivités locales s’est améliorée. Leur épargne a cessé de diminuer. Elles ont néanmoins encore réduit leurs dépenses d’investissement. « Bien que leur besoin de financement ait reculé, elles ont accru leur endettement. »

 

Les dépenses sociales plombent les départements

Les évolutions ont été différentes selon les catégories de collectivités. En moyenne, elles ont été plus favorables pour les communes et les groupements intercommunaux. Les départements, soumis à la vive croissance de leurs dépenses sociales, ont seulement pu freiner l’érosion de leur épargne. Les régions ont globalement connu l’évolution la plus défavorable mais ont continué à investir davantage.

Par ailleurs, il existe de grandes disparités de situation au sein de chaque catégorie de collectivités, souligne la Cour des comptes. « L’impact de la baisse de la DGF est loin d’être uniforme et les efforts de gestion ne sont pas également répartis. » La proportion des collectivités en grave difficulté financière est préoccupante.

 

Les perspectives d’évolution des finances locales

En 2016, la baisse de la DGF est du même montant qu’en 2015, mais la contrainte financière sur la gestion des collectivités locales devrait être plus forte. « La progression des recettes fiscales devrait ralentir nettement et celle des impôts directs devrait être de même ampleur que la baisse des transferts financiers de l’État, laissant les collectivités locales, prises dans leur ensemble, sans marge de manœuvre supplémentaire pour faire face à l’évolution de leurs charges de fonctionnement. Par conséquent, le maintien de leur autofinancement passe par l’intensification de leurs efforts de gestion, particulièrement de leur masse salariale », détaille la Cour des comptes.

 

Une loi de financement des collectivités locales

Chaque année, selon la Cour des comptes, le Programme de stabilité et l’objectif d’évolution de la dépense locale sont définis sans associer les représentants des collectivités locales. « Il conviendrait que l’État organise une concertation approfondie sur la trajectoire des finances publiques locales, au sein d’une instance associant les représentants de l’État et des collectivités locales. » La Cour réitère donc sa recommandation en faveur d’une loi de financement des collectivités locales.

En ce qui concerne la fiscalité locale, les marges de manœuvre semblent limitées pour les collectivités. Face à la baisse de la DGF en 2014 et 2015, les collectivités locales, dans leur majorité, n’ont pas relevé sensiblement les taux des impôts locaux. « Elles ont fait preuve d’une certaine modération en la matière, qui peut s’expliquer en partie par le caractère contraint des leviers fiscaux. »

La fiscalité locale souffre donc de défauts importants en termes d’équité, de transparence et de prévisibilité.

 

Réviser les bases cadastrales

Autre point relevé par la Cour, l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales qui engendre de graves inégalités entre contribuables et fragilise les budgets locaux. Une réforme visant à mettre en place un dispositif de révision des bases cadastrales est engagée depuis 2010, en laissant une large place à la concertation et à l’expérimentation. « Il convient de poursuivre cette réforme en utilisant dès 2017 les nouvelles bases révisées pour le calcul des impôts locaux sur les locaux professionnels, puis en menant à terme la révision des valeurs des locaux d’habitation. »

Les mécanismes complexes de compensation des exonérations législatives d’impôts locaux soulèvent un enjeu de transparence. « Alors que la compensation par l’État est de plus en plus partielle, les informations transmises aux collectivités locales leur permettent difficilement de prévoir ou de vérifier le montant des allocations auxquelles elles ont droit. »

Enfin, le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) connaît des fluctuations importantes sur le plan national et, plus encore, au niveau de chaque collectivité bénéficiaire. « Non expliquées pour l’essentiel, celles-ci posent un problème de prévisibilité. » La Cour recommande de rendre compte annuellement, dans un rapport remis au Parlement, des variations du produit de CVAE.

 

La gestion de la FPT, un levier de maîtrise budgétaire

La gestion des quelque deux millions d’agents territoriaux présente d’importantes marges de manœuvre budgétaires. Les rapports des chambres régionales et territoriales des comptes montrent que les collectivités utilisent encore insuffisamment les leviers à leur disposition estime la Cour. Pour elle, « L’évolution des effectifs n’a pas été assez maîtrisée. Le temps de travail est rarement conforme à la durée réglementaire et souffre d’un absentéisme important. Les politiques d’avancement ont un impact budgétaire rarement anticipé. Les régimes indemnitaires sont dynamiques et faiblement modulés. Malgré l’importance de l’enjeu, le suivi de l’évolution de la gestion des agents de la fonction publique territoriale n’est pas correctement assuré au niveau national. »

 

Accentuer les efforts d’économie

Pour la Cour, la maîtrise des finances publiques locales, indispensable au redressement des comptes publics, « appelle l’accentuation des efforts d’économies engagés par les collectivités locales. Cette évolution passe par le recours plus large à un certain nombre de méthodes et d’outils permettant d’améliorer les performances de la gestion. »

L’État, pour sa part, doit assurer aux collectivités locales davantage de concertation sur les objectifs relatifs à leur trajectoire financière, remédier aux faiblesses de la fiscalité locale, qui viennent compliquer le pilotage par les collectivités de leur équilibre budgétaire, et mettre en place un suivi unifié et efficace de la gestion des agents territoriaux, afin de favoriser la diffusion des bonnes pratiques.

La Cour formule 14 recommandations, à l’attention de l’État comme des collectivités territoriales.

 

Lire le rapport

Fiches – Les finances publiques locales

 

 

 

Laisser un commentaire