La Cour des comptes épingle la gestion des déchets ménagers

Deux ans d'enquête, 150 organismes contrôlés, 70 rapporteurs et 20 chambres régionales et territoriales des comptes mobilisés : pour produire son rapport sur la gestion locale des déchets ménagers et assimilés, la Cour des comptes n'a pas lésiné sur les moyens. Malgré des progrès, elle pointe des lacunes dans la gestion, le partage des responsabilités et la maîtrise des coûts.

La Cour des comptes a rendu ce 13 septembre un rapport cinglant sur la gestion des déchets ménagers et assimilés par les collectivités locales. Le précédent rapport du genre, déjà très critique, remonte à près de dix ans.  “Entre-temps, ce service public a évolué, il s’est amélioré sur certains points mais doit encore progresser. D’une collectivité à l’autre, les écarts de gestion sont importants. Les exutoires manquent et, faute d’équipement, une vingtaine de départements doivent exporter leurs déchets vers d’autres, par exemple des Alpes-Maritimes vers les Bouches-du-Rhône. En renforçant le contenu des plans départementaux de gestion, le décret de juillet dernier va dans le bon sens mais ces plans restent trop imprécis, notamment quant aux équipements à créer par les collectivités. Enfin, alors que la production des ordures ménagères tend à baisser, les coûts de traitement augmentent, en partie car ils sont mal maîtrisés”, observe Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes.


Du flou dans les compétences
Les sages de la rue Cambon estiment que la définition des déchets assimilés pose des difficultés. Entre les déchets ménagers et ceux de voirie, des sources de désaccord perdurent entre communauté urbaine et ville, comme cela a été observé à Bordeaux. Les choses se corsent un peu plus avec les déchets des commerces et artisans. En effet, certaines collectivités estiment ne pas avoir à les collecter, quand d’autres leur réservent un traitement distinct (Ille-et-Vilaine). Pour la Cour, “leur charge ne devrait pas être supportée par les ménages, ce qui implique d’instituer la redevance spéciale prévue par la loi”. Problème : cette redevance peine à se généraliser. “Seules 12% des communes ayant institué la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la Teom, ont mis en place une redevance spéciale pour ces déchets assimilés.” Quant à la nouvelle responsabilité des communes et de leurs groupements en matière de prévention des déchets, nul doute qu’elle rencontrera des obstacles sur le terrain.
Comme la Cour l’a noté dans un précédent rapport sur l’intercommunalité, le transfert de la compétence des collectivités est source d’errements et d’irrégularités juridiques : problème d’inclusion de l’activité “déchetterie” dans le périmètre de gestion des syndicats mixtes, transfert partiel de compétences en matière de traitement (en Maine-et-Loire), divergence d’approche sur la TVA entre syndicats et services fiscaux (Haute-Savoie), problème de mise à disposition d’équipements (Vosges, Haut-Rhin)… Les pistes de progrès sont donc nombreuses et  les transferts de compétences peuvent être optimisés, afin que la collecte ne s’effectue pas sur un périmètre trop réduit ou que sa gestion ne pèse pas trop sur les comptes des collectivités.
Face à la diversité des situations locales, c’est au niveau départemental qu’est censée se faire la mise en cohérence. “Mais les plans départementaux, les PDEDMA, restent peu opérationnels, mal suivis et insuffisamment évalués. Etant parfois annulés par le tribunal, quatre départements n’en sont pas encore dotés”, indique Nicolas Brunner, président de la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, qui a piloté cette enquête. Par ailleurs, certains plans auraient le défaut de conforter l’existant (même quand la situation est jugée défaillante), posent des problèmes de découpage territorial ou, pire, ne sont jamais appliqués. Même quand un plan prévoit des installations, celles-ci ont du mal à voir le jour. Il faut dire que pour le faire adopter, certains conseils généraux “ont choisi de rester le plus vague possible quant à la localisation future de ces installations à créer”, note la Cour, qui propose de “renforcer le contenu obligatoire de ces plans” pour qu’ils “se saisissent des problèmes dans leur intégralité” et qu’ils fassent l’objet d’un suivi annuel. Autres préconisations : renforcer le rôle des préfets pour que les collectivités ne soient pas seules en première ligne pour assurer ce service public et inciter celles-ci à mieux maîtriser leurs relations avec leurs délégataires.


Mieux maîtriser les coûts
L’enquête dresse d’autres constats plus connus : difficultés de collecte en centre-ville, développement inégal des déchetteries, insuffisances du rapport annuel sur le prix et la qualité de service ou du rapport annuel du délégataire, etc. Elle consacre un chapitre entier à la maîtrise des coûts. Dans les 150 organismes contrôlés (collectivités, syndicats mixtes, EPCI), les dépenses ont bondi de 30% de 2004 à 2008 et les coûts en personnel de 40%. Leur maîtrise nécessite d’exploiter au mieux les équipements. Mais étant exposés à des dysfonctionnements techniques, parfois importants, leur rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous.


Concernant le contrôle des prestataires privés, la Cour ne relève pas que des difficultés mais aussi de bonnes pratiques : le Smictom du nord de l’arrondissement de Redon (Ille-et-Vilaine) n’hésite ainsi pas à réclamer des compensations et à imposer des pénalités à ses prestataires. Autre facteur de coût, l’évolution des normes peut être anticipée. Et l’organisation des collectes et du travail des agents peut être optimisée. Dans le Smictom d’Alsace centrale (Bas-Rhin), le seul coût de l’absentéisme est d’un demi-million d’euros par an. Mais pour agir sur les coûts, encore faut-il les connaître. Or la démarche de comptabilité analytique de type ComptaCoût, qui permet aux collectivités d’avoir une photographie réelle des coûts pour chaque type de déchets pris en charge, est encore trop peu généralisée et la tenue d’un budget annexe “déchets” n’est pas obligatoire dans le cas d’un service financé par la Teom (deux tiers des communes). La Cour recommande de développer ce type d’outils. Et reste critique à l’égard des deux modes de financement, taxe (Teom) ou redevance (Reom). “Ils ne comportent pas d’incitation forte pour améliorer la prévention et le tri par l’usager, et ils n’intègrent pas sauf exceptions le principe du pollueur-payeur”, conclut Didier Migaud.

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