Gouvernance francilienne de l’eau – Le Sedif veut tirer parti de la métropolisation

Le syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), plus grand service public d’eau en France, a fait le point le 17 octobre pour éteindre la polémique sur le prix de son service et traiter des évolutions de la gouvernance francilienne de l'eau, toujours sujette à des batailles d'intérêts divergents.

 

Une conférence aux allures de communication de crise : le 17 octobre, le syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) a réuni la presse pour “rétablir certaines vérités” et “apporter une information éclairée” sur le prix de l’eau potable. Un prix “qui n’est pas à proprement parler le prix de l’eau – qui est gratuite – mais correspond au prix du service pour traiter et distribuer jusqu’au robinet un produit de qualité alimentaire”. Par nature différent selon les situations locales, le prix de l’eau distribuée par le Sedif, qui gère ce service public depuis la création du syndicat en 1923 en délégation par la Compagnie générale des eaux devenue Veolia Eau, est difficilement comparable à l’eau de Paris, certes moins chère “mais pas parce que c’est une régie”, indique André Santini, à la tête du Sedif.
La polémique a été rallumée suite à la publication l’été dernier d’une enquête de la chambre régionale des comptes (CRC) sur l’alimentation en eau potable de la métropole du Grand Paris et d’un rapport relatif à la gestion du Sedif. En comparant les prix au mètre cube facturés au consommateur par son délégataire Veolia Eau avec ceux pratiqués par la régie publique Eau de Paris ou par un autre syndicat des eaux (celui de la presqu’île de Gennevilliers, le Speg), les magistrats ont pointé des dérives mais vite tempéré ces surcoûts, en les expliquant par de fortes différences structurelles entre ces réseaux. “Aucune remarque n’y a été faite sur la gestion du Sedif, ce rapport a confirmé la forte maturité de notre institution publique”, estime André Santini.


Un dopage des m³ d’eau

L’écart de prix avec Paris s’explique, selon une note du Sedif, par l’avantage structurel et intrinsèque dont dispose la capitale, où la consommation d’eau est “dopée par les consommations des touristes et des non Parisiens”. Ce qui lui permet de proposer un prix plus bas “tout en gardant la capacité de lever les recettes nécessaires à son budget”. Si le syndicat, plus grand service public d’eau en France avec 149 communes adhérentes de la petite et grande couronne parisienne, 4,4 millions d’usagers et “seulement” 570.000 abonnés, disposait des mêmes avantages, “le prix de l’eau Sedif baisserait d’un quart et serait proche d’un euro par m3”. “Outre ses différences relevant de la structure de consommation, le coût du service est par ailleurs fortement impacté par la densité de population par kilomètre de canalisation”, ajoute-t-on au Sedif. Pour André Santini, le débat opposant régie parisienne et DSP francilienne tend à “méconnaître ses réalités”.

 

Une réorganisation source d’opportunités

Le rapport de la CRC revenait aussi sur l’organisation “atypique” et très concentrée de l’alimentation en eau potable sur le territoire de la métropole du Grand Paris, dominée par trois grands acteurs principaux qui desservent entre 600.000 et 4,4 millions d’habitants (Sedif). En rebattant les cartes, la mise en œuvre des lois Maptam et Notr transfère cette compétence en petite couronne aux établissements publics territoriaux (EPT) : “Un échelon peu optimal pour conduire une politique autonome de l’eau, à la fois indépendante et cohérente avec le reste de la région”, jugent les magistrats. Néanmoins, la réorganisation territoriale offre selon eux “l’occasion à chaque territoire de s’interroger sur la pertinence des choix historiques et sur la façon dont il souhaite aujourd’hui organiser la compétence eau”.

 

L’autonomie a son prix

Sur les onze EPT, huit ont pour l’instant fait le choix de rester adhérents au Sedif. Trois envisagent une sortie, au moins partielle, en se donnant au préalable le temps de comparer les options possibles. Le Sedif les alerte sur les coûts d’un tel changement et, si un EPT devient responsable sur son territoire, sur les conséquences d’un tel choix : nécessité de reprendre une quote-part de la dette du Sedif ; séparation physique des réseaux impliquant divers investissements (pose de compteurs et de vannes aux points de livraison) représentant de 80 à 130 millions d’euros selon l’EPT concerné ; reprise du contrat de DSP jusqu’à son terme fin 2022, etc. Là où il y a du morcellement en grande couronne, le géant recommande aux petits syndicats d’eau de s’unir. Et prône depuis dix ans la nécessité d’une approche plus coordonnée et concertée des grands acteurs pour la gestion des services d’eau potable de la région.

 

Mutualiser intelligemment

Sécurité du service public de l’eau, préparation aux conséquences du réchauffement climatique : pour faire face à des crises d’ampleur majeure, il défend l’idée de solutions plus collectives et des “mutualisations industriellement intelligentes au bénéfice des usagers”. Pour ce faire, il planche plus particulièrement avec la ville de Paris – “dans un climat aujourd’hui apaisé” – et deux autres syndicats, sur un projet de mutualisation collaborative de la production.

 

Des autoroutes de l’eau

Cet élan de rationalisation régionale des capacités de production et des futurs investissements requiert “le passage sous gouvernance publique des installations privées de production d’eau potable”, en déduit la chambre régionale des comptes. Dans cette optique, un “Grand Paris de l’eau” pourrait-il voir le jour dans les années à venir ? Un diagnostic commun, qui s’appuie sur une étude de l’état du réseau, est en cours de préparation pour 2018.

L’idée du Sedif est de “relier entre elles toutes les usines de production d’eau potable en Ile-de-France, en ne construisant que les chaînons manquants” et en soignant les interconnexions. D’où son projet de créer “un ring de l’eau” autour du Grand Paris. Il s’agirait en fait de “trois rings passant par les principales usines de production et permettant de renforcer les solidarités entre la petite et la grande couronne et de desservir environ dix millions d’habitants”, éclaire le rapport de la CRC. Loin de vouloir crisper les acteurs en jeu, le Sedif mise sur la diplomatie et souligne prudemment que “dans le contexte des perspectives de nouvelles évolutions annoncées dans l’organisation de la métropole du Grand Paris, il convient plus que jamais de saisir toutes les opportunités pour donner à tous les Franciliens un service public de l’eau à la hauteur de leurs attentes, des enjeux régionaux, et des impératifs écologiques”. Mais Eau de Paris est pour l’instant totalement hostile au projet du Sedif.Ce “Grand Paris de l’eau” est “de l’ordre des grands projets inutiles et Paris s’y oppose fermement”, a affirmé ce 18 octobre la présidente d’Eau de Paris, Celia Blauel, adjointe écologiste chargée de l’eau de la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, dans un communiqué à l’AFP. La mairie de Paris a ainsi rappelé “son opposition à ce projet pharaonique (…) qui n’a aucun sens tant sur le plan technique que sur le plan financier”.


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