Gemapi : la proposition de loi continue de faire des vagues à l’Assemblée

Adoptée par un vote unanime en première lecture à l’Assemblée le 30 novembre, la proposition de loi relative à l'exercice de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi) devrait permettre une prise en charge plus sereine de ces nouvelles compétences. Mais certains y voient un verre à moitié vide, laissant de côté des questions cruciales comme celles du financement ou de l’articulation avec les compétences eau et assainissement.

 

Au terme de débats parfois très animés, les députés ont émis un vote unanime sur la proposition de loi relative à la mise en oeuvre de la compétence Gemapi, examinée en première lecture par l’Assemblée le 30 novembre, selon la procédure accélérée. Objectif de ce texte, déposé à l’initiative de Marc Fesneau, président du groupe Modem, et co-signé par Richard Ferrand et l’ensemble du groupe LREM : apporter de la souplesse au dispositif, sans remettre en cause le calendrier de la prise de compétence par les intercommunalités, tel qu’introduit par la loi Maptam.

Face à ces nouvelles responsabilités “très lourde d’incidences et nécessitant d’importantes réorganisations institutionnelles”, souligne l’Assemblée des communautés de France (ADCF), les interrogations des élus locaux se sont peu à peu transformées en inquiétudes alors que l’échéance du 1er janvier 2018 approchait.

Si la Gemapi repose sur “une logique forte, une logique de solidarité (…), sa mise en œuvre s’est heurtée à quelques difficultés”, reconnaît Jacqueline Gourault (MoDem), ministre auprès du ministre de l’Intérieur. “(…) Le législateur de 2014 n’a sans doute pas suffisamment pris le temps d’examiner ce qui pouvait déjà exister dans les territoires”, l’uniformité voulue par la loi Maptam ayant même pour effet d’obliger à déconstruire les initiatives de coopération “dès lors qu’étaient concernées des collectivités autres que communales”. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi autorise les départements – fortement impliqués dans la prévention des inondations, souvent sur des territoires meurtris par des crues répétées et dévastatrices – à continuer, s’ils le souhaitent et dans le cadre d’une convention signée avec les EPCI d’exercer cette compétence au-delà de 2020. Un amendement du gouvernement permet également aux régions gestionnaires d’ouvrages de conserver leur compétence.


Responsabilité aménagée

L’article 1er de la proposition de loi prévoit, en outre, de limiter la responsabilité des EPCI, qui deviendront les principaux gestionnaires de digues, pendant une phase transitoire courant “entre le moment où les digues existantes sont officiellement de leur responsabilité et le moment où ces digues ont pu être effectivement régularisées en système d’endiguement, opération qui se conclut par une autorisation délivrée par l’État”. Sur ce point le gouvernement a souhaité conforter les avancées obtenues en commission. “Si un dommage survient postérieurement au transfert de la compétence Gemapi aux EPCI, mais antérieurement à l’expiration du délai accordé pour la délivrance des autorisations de système d’endiguement, la responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée, à raison des dommages que cet ouvrage n’a pas permis de prévenir, dès lors que ce dommage n’est pas imputable à un défaut d’entretien de l’ouvrage par l’établissement sur la période considérée”, précise le texte. 

 

Transfert aux syndicats de droit commun

Le texte adopté par la commission permet de déléguer la compétence Gemapi à tout type de syndicat, y compris à des syndicats mixtes de droit commun non constitués sous la forme d’Epage (établissement public d’aménagement et de gestion des eaux) ou d’EPTB (établissement public territorial de bassin). La rapporteure du texte, Elodie Jacquier-Laforge, a soutenu un amendement maintenant cette possibilité en la limitant cependant dans le temps – à une durée de deux ans -, “pour marquer notre volonté de favoriser, à terme, les regroupements en EPTB ou en Epage”.

Un amendement du gouvernement ajuste également la rédaction de la disposition adoptée en commission permettant aux EPCI à fiscalité propre qui n’auraient pas encore la compétence Gemapi de délibérer, avant le 1er janvier 2018, sur le transfert de celle-ci, en totalité ou partiellement, à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte. Pour Jacqueline Gourault, il paraît en effet “préférable de limiter cette possibilité au seul cas de transfert, et non de délégation, de la compétence”.

Le gouvernement a en outre porté un amendement permettant à tout syndicat mixte ouvert d’adhérer temporairement, jusqu’au 31 décembre 2019, à un autre syndicat mixte ouvert, par dérogation au droit en vigueur, pour l’exercice des missions attachées à la Gemapi. Il s’agit de laisser aux structures le temps de demander leur labellisation en Epage et EPTB. A compter de 2020, cette possibilité sera réservée aux seuls Epage, pour leur permettre d’adhérer à un EPTB.

Enfin, un amendement défendu par le député de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, prolonge jusqu’au 1er janvier 2020, les travaux entrepris par les missions d’appui technique de bassin. 

 

Mais encore…

Au regret de certains élus, ce texte “minimaliste” ne traite pas des conséquences financières de ce transfert de compétences, ni ne résoud la question du transfert des compétences eau et assainissement à compter de 2020. “Une compétence sans financement nouveau, à part la taxe additionnelle [de 40 euros par habitant], ce n’est pas très sérieux(…) Ce n’est pas un vrai financement”, estime Nicolas Portier, délégué général de l’AdCF. 

“Ces inquiétudes sont compréhensibles”, reconnaît à l’AFP la rapporteure du texte, Elodie Jacquier-Laforge. “Mais la proposition de loi demande un rapport au gouvernement sur l’état des digues concernées et une étude d’impact financier”, souligne la députée de l’Isère. “Pourquoi donc ne pas commencer par réaffirmer l’exigence du maintien sous la responsabilité de l’État de la gestion et de l’entretien des digues domaniales construites sur nos fleuves ? Nos élus territoriaux n’ont nul besoin d’attendre, comme vous le proposez, un rapport sur les conséquences de ce transfert aux EPCI, d’autant que ce rapport ne viendra jamais… “,  s’est indigné le communiste André Chassaigne. 

A la suite du renvoi en commission de la proposition de loi LR visant à maintenir les compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes, “nous sommes parvenus à un rapport d’étape, dont le Premier ministre a fait état au Congrès des maires”, a pour sa part tenu à rappeler Jacqueline Gourault. Cet autre véhicule législatif comportait en effet “des éléments qui n’étaient pas acceptables et que je n’ai, pour ma part, pas votés au Sénat”, a déclaré l’ex-maire et sénatrice du Loir-et-Cher, ajoutant avoir encore besoin “d’un mois ou deux” pour permettre au groupe de travail constitué dans le cadre de la Conférence nationale des territoires d’affiner la question.

Certains problèmes “devraient être réglés dans la loi de finances et d’autres doivent l’être dans une proposition de loi”. Une disposition – comparable à celle qui a prévalu pour la mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux” (PLUi) – est envisagée pour permettre de ne pas procéder à un transfert de compétence en cas d’opposition de 25% des communes représentant au moins 20% de la population. Une réduction de neuf à huit du nombre des compétences obligatoires a aussi été actée ” pour que les communautés de communes puissent toucher la DGF bonifiée”.

 

Jacqueline Gourault a par ailleurs pris l’engagement, “de ramener à deux le nombre d’intercommunalités nécessaires et suffisantes, de telle sorte qu’un syndicat qui se trouve à cheval sur deux intercommunalités seulement puisse perdurer après le transfert de la compétence”.

 

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