Fusion AFB-ONCFS : le Sénat lève le lièvre du financement

Après le feu vert de l’Assemblée sur la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), c’est désormais au Sénat d’entrer dans la partie en examinant le projet de loi dédié au futur office à partir du 10 avril prochain. Le passage en commission marque d’ores et déjà un net rééquilibrage sur la place de la chasse dans le futur établissement, dont le financement suscite aussi son lot d'interrogations. 

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat vient d’adopter, le 3 avril, le projet de loi portant création du nouvel office né de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), après avoir auditionné la veille la secrétaire d’État à la Transition écologique, Emmanuelle Wargon. En donnant son feu vert en janvier dernier, l’Assemblée nationale a largement tracé les contours du futur établissement. Les travaux de préfiguration – chapeautés par Pierre Dubreuil – sont largement engagés et le comité de pilotage est déjà en place, “le calendrier sera donc tenu”, assure la secrétaire d’État.

Le nouvel office – qui devrait donc voir le jour en 2020 – reprendra le champ d’expertise des deux opérateurs. Son conseil d’administration devrait se limiter à une trentaine de membres, tout au plus, répartis en cinq collèges. Les fédérations départementales de chasseurs et la fédération nationale de la pêche l’intégreront “dans le quantum minimal de 10%”, précise le texte après son passage en commission au Sénat. Saisie pour avis, la commission des affaires économiques a en outre souhaité que les agriculteurs et les forestiers y soient représentés et proposé que le premier collège comprenant l’État et les personnalités qualifiées ne soit pas majoritaire, en contrepartie d’un droit de veto au bénéfice de l’État, comme c’est le cas à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Elle a symboliquement redonné  “toute sa place à la chasse”, en ajoutant ce terme dans l’intitulé même de l’établissement, rebaptisé ainsi “Office français de la biodiversité et de la chasse” (OFBC). Les futures “agences régionales de la biodiversité” sont renommées en cohérence “offices régionaux de la biodiversité”. Autre apport : les missions de police du futur office reviennent en première position dans le texte. L’inscription du “développement de la chasse durable” au titre des missions dévolues participe également de ce rééquilibrage souhaité en commission, tout comme la mention de l’organisation matérielle du permis de chasser dans ses compétences.  

Peu de gages sur le financement

De nombreuses zones d’ombre persistent néanmoins sur le financement du nouvel établissement. Sur le papier, le nouvel office doit bénéficier des ressources actuelles des opérateurs fusionnés, soit 343 millions d’euros, dont 258 millions d’euros des agences de l’eau, l’État n’apportant plus aucune subvention. Mais le besoin de financement complémentaire pourrait attendre 41 millions, estime le rapporteur Jean-Claude Luche. La perte de recettes – à hauteur de 21 millions – en raison de la baisse du prix du permis national de chasser à 200 euros a été financée sur le fonds de roulement de l’ONCFS pour 2019, “mais rien n’est prévu pour 2020”. S’y ajoutent 9 millions d’euros en raison du transfert de deux missions – gestion des plans de chasse et des associations communales de chasse agréées (Acca) – aux fédérations de chasseurs et 11 millions pour les actions en matière de biodiversité, l’État s’étant engagé à verser au futur fonds pour la biodiversité dix euros quand les fédérations mettent cinq euros par chasseur ayant validé un permis dans l’année. Pas d’illusions pour la rapporteure de la commission des affaires économiques, Anne Chain-Larché, les agences de l’eau seront  “in fine de nouveau mises à contribution”, “or, à force de ponctionner ces agences, celles-ci ne seront bientôt plus en capacité de réaliser leurs investissements en matière d’eau potable et d’assainissement”.  Afin de lever au plus vite le flou sur les modalités du futur fonds, la commission a réduit à trois mois le délai de remise d’un rapport de façon à préciser les intentions du gouvernement en amont du débat budgétaire. Autre gage obtenu : cet engagement de l’État est désormais inscrit dans la loi. Cette éco-contribution sera bien fléchée vers un fonds spécial géré par la Fédération nationale des chasseurs.  

Développement de la police de la ruralité

Autre volet abordé en commission, celui de la police de l’environnement en milieu rural (art. 2). Les débats ont en particulier permis d’élargir les pouvoirs d’investigation des 1.700 inspecteurs de l’environnement que comptera le nouvel office, notamment en leur donnant un pouvoir de contrainte pour les auditions (délit d’entrave). Dans le même esprit, le texte les autorise à porter à la connaissance de l’auteur des faits la proposition de composition pénale faite par le procureur de la République et à délivrer des convocations en justice. Un autre ajout leur ouvre l’accès aux fichiers de police judiciaire pour mener à bien leurs enquêtes. L’OFBC pourra également obtenir l’affectation de biens saisis – après décision de justice – tels que les armes ou les véhicules. Des précisions sont par ailleurs apportées au régime juridique de police exercée par les gardes du littoral, par les agents des réserves naturelles ou encore les gardes-champêtres assermentés. Un article additionnel complète aussi la liste d’aires marines protégées reconnues par le code de l’environnement, permettant au passage de clarifier les compétences des agents concernés par leur contrôle.  

Ajustements des missions des fédérations de chasseurs

Le dernier axe du projet de loi (art. 3) concerne le renforcement des missions des fédérations de chasse et acte la réforme engagée il y a plusieurs mois. La gestion du fichier des permis de chasser est confiée non plus aux chasseurs, mais au nouvel office. Les fédérations se voient transférer une série de missions dont la délivrance de l’autorisation de chasser – actuellement délivrée par l’ONCFS – et la gestion des plans de chasse. Le préfet continuera néanmoins à fixer les nombres minimaux et maximaux d’animaux à prélever “en tenant notamment compte des dégâts de gibier dans le département”, ajoute la commission, qui a  également souhaité lui donner la possibilité d’agir sur les plans de chasse individuels, en cas de “non prise en compte des orientations du schéma départemental de gestion cynégétique” et pas uniquement en cas de défaillance grave.
Sur le dispositif de gestion adaptative des espèces, analysé comme un progrès, peu de modifications, à l’exception d’une diminution des sanctions en matière de récidive dans la transmission des données de prélèvements réalisés sur des espèces soumises à gestion adaptative (six espèces sont pour l’instant concernées). La commission a également rendu “systématique” la transmission au nouvel office des données produites par les fédérations pour le compte du ministre de l’Environnement. 

PML

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