Evaluation de la politique de l’eau : le CGEDD apporte sa contribution

Le rapport évaluatif de la politique de l'eau du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), rendu public le 11 septembre, devrait alimenter les discussions sur l'eau dans le cadre de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre prochains.

Si les principes législatifs de la politique de l’eau font consensus (patrimoine commun, accès à l’eau potable de qualité à un coût acceptable, principe pollueur-payeur etc.), sa mise en oeuvre dépend de l’intégration des aspects liés à l’eau dans les politiques publiques et de la mobilisation des acteurs territoriaux.

Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a publié, le 11 septembre dernier, son rapport d’analyse de la politique de l’eau. Réalisé dans le cadre du processus de la modernisation de l’action publique, ce document vient s’ajouter aux missions conduites en parallèle, telle celle confiée par le Premier ministre au député Michel Lesage ou celle réalisée par Philippe Martin, alors député, relative à la gestion qualitative de l’eau en agriculture. Conformément à la lettre de mission, adressée le 21 février 2013, par la précédente ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, le CGEDD s’est appliqué à redéfinir l’objectif du bon état des masses d’eau “afin que celui-ci soit réaliste mais conforme à la DCE (directive cadre sur l’eau)”, ainsi qu’à examiner le financement de la totalité de la politique de l’eau (petit et grand cycle). Premier constat : “il existe une forte probabilité pour que l’objectif retenu par le Grenelle de l’environnement d’atteindre le bon état écologique (BEE) pour 2/3 des masses d’eau superficielles (Mesu) en 2015 ne soit pas atteint”. En cause, des objectifs trop ambitieux, une multiplicité d’intervenants et des politiques publiques qui peuvent se neutraliser à défaut d’articulation.

Renforcer l’implication territoriale
Pour le grand cycle, les difficultés rencontrées concernent des thématiques complexes (pollutions diffuses, pollutions résiduelles dont les pollutions toxiques ou par temps de pluie, morphologie des cours d’eau etc.) et présentent des spécificités territoriales fortes, en fonction notamment de la mobilisation des acteurs locaux. La faible efficience de la mise en œuvre des mesures locales déclinant les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) en constitue une parfaite illustration. Coordination des acteurs de l’eau et planification demeurent en effet, au niveau local, confrontées “à une difficulté d’appropriation des enjeux, à un émiettement des responsabilités et à une organisation inadaptée qui ne favorisent ni la construction d’une vision stratégique partagée ni la déclinaison opérationnelle en actions sur le terrain”, relève le CGEDD. Pointant le risque de sectorisation des politiques, le rapport préconise une “approche transversale et systémique, via le dialogue entre les gouvernances spécifiques, les systèmes d’information, l’animation des acteurs territoriaux et l’intervention financière des agences de l’eau”. Il convient en particulier de préserver le système de gestion intégrée de l’eau par bassin versant avec des agences de l’eau bénéficiant de ressources affectées et de programmes pluriannuels d’intervention, qui “continue de faire ses preuves et est apprécié de tous les acteurs”, note le document.

Assurer la transparence
Les résultats sont en revanche plus convaincants sur le petit cycle de l’eau dont la gestion est jugée “globalement satisfaisante”, sauf dans les DOM qui connaissent des retards structurels importants. Au titre des progrès accomplis, le rapport fait valoir l’accessibilité à l’eau potable, l’achèvement de la mise aux normes de l’assainissement collectif (notamment en application de la directive “Eaux résiduaires urbaines” – Deru), ou encore l’encadrement de l’assainissement non collectif. La persistance des pollutions diffuses et l’émergence de certaines menaces (pesticides, résidus de médicaments etc.) conduisent cependant à l’arrêt de certains captages d’eau potable. Autre enjeu important : l’amélioration de la transparence de la gestion de l’eau potable et de l’assainissement et du prix de l’eau. Le nombre de services publics d’eau et d’assainissement (35.000 SPEA dont 5.000 représentent 80% de la population) reste par ailleurs beaucoup trop important, “certains n’ayant pas la taille suffisante pour exercer leurs prérogatives d’autorité organisatrice”, estime le rapport.
Le rapport questionne par ailleurs la soutenabilité du système d’informations sur l’eau (SIE). Indispensable pour conduire et évaluer la politique de l’eau, le SIE souffre cependant “d’un pilotage stratégique insuffisant, aggravé par l’absence d’autorité sur des acteurs extérieurs à la sphère Etat, d’une rationalisation incomplète des réseaux de mesures, et d’un dispositif qualité incomplet”. L’observatoire des SPEA connaît également des difficultés d’alimentation en données, la transmission des rapports annuels établis par les maires n’étant pas obligatoire.

Utilisation imparfaite des ressources
La politique de l’eau mobilise d’importantes ressources financières et humaines. Selon l’évaluation conduite, 17 milliards d’euros environ sont mobilisables annuellement dans le petit cycle de l’eau (dont 1 milliard d’euros d’emprunt des collectivités locales) et 5,6 milliards d’euros sont mobilisés par le grand cycle de l’eau dont la moitié en provenance du contribuable au niveau national. La répartition des contributions des usagers au financement des agences de l’eau continue en particulier de faire débat, relève le rapport. En outre, plusieurs systèmes de redevances au bénéfice de ces dernières “ne contribuent pas efficacement aux objectifs qui les justifient”. En revanche, “la mise en place de règles telles que le respect d’un prix minimum de l’eau pour être éligibles aux aides des agences de l’eau ou la fongibilité asymétrique (pour éviter des transferts du grand cycle vers le petit cycle) vont dans le bon sens “, remarque le CGEDD. L’efficacité de la police de l’eau est également remise en cause du fait de l’insuffisance des moyens consacrés et ce “dans un contexte où la coordination entre les acteurs de l’eau (financement au niveau des bassins ; police au niveau départemental) est difficile”. Les faibles effectifs nuisent en particulier “à la qualité de l’expertise des dossiers de police administrative et à une pression de contrôle suffisante”.

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