Déchets ménagers – Tarification incitative : des collectivités qui l’ont osée témoignent

Le 30 novembre, une journée technique de l'Ademe a permis de faire le point sur les avancées et difficultés rencontrées par les collectivités qui ont mis en place le dispositif de tarification incitative, certes facultatif mais qu'elles sont fortement encouragées à instaurer pour moderniser leur service public de prévention et de gestion des déchets. 

 

Quel point commun ont les communautés d’agglomération du Grand Besançon (Doubs) et de Versailles Grand Parc (Essonne) ? Les deux collectivités s’approprient pas à pas le mécanisme, complexe mais jugé efficace pour réduire les quantités de déchets, de tarification dite incitative.
Né dans le sillage de la loi Grenelle 1, ce dispositif, qui consiste à faire payer les usagers du service de prévention et de gestion des déchets selon les quantités qu’ils produisent, a déjà connu moult rebondissements.
Près de dix ans après, il reste rare sur le terrain : opérationnel dans à peine 200 collectivités, soit 7% de la population française, son déploiement est très hétérogène “avec des régions avancées et d’autres sans aucune collectivité en financement incitatif effectif”, notent les experts de l’Ademe. Pourtant, ces derniers sont convaincus, résultats et chiffres à l’appui, qu’il constitue “un levier déterminant pour la réduction des déchets et un outil puissant mais qui doit s’inscrire dans un projet global d’évolution du service”, a insisté Alexandra Gentric, animatrice au service déchets de l’Ademe, lors d’une journée technique organisée par l’agence le 30 novembre avec une centaine d’élus, directeurs et techniciens des collectivités.


Lever les freins et braver les rétiscences

Maturité du service, implication des agents et fort portage politique sont les prérequis nécessaires pour un passage à l’acte qui prend généralement de deux à cinq ans et induira forcément au bout du compte des transferts de charges entre usagers, variables selon le mode de financement initial et le mode de financement incitatif mis en œuvre. “Dans les collectivités qui estiment que ce dispositif va dans le sens de l’histoire mais qui ne se trouvent pour l’instant pas prêtes, les réticences portent justement sur ces transferts de charge, l’évolution des factures des usagers, l’impact sur les familles nombreuses pénalisées du fait des déchets générés, les risques d’impayés, etc.”, liste Sylvie Courbet. Cette consultante du bureau d’études Citexia vient d’accompagner Versailles Grand Parc dans la phase de diagnostic et d’étude de faisabilité, “essentielle pour déterminer vers quel service on veut tendre, quel objectif on vise (réduction globale des tonnages, incitation au tri, optimisation de la collecte, ndlr) et lever de premiers freins, car la tarification incitative n’est pas une fin en soi et s’inscrit dans un changement d’envergure pour la collectivité”.


Oser l’expérimentation

Avant de voir la lumière au bout du tunnel, que tout soit rôdé et de constater les premières diminutions des déchets à traiter, il faut s’armer de patience “car c’est déjà complexe en soi mais plus on gratte, plus on bute sur de nouvelles difficultés avec, in fine, toujours des solutions”, prévient tout en restant optimiste Luc Wattelle, maire de Bougival et vice-président environnement de Versailles Grand Parc. La voie choisie par ce territoire est celle de l’expérimentation, avec d’abord cinq communes qui se lanceront puis cinq autres dont la sienne mais pas Versailles, du moins pour l’instant. Le tout en amont d’un renouvellement de marché de collecte arrivant en fin d’année à échéance, et donc de changements à venir en termes de fréquence de collecte et d’optimisation des circuits.

Prochaines étapes : constituer le fichier des redevables, déterminer leur dotation en bacs puis tester une année de facturation à blanc en 2020. “Se pose aussi la question de bien communiquer auprès des usagers – ni trop tard ni trop tôt – sachant que leur facture ne sera impactée qu’en 2021”, relève Marion Soulard, directrice environnement de Versailles Grand Parc. “Lorsqu’on se met à recenser les bacs existants, c’est un bon moment pour délivrer sur le terrain des informations aux habitants”, conseille Morgane Deblangy, responsable du service déchets du Val d’Essonne, une communauté de communes qui observe une baisse de 30 kg des ordures ménagères résiduelles collectées entre 2012 et 2017. “L’enjeu n’en reste pas moins très polémique chez les élus, près de 70 réunions ont été nécessaires pour les convaincre et les rassurer !”, illustre-t-elle.

 

Mesurer les apports : pas si simple

Autre point sensible, la nouvelle relation aux usagers qu’entraîne la tarification incitative. Chronophage, elle mobilise un employé à temps plein au Grand Besançon, un territoire pionnier dans la mise en place, dès 2012, d’une redevance incitative au poids (pesée embarquée) et à la levée. Le choix du bon système de comptabilisation des apports, incitatif sans être punitif, adapté à l’habitat sans être trop individualisé, est loin d’être évident. Dans le pavillonnaire, quantifier la pesée du conteneur individuel est possible, moins dans l’habitat collectif où la mesure des apports volontaires en conteneur semi-enterré accessible par badge paraît plus pertinente et efficace, dès lors que la collecte en porte à porte a été au préalable supprimée. Mais elle a son coût (en équipement et maintenance). “Plus on individualise le système de comptage permettant de facturer la part variable, plus c’est cher, à savoir plus de trente millions d’euros si on poussait à fond cette logique dans notre territoire, ce qui est évidemment trop !”, illustre Luc Wattelle.

 

La qualité des données, clé du succès

Parmi les territoires ruraux qui se sont lancés, souvent avec moins de difficultés que dans les centres urbains, figure l’ancienne commune d’Auneau (Eure-et-Loir) où Vincent Augé, chargé de mission au Sictom de la Région d’Auneau, témoigne de l’importance de disposer de données fiables et d’une base complète (base bacs, fichier des usagers, base locaux imposés) : “Cela représente un gros travail de vérification mais mal les appareiller entre elles risque de décrédibiliser le dispositif et de faire échouer l’incitation. L’informatique aide mais ne fait pas tout, les adresses ne sont pas toujours concordantes il faut donc vérifier sur le terrain.” “La qualité du système d’information est pour beaucoup dans la réussite du projet”, confirme au Grand Besançon Marie-Laure Journet-Bisiaux, la directrice de la gestion des déchets. La supervision et la consolidation de ces données sécurisent et crédibilisent un peu plus les factures usagers émises. “Cette transparence sur les coûts et les données est importante. N’oublions pas que c’est le caractère incitatif de l’opération qui motive l’usager à se lancer. Il faut donc veiller à ne pas casser la dynamique et surtout ne pas tomber dans la sanction”, poursuit-elle.

Dans l’habitat social, le pilotage du projet implique nécessairement le bailleur puisque c’est lui qui s’acquitte de la redevance incitative d’enlèvement et de traitement des déchets ménagers et assimilés. “La question de l’accès et de la propreté des locaux poubelle est prépondérante pour faciliter le tri et éviter les apports externes, en travaillant avec les gardiens pour optimiser la présentations des bacs”, ajoute Marie-Laure Journet-Bisiaux. “La facture de la redevance étant proportionnelle au nombre de ramassages de ces bacs, on en voit moins traîner dans la rue. La redevance responsabilise, apporte de la discipline. Et ça, les élus apprécient”, conclut Morgane Deblangy.

Quatre autres rencontres de ce type sont prévues jusqu’en mars prochain à Rennes, Caen, Orléans et Lyon.

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