Décentralisation des aérodromes : le bilan dix ans après les transferts

Depuis que la responsabilité leur a été transférée, il y a dix ans, les collectivités locales ont poursuivi l'effort d'exploitation des 550 aérodromes français, non sans difficulté. L'avenir des petites et moyennes plateformes pose question. Selon l'analyse d'un cabinet de conseil aux collectivités, les nouvelles régions ont tout intérêt à reprendre en main le destin de ces équipements.

 

Comment évolue la gouvernance des 550 aérodromes français ? Quel est leur devenir ? Dix ans après le transfert de ceux appartenant à l’État au profit des collectivités ou de leurs groupements, une série d’analyses éclairent les perspectives à envisager à moyen et long terme sur l’affectation et l’équipement de ces sites. Publiées par le cabinet de conseil aux collectivités Espelia (ex-Service Public 2000), dont le comité de surveillance est présidé par des associations d’élus (AMF et FNCCR), l’analyse porte en premier lieu sur la trajectoire prise dans la gestion de ce réseau. Et sur sa singularité : unique en Europe, la densité de son maillage dans certaines régions est observée de longue date, par exemple en Île-de-France par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU-IdF) dans cette étude.

 

Dix ans de décentralisation

Fruit d’un héritage, ce réseau fut segmenté “entre aérodromes de loisir, aéroports régionaux, aéroports internationaux et plateformes militaires”. En 2007, la décentralisation entre en piste : la loi transfère 150 aérodromes et aéroports appartenant à l’État au profit des collectivités ou de leurs groupements. “Ces infrastructures considérées comme moins stratégiques leur sont transférées pour les placer au plus près des intérêts locaux qu’ils servent”, explique Adrien Selvon, le consultant d’Espelia à l’initiative de cette analyse, produite “sur la base de notre expérience du sujet, acquise au travers de missions que nous réalisons pour les collectivités”. Dans ce bloc transféré se côtoient de petits aéroclubs et des aéroports dont le trafic dépasse le million de passagers annuels. Un tiers des collectivités, “aguerries avant ce transfert”, étaient fin prêtes à devenir propriétaires de l’infrastructure. Un second tiers héritent d’une situation contractuelle liant ces plateformes aux Chambres de commerce et d’industrie (CCI) qui les gèrent dans le cadre de contrats de délégation de service public (DSP) : “Charge alors à ces collectivités de s’approprier la gestion d’un aérodrome aux côtés de l’acteur en place”.

 

Le grand saut

Pour les autres, c’est le grand saut ! Des plateformes gérées par l’État via la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) – “essentiellement de petits terrains dédiés à l’aviation générale” – tombent dans l’escarcelle de collectivités qui n’y connaissent pas grand-chose, “ne maîtrisant ni le fonctionnement de cette infrastructure”, ni “les retombées potentielles sur leurs territoires”. Résultat, elles ont dû apprendre rapidement “à les gérer en régie ou à les confier à un tiers plus expérimenté”.

 

Un risque d’autarcie…

S’ensuivent une série d’appels d’offres pour des DSP aéroportuaires – une soixantaine de 2007 à 2013. CCI et acteurs privés se positionnent. Les contrats de DSP sont courts : d’une durée de cinq à dix ans, certains ont déjà été renouvelés. Dans des collectivités “la tentation de reprendre leurs petits aéroports en régie est palpable”, indique le consultant. Les petites plateformes intéressent moins les CCI et les acteurs privés. Les collectivités qui en gèrent ont, le plus souvent, mis en place des sous-traités de gestion avec les occupants. Le risque ? Voir se créer “des comportements autarciques envers le territoire, peu en adéquation avec l’idée d’un bien public. On dénombre cinq petits aérodromes ayant été fermés entre 2007 et 2016”, ajoute-il.

 

… et de décrochage

Du côté de la gestion de grands aéroports régionaux – Nice, Lyon, Toulouse-Blagnac – la tendance est au “désengagement possible des collectivités”. Ces aéroports ont néanmoins des perspectives de développement. Le lancement de lignes desservant l’international y est plus timide que chez nos voisins européens. Perdure “un certain centralisme aéroportuaire français et la volonté de préserver les parts de marché d’Air France”. Les compagnies premiums du Golfe aimeraient y opérer des vols vers leurs hubs : “L’avenir à moyen terme de ces aéroports régionaux est le transcontinental”. Pour cela, encore faut-il que l’État et la DGAC “libèrent les verrous empêchant ce développement”.

 

Des remembrements en vue

Certains aéroports remplissent l’objectif de désenclavement territorial. Et sont “reconnus par les acteurs locaux comme des outils opérationnels du développement économique et touristique”. Par exemple ceux de Brest, Biarritz, Beauvais et Chambéry. D’autres se sont diversifiés dans l’aéroindustrie (Châteauroux, Auch) ou l’aviation d’affaires (Cherbourg).

Mais l’avenir de ce réseau secondaire qui constitue une part importante du paysage aéroportuaire français va se traduire, prévient Espelia, “par des remembrements (mutualisation de plateformes aéroportuaires, fermeture de l’excédent de capacité) à la faveur des grandes régions et de leur capacité à mettre en œuvre les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et leurs volets transports”.

Le cabinet conseille ainsi aux collectivités de rester maîtres du jeu, d’avoir “une approche globale de leurs plateformes aéronautiques”, de se faire accompagner sur ce sujet afin d’adopter “une culture aéroportuaire ouverte sur l’ensemble des enjeux territoriaux et non sur la seule nécessité de desserte du territoire”

 

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