A 56 ans, Damien Carême, le maire EELV de Grande-Synthe (Nord-21.400 hab. environ), affiche encore une allure estudiantine et étonne par son calme et une sorte de sérénité qui, ne nous y trompons pas, ne confine nullement à l’insouciance ou à la naïveté. Le réel, les “vrais gens”, comme disent certains politiciens hors-sol, lui, il connaît et les problèmes, il les affronte quotidiennement. Il ne se prend pas pour autant pour un super-héros, déclarant dans une récente interview : “Je fais mon boulot de maire”.
Il aura suffit d’un débat sur France 2 face au candidat à la primaire de droite, Nicolas Sarkozy, pour que cet homme politique local dont la devise est “Un engagement politique au service de l’Homme” sorte de l’ombre. Au coeur de ce face à face : les migrants, les réfugiés et tous les autres noms qu’on leur donne…
Ce soir-là, il est question de la jungle de Calais, de reconduite à la frontière, de faux réfugiés… Et plutôt que de s’enliser dans un duel traditionnel, pour ou contre ou en opposant droite gauche, Damien Carême fait part de son expérience de maire. Tout simplement.
Honte du “camp de la honte”
Située géographiquement à proximité d’axes autoroutiers et de la ville de Calais, la commune de Grande-Synthe fait face à l’arrivée régulière et en petit nombre de réfugiés depuis 2006. En 2015, le nombre de réfugiés augmente considérablement pour atteindre en fin d’année plus de 2.800 personnes sur le site dit du Basroch. “Un camp de la honte” pour le maire qui décide de fermer le site et de construire, avec Médecins du Monde et sans faire appel au soutien ou aux mannes de l’État, le premier lieu d’accueil humanitaire en France. Le “camp de la Linière” ouvre le 7 mars 2016 et met à disposition des réfugiés des cabanons pour y vivre dignement le temps de faire le point sur leur situation et d’enclencher les démarches nécessaires pour rester en France, partir en Angleterre ou regagner leur pays d’origine.
Des actions de proximité
Ce lieu d’accueil humanitaire fonctionne grâce au travail des ONG et des associations locales, nationales, et internationales présentes depuis l’origine de la crise migratoire ainsi que grâce aux membres et bénévoles présents dès les premiers mois.
Le 30 mai dernier, la municipalité et les bénévoles peuvent souffler. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, et la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse signent, au nom du Gouvernement français, une convention tripartite avec la ville et l’ association, régisseur du camp, l’Afeji. Cette convention permet aujourd’hui de financer une partie du fonctionnement du lieu d’accueil humanitaire, à côté du projet associatif animé par la mairie de Grande-Synthe.
Nous sommes bien loin des appels très bruyants au refus, au rejet (on choisira le mot que l’on voudra) d’autres élus qui, comme le maire FN d’Hénin Beaumont crée une association “Ma commune sans migrant” ou lance une pétition “Non au plan de Cazeneuve de répartition des migrants de Calais dans nos régions” comme le président de la région président de la région Auvergne – Rhône-Alpes.
A Grande-Synthe on ne fait pas beaucoup de bruit pour rien ou pour faire parler de soi pendant une campagne électorale. On agit, on instruit les dossiers des réfugiés au cas par cas et cela donne des résultats qui n’ont rien à voir avec le fameux “appel d’air” puisque le camp humanitaire composé actuellement de 380 abris en bois, il n’abrite plus que 757 personnes.
And the winner is…
Et voilà monsieur le maire, candidat au titre de “meilleur maire du maire”. Son ego aurait-il pris de l’embonpoint ? En tout cas, Damien Carême n’était pas au courant car ce serait un anonyme qui aurait proposé sa candidature, pas du tout impossible lorsqu’on connaît les conditions de participation à cet événement qui a lieu tous les deux ans.
En tout cas, il correspond parfaitement aux critères mis en avant cette année par la City Mayors foundation pour concourir : “Le prix 2016 sera décerné à un maire qui a accepté les défis posés par la migration, convaincu de ses avantages à long terme (…). La fondation City mayors examinera également la candidature d’un maire dont la ville a fait preuve de résilience exceptionnelle face aux dernières arrivées en provenance de régions déchirées du monde.”
Aujourd’hui, Damien Carême est le seul maire français en lisse. Succedera-t-il à Naheed Nenshi, maire de Calgary (Canada), lauréat en 2014 ? Réponse au mois de janvier pour ce maire citoyen humaniste qui préfère le travail de terrain aux affrontements idéologiques stériles.
© Extrait de la soirée du 26 mai 2016 organisée par Mediapart au Théâtre de la Ville
The World Mayor Award
Le World Mayor Award est une récompense accordée par City Mayors. Elle s’adresse aux maires du monde entier. Elle est basée notamment sur la qualité avec laquelle les maires sont au service de leurs administrés (bien-être, etc.) mais aussi sur leur contribution au développement des villes, nationalement et internationalement. Les organisateurs insistent sur le fait que le jugement est totalement libre et que cette élection n’est ni orientée par une velléité publicitaire ni commerciale. Le choix des gagnants est basé sur le nombre de voix que les maires reçoivent par l’intermédiaire du site Web de City Mayors et la qualité et la passion des commentaires qui soutiennent leurs candidatures.