Compensation écologique : CDC Biodiversité explore de nouveaux leviers

 

Une rencontre sur la compensation écologique organisée le 19 mai à Paris par CDC Biodiversité a réuni 200 invités et satisfait un public avide de décryptages et solutions. Un focus a été fait sur un nouvel outil exploré par la filiale de la Caisse des Dépôts : les projets territoriaux de biodiversité (PTB).

 

 

La compensation écologique, un sujet dans l’air du temps ? Technique et longtemps confiné à un cercle restreint d’experts, des élus s’en emparent et une nouvelle génération d’ingénieurs et d’acteurs locaux se passionnent pour cette doctrine, qui ne prend sens qu’une fois mise à l’épreuve du terrain et que la loi Biodiversité de 2016 a contribué à réactiver.
L’un des mérites de la rencontre sur la compensation écologique, organisée le 19 mai à Paris par CDC Biodiversité, est d’avoir pris le pouls de l’intérêt que suscite cet enjeu, convié de nouvelles têtes pour en débattre et d’avoir mêlé une approche experte et pédagogique pour faire le point et  “réfléchir collectivement aux modalités concrètes de sa mise en œuvre opérationnelle dans les territoires”.

 

L’A65 pour cas d’école

“Prendre un tel sujet à la légère est une grave erreur”, a prévenu d’entrée de jeu Valérie David, directrice développement durable et innovation chez Eiffage. Le géant du BTP a essuyé les plâtres et considère le chantier de l’autoroute A65 Pau-Langon comme “un cas d’école”. Inaugurée en 2010, ses 150 kilomètres de tracé traversent des coteaux, des massifs forestiers exploités et des cultures. Fruit d’une coordination interministérielle et d’une concertation avec la cinquantaine de communes et les trois départements traversés, la première mouture de son projet prévoyait des mesures de compensation à mettre en œuvre sur une soixantaine d’hectares.

Rebondissement : ce sont finalement 1.372 hectares de compensation qui ont dû être trouvés au terme des procédures réglementaires ! Un tremblement de terre en interne : “L’entreprise l’a vécu comme un traumatisme. Le chantier a été stoppé. Nous n’étions absolument pas préparés. Notre grand patron nous a dit ‘Plus jamais ça !’. A l’époque, nous externalisions la question à des bureaux d’études. Depuis, nous avons repris en main l’enjeu en interne. Les ingénieurs étant insuffisamment formés, nous avons même créé un master avec Paris 1 sur les interactions techniques, économiques, juridiques et écologiques entre environnement, biodiversité et grandes infrastructures linéaires ou d’aménagement”, explique Valérie David.

 

Vers une approche territoriale

Sans la CDC Biodiversité, qui a porté le programme de compensation de cette autoroute, nulle issue n’aurait sans doute été trouvée : “Trois ans ont été nécessaires pour sécuriser les mesures de compensation. Alors que la loi prévoit que l’on doit théoriquement compenser avant de détruire…”, regrettait en janvier dernier Olivier de Guinaumont, président d’A’liénor, société commune (Eiffage et Sanef) concessionnaire de l’autoroute A65, lors d’une audition de la commission sénatoriale qui vient de livrer ses conclusions sur la compensation.
Les compensations de l’A65 ont toutes eu lieu en Aquitaine, selon un principe qui veut qu’elles s’effectuent aux pieds de l’infrastructure. Un principe de proximité aujourd’hui mis à mal : la commission d’enquête sénatoriale propose ainsi d’introduire plus de souplesse dans la localisation des sites de compensation, “à condition de rester dans la logique fonctionnelle des trames verte et bleue (TVB) et d’y associer les agences régionales pour la biodiversité et les collectivités territoriales”, insiste le sénateur EELV de Loire-Atlantique Ronan Dantec, rapporteur de cette commission.

 

Un secteur dynamique

Autre chantier, autre opérateur : pour la LGV Bretagne-Pays de la Loire, la compensation confiée par Eiffage à un groupement piloté par Dervenn concerne plus de 200 sites autour de la ligne, représentant plus de 800 hectares d’habitats naturels à gérer et maintenir jusqu’en 2036. “Il y a eu six réponses au marché passé. Parmi elles, des PME régionales. C’est le signe d’un engouement, d’une dynamique qui n’est d’ailleurs pas sans lien avec l’exercice de planification régionale avec les nouveaux Sraddet”, motive Valérie David. Quid des nouveaux opérateurs de compensation dont la création est rendue possible par la loi Biodiversité ? “Nous sommes déjà gestionnaire de foncier et de réserves naturelles. On s’interroge sur l’intérêt d’être opérateur, même si pour cela il faut les reins solides. Mieux lier les sites de compensation et les espaces déjà protégés est une piste à explorer”, interpelle Dominique Aribert, directrice de pôle chez LPO France.

 

Des projets territoriaux de biodiversité

Rare collectivité à avoir créé un opérateur public dédié , le conseil départemental des Yvelines est aussi intervenu durant cette matinée d’échanges : “Comme nous gérions déjà les espaces naturels sensibles (ENS), nous avions en interne les compétences nécessaires pour se lancer, en premier lieu aux côtés de CDC Biodiversité, de Dervenn et d’EDF, via l’expérimentation du ministère de l’Ecologie sur la compensation par l’offre”, resitue Pascal Clerc, à la direction environnement du département.

Après avoir lancé un programme incitant de nouveaux profils d’acteurs – entreprises, collectivités, bailleurs sociaux – à s’engager sur des actions menées pour restaurer la biodiversité, CDC Biodiversité explore un autre levier d’intervention : “Il s’agit des projets territoriaux de biodiversité (PTB)”, indique Jean-Christophe Benoit, son directeur développement et investissement. C’est une approche intermédiaire, entre la compensation par la demande – le système actuellement utilisé – et la compensation par l’offre, dont la réserve de Cossure reste la principale vitrine en France. Pour la tester, l’opérateur travaille avec trois collectivités : la région Ile-de-France et les métropoles de Lyon et Bordeaux. “Nous identifions ensemble des sites en mauvais état écologique et qui seraient potentiellement à restaurer. Par exemple des mares. Puis nous sécurisons le foncier et attendons qu’un projet à compenser survienne. Tous les acteurs locaux, conservatoires et Safer, sont associés à la démarche”, éclaire Jean-Christophe Benoit.
Cette rencontre a en outre été l’occasion de rappeler les complémentarités entre ce sujet et d’autres politiques publiques, tout en veillant à maintenir une frontière claire entre compensation et politiques de préservation.

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