Après la Loti, à quand la Lomi ?

Critique vis-à-vis de la politique des transports menée dans l'Hexagone, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) propose qu'une loi lui redonne de l'élan en rebondissant sur une annonce faite lors de la dernière conférence environnementale. Exercice peu banal, l'association s'est appuyée sur son réseau pour tenter d'esquisser le contenu de cette loi. Le point sur les propositions qui intéressent les élus.

Faut-il dépoussiérer la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti) ? “Cette loi a vieilli, elle a trente ans, or depuis la mobilité s’est profondément transformée. Les besoins ont évolué. De nouvelles pratiques, de nouvelles techniques, de nouvelles méthodes de gestion sont apparues. Si elle a constitué à une époque un progrès considérable, en gérant plus rationnellement le secteur des transports, elle n’a pas permis d’enrayer sa contribution à la crise écologique et n’a pas enclenché les transferts modaux que nous défendons”, souligne Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). L’idée d’actualiser cette loi ne lui revient pas mais a émergé lors de la dernière conférence environnementale au printemps 2016, à l’issue de laquelle Manuel Valls, alors Premier ministre, avait annoncé la mise en chantier d’une loi d’orientation de la mobilité intérieure (Lomi).


Toiletter la loi

Restée lettre morte depuis, elle n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : la Fnaut y voit l’occasion de “moderniser et rationaliser l’organisation des déplacements”. Il y aurait, selon elle, de quoi faire pour adapter cette loi fondamentale d’organisation des services terrestres de transport aux évolutions de la mobilité, pour clarifier par son biais “les relations entre État, autorités organisatrices et opérateurs et introduire des mesures organisationnelles concernant l’intermodalité, le numérique, les déplacements transfrontaliers, la complémentarité des modes, la concurrence intramodale, etc”.

Il suffit de prendre l’intermodalité : “Elle n’existait pas ou peu il y a trente ans. Une nouvelle loi devrait affirmer ce principe d’intermodalité en matière d’itinéraires, d’horaires, de pôles d’échanges, d’information, de tarification et de billettique”, estime Jean Sivardière, vice-président de la fédération.

Autres principes directeurs qu’une loi toilettée devrait réaffirmer : le droit à la mobilité pour tous, la complémentarité des modes, la structuration par le transport ferroviaire de la mobilité à moyenne et longue distance, la coopération entre autorités organisatrices (Etat-régions, régions-métropoles), etc. Son verdissement s’avère aussi nécessaire : “Elle doit être ‘écologisée’ pour en faire un outil de la transition énergétique et écologique”, poursuit Jean Sivardière.

 

Gouvernance, concurrence, consultation des usagers

Dans le détail, la Fnaut fait assaut de propositions qu’une telle loi pourrait contenir. Par exemple elle suggère, en lien avec l’enjeu d’aménagement du territoire, que toute implantation de grand équipement public, commercial ou de zone industrielle ne soit plus réalisée “à plus de 500 mètres d’un axe structurant de transport collectif existant ou programmé”. “Cela semble évident, pourtant des élus continuent de vouloir créer des gares déconnectées du réseau classique. Des dizaines de projets vont dans ce sens, à Evreux, Montauban ou Agen”, liste Jean Sivardière.

La fédération d’usagers imagine aussi une loi qui renforcerait les droits des voyageurs et imposerait “un dédommagement systématique et forfaitaire des abonnés en cas de service perturbé”. Et obligerait les autorités organisatrices de transport collectif à introduire une tarification solidaire, sur la base du quotient familial, adaptée aux ménages modestes. Les PDU seraient rendus obligatoires dans les agglomérations d’au moins 20.000 habitants. Et le seuil démographique des 400.000 habitants, qui s’impose aux collectivités souhaitant instaurer un péage urbain, se verrait supprimé.

Concernant la gouvernance du transport ferroviaire, la Fnaut conseille de supprimer l’Epic SNCF de tête “qui ne sert à rien”. Et de le remplacer par une agence ferroviaire s’occupant réellement de stratégie et “proposant à l’Etat une politique ferroviaire de long terme, en concertation avec toutes les parties prenantes”. L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs devrait être, selon elle, “autorisée dès 2019, sans attendre la date butoir de 2023 fixée par le 4e paquet ferroviaire européen”. Et l’exploitation des TER, Intercités, trains de nuit, TGV abandonnés par la SNCF, faire l’objet d’appels à manifestation d’intérêt systématiquement lancés par l’Etat.

Elle réclame également plus de transparence et de consultation des usagers dans la gouvernance des transports urbains. Favorable à l’écotaxe poids lourds, “qui doit être rétablie par l’Etat ou à l’initiative des régions”, elle pose aussi la question de l’intérêt d’en créer une pour les autocars. Enfin, face au développement exponentiel du covoiturage et des plateformes de l’économie collaborative, la Fnaut s’interroge sur les indemnités perçues dans ce cadre par les covoitureurs : “Par équité concurrentielle, elles doivent être taxées”. Quant à l’indemnité kilométrique vélo (IKV), elle doit être revue pour devenir plus incitative à l’usage du vélo lors des déplacements domicile-travail.

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