Vers la revitalisation des communes rurales par des écoles d’un nouveau type ?

Les ruraux comme les néoruraux ont besoin de services et de commerces pour vivre dans les territoires, au premier rang desquels l’école. Voici une initiative pragmatique qui pourrait bien ramener les cris d’enfants dans les villages.

Entretien avec Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école. Propos recueillis par Guillaume de Thieulloy.

Journal des Communes : Un élève rural a-t-il les mêmes opportunités en termes d’écoles primaires et de collèges qu’un urbain ?

Anne Coffinier : Les écoles rurales scolarisent encore 20 % des élèves, souvent dans des classes uniques qui ont des taux de réussite supérieurs à la moyenne nationale et qui ont été – ce n’est pas assez connu – le creuset de la plupart des innovations pédagogiques du siècle dernier. Pourtant, l’État ferme les écoles rurales à tour de bras depuis plus 20 ans, sans vraie concertation avec les élus de terrain, suivant une politique de<< rationalisation budgétaire» qui le conduit à fermer des classes voire des écoles en ruralité parce que le nombre d’élèves à scolariser est intérieur à ses ratios nationaux minimaux. Cette logique comptable et centralisée conduit à condamner à la disparition de la plupart des écoles rurales, surtout qu’elle est réalisée année après année sans projection pluriannuelle, comme le déplore le sénateur LR Max Brisson qui vient faire adopter une proposition de loi au Sénat mettant fin à cette pratique. Les lois Guizot et Goblet de 1833 et de 1886 imposaient à toute commune de plus de 500 habitants d’avoir sa propre école publique, respectivement pour les garçons puis pour les filles. En 2003, la loi inverse totalement la tendance puisque c’est le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) qui devient une obligation légale pour toute commune ayant moins de 15 élèves. Aujourd’hui nombreux sont les maires ruraux désemparés parce que le rectorat leur ferme leur école malgré leurs protestations. Les communes sans école se dévitalisent ensuite très vite et c’est la mort assurée du village sur un plan économique, culturel et démographique.

JDC : Le gouvernement agit-il pour densifier l’offre scolaire en ruralité?

AF : Rien n’est prévu aujourd’hui pour faciliter le maintien des écoles en activité malgré de faibles effectifs, ou l’implantation de nouvelles écoles reposant sur des modèles économique et pédagogique innovants plus adaptés à de petits effectifs et à la difficulté à recruter les enseignants loin des centres culturels et économiques. li serait intéressant d’encourager les ouvertures d’école par des subventions publiques ou des allègements de charges ou des mises à disposition gratuite de locaux. Si l’État n’est plus en situation aujourd’hui de fournir des écoles de petite taille, économiquement viables, il faut qu’il favorise pragmatiquement l’intervention d’acteurs associatifs pour assumer ces missions de service public sous le contrôle de !’Éducation nationale. Les écoles privées indépendantes ( 2 000 écoles indépendantes scolarisant 90000 élèves) offrent un tel cadre en France, sans la moindre aide de l’État pour l’instant, même quand elles remplissent des missions de service public saluées par les établissements scolaires publics eux-mêmes. li est nécessaire que l’État laisse demain plus d’initiatives au terrain. Les territoires peuvent expérimenter valablement des solutions, y compris dans un cadre associatif avec une forte implication des élus locaux. Des maires pionniers ont déjà ouvert la voie: Sophie Gargowitsch, de Blanquefort-sur-Briolance, en Dordogne, qui a sauvé son école publique en la passant en pédagogie Montessori; Marcel Chabaud, qui presque doublé la population de son village en ouvrant une école associative indépendante à SaintPierre de Frugie; Marcel Chaux, qui a ouvert une école associative à Puy-Saint-Vincent dans les Alpes que l’Etat a ensuite transformé en école publique. A Montherlant, Céré-la-Ronde, Saint-Nicolas de Briennon, les écoles rurales associatives se sont aussi crées avec le fort soutien des maires. Ce sont bien des écoles de la République, au service du territoire dans son ensemble, où tous les enfants de la commune se côtoient. Parfois, elles sont plus qu’une école en proposant un tiers-lieu, et en reposant sur les synergies de l’économie sociale et solidaire.

JDC : Quelles sont les évolutions encours et des changements sont-ils possibles ?

AF : Sans changer la loi et les mentalités au niveau central, et donc sans subventionner les écoles indépendantes communales, il est d’ores et déjà possible pour les communes de favoriser la création d’école indépendante ou associative au service de sa population. Pour ce faire, le maire peut louer des locaux d’une ancienne école ou des locaux publics au prix du marché, faciliter la rencontre d’acteurs désireux d’ouvrir ou de soutenir une école communale, faciliter les transports communs pour desservir l’école. De plus en plus de maires se lancent dans l’aventure. La fondation Kairos pour l’innovation éducative-Institut de France leur a donné la parole lors d’un colloque organisé à l’Institut de France en 2021 (voir https://www.youtube.com/watch?v=30rM5vEI9SM).

JDC : Qui agit pour permettre aux petites communes aujourd’hui de garder une offre scolaire de proximité au service de leur population ?

AF : Notre association Créer son école joue un rôle unique aujourd’hui pour faciliter la réouverture d’écoles en ruralité au service de la revitalisation rurale. En septembre 2022, 77% des 172 créations d’école indépendante en France ont ouvert leurs portes dans des communes de moins de 5 000 habitants. La plupart de ces créations d’école a profité de l’accompagnement juridique ou financier de Créer son école. Aujourd’hui, nous allons plus loin en proposant un programme proactif spécialement conçu pour accélérer la création d’écoles rurales, à la demande des maires. Ce qui a été le cas dans 35 des créations d’écoles rurales de ces trois demi ères années, comme à Palau-de-Cerdagne, à Salon-la-Tour en Corrèze, à Mauzens-et-Miremont en Dordogne, à Saint-Pierre-de Frugie, à Église-Neuve-d’lssac en Dordogne etc. Nous sommes capables d’accompagner et de déployer une école ,, Nous proposons désormais un programme spécialement conçu pour accélérer la création d’écoles rurales, à la demande des maires. , , pour moins de 30000 euros d’investissement initial, une école qui atteigne son point d’équilibre financier dès la 3e année. L’innovation technologique et sociétale (mobilisation de séniors bénévoles, ESS) contribue à rendre viable le modèle économique de ces écoles d’un nouveau type.

Nous proposons désormais un programme spécialement conçu pour accélérer la création d’écoles rurales, à la demande des maires.

JDC : Quels sont vos projets et vos ambitions pour la France rurale?

AF : Notre projet est d’accompagner la création d’écoles rurales pour ramener la vie dans les villages ruraux, avec une croissance de 10 % par an. Nous visons aussi à obtenir un changement législatif qui permette aux communes de mettre à disposition gratuitement des locaux ERP, par exemple ceux d’écoles ou de services publics désaffectés. Ces écoles rendent un service public. Ce serait une subvention indirecte légitime et utile, quand il n’y a plus d’école publique viable.

JDC : Si un maire ou un président de communautés de commune veut ouvrir une école au service de son territoire, que doit-il faire?

AF : Nous invitons les maires, élus locaux et porteurs de projet d’école ou collège ruraux à contacter l’association Créer son école pour que nous les aidions à concevoir leur projet, à trouver leurs collaborateurs et à se former. Forte de 20 ans d’expérience, d’un réseau de plusieurs dizaines de maires ayant soutenu le lancement d’une école rurale, et d’un kit de lancement juridique et financier établi à partir de l’étude de business plans et de documents juridiques de centaine d’écoles comparables, Créer son école est idéalement placée pour transformer en succès le projet de ces acteurs de terrain en les soutenant sur le plan juridique et financier.

Pour en savoir plus : https://creer-son-ecole. com/nous-vous-aidons-a-ouvrir-votre-ecolerurale-et-rendre-vie-a-votre-village/ 

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