À Hantay, une commune de 1200 habitants située dans le département du Nord, les habitants se sont rassemblés pour apporter leur soutien à leur maire menacé de mort. Jacques Montois, maire d’Hantay, et l’une de ses adjointes, ont récemment été agressés par une dizaine de personnes dans le village. Les deux élus ont été pris à partie lors d’une visite effectuée en prévision de travaux à réaliser sur des arbres: « On va violer ta femme, on va tuer ton chien, on va te tuer, on va brûler ta maison… ». Ces menaces ont été proférées par des individus qui squattent un logement social dans la commune.
Propos recueillis par Yannick Urrien.
Journal des Communes: Votre village compte 1200 habitants: comment expliquez-vous cette montée de la violence en zone rurale ?
Jacques Montois : Aujourd’hui, l’individualisme a pris le dessus par rapport au collectif. Les gens ne pensent plus qu’à leurs problèmes, en oubliant que les élus sont là pour faire du collectif. Les gens ont peur de se mettre mal avec le voisinage. On est obligé de recevoir des personnes parce qu’il y a une branche qui dépasse sur leur terrain et on doit ensuite faire la démarche, parce que la personne ne veut pas parler à son voisin, par peur de communiquer. ll y a aussi une perte des repères vis-à-vis des pompiers, des instituteurs et de toutes les fonctions qui sont finalement la pour aider les gens. On n’est pas là pour porter atteinte aux libertés individuelles, mais on est la pour aider. Certaines personnes n‘ont pas compris cela. Après, il y a évidemment la question de l’éducation. J’ai plus de 50 ans et, à mon époque il y avait un certain respect pour le professeur. Il avait une légitimité.
JDC: N’y a-t-il pas aussi une responsabilité de la part de certains élus nationaux qui contribuent au discrédit de la classe politique?
JM: Nous avons tous une responsabilité. Les médias ont aussi un rôle, car les politiques sont considérés comme des arrivistes, des gens qui ne pensent qu’à eux et qui ne pensent qu’à truander. Tout cela est mis en avant et l’image des élus s’est dégradée. Il y a certes des affaires, mais cela ne représente absolument rien par rapport au nombre d’élus qui travaillent. Cette focalisation discrédite les élus dans leur ensemble, alors que nous n’y sommes pour rien.
JDC: Cela fait plusieurs années que les maires se plaignent de la montée de la violence. Tout le monde s’émeut, puis cela s’oublie…
JM: C’est pour cette raison que nous en avons ras-le-bol. Entant qu’élu de proximité, je n’ai pas les mêmes moyens financiers et administratifs que les élus des grandes villes. Il y a beaucoup d’élus qui ne veulent plus se représenter dans les communes de moins de 2000 habitants, c’est-à-dire des villes où il n’y a pas de police municipale. Le contact direct, cela fait la richesse de la fonction, mais on prend tout en direct, sans intermédiaires. La fonction de maire est pratiquement devenue un métier. Il faut savoir tout faire. C’est devenu quelque chose de très compliqué, avec de plus en plus de responsabilités, sans avoir les moyens de travailler correctement. Je travaille énormément pour ma mairie, mais je suis obligé d’avoir un métier à côté. Donc, je fais le double en travaillant au moins 70 heures par semaine. L’indemnité de maire est de 1200 € dans ma commune, c’est une indemnisation, et ce n’est pas suffisant pour vivre. Donc, tout ce temps doit se passer en complément de mon vrai métier. Alors, sien plus on doit subir l’agressivité des gens, c’est vraiment compliqué. Et c’est ce qui explique cette situation de ras-le-bol.
JDC: La bonne nouvelle, c’est le soutien très majoritaire de la population…
JM: Oui, c’est une très bonne chose. Les habitants sont venus manifester pour me soutenir et j’ai reçu des messages de nombreux élus, mais aussi de ministres. Donc, c’est un vrai soutien. Maintenant, il faut avancer sur les lois. Les sanctions vont être plus importantes, mais cela ne va pas corriger le problème qui est en amont. ll faut que les gens se rendent compte que l’on est là pour eux et pour les aider. Il faut travailler sur l’éducation, aborder la question du rôle des parents vis-à-vis des enfants, se rappeler que l’école n’est pas là pour apprendre à éduquer les enfants, car c’est le rôle des parents. Cela passe aussi par la justice, car le temps judiciaire est long. Il faut parfois attendre pendant plusieurs mois et une certaine impunité se crée. Chez moi, il y a des gens qui squattaient un logement depuis juillet 2023. Le bailleur social a fait une action en justice en décembre 2023 et la justice a seulement commencé à regarder le dossier en septembre 2024… Donc, cela crée un sentiment d’impunité chez les squatters, qui se disent qu’ils vont être tranquilles pendant plusieurs mois et passer la trêve hivernale. Cela renforce leur sentiment de puissance et de légitimité.