Tout éait-t-il fin prêt pour le 4 septembre, jour de la rentrée scolaire ? “Cette rentrée est pour nous un moment charnière”, reconnassait-on alors pudiquement chez Régions de France. Depuis le 1er septembre, les lignes de transports scolaires précédemment gérées par les départements sont passées dans leur giron. C’est l’un des effets concrets de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr).
“Mécanique discrète”
Essentiel au bon déroulement de la vie scolaire, ce service possède la force tranquille des choses qui sont des évidences. Dans un département de moyenne densité et à la population jeune comme l’Eure, le ramassage scolaire mobilise chaque jour quelque 400 cars sur 750 circuits balisés et une trentaine de lignes régulières !
“Le transport scolaire, ce n’est pas de l’improvisation mais une mécanique discrète et bien huilée”, confirme Christophe Trébosc, le secrétaire général de l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public (Anateep).
Sécurité, proximité et transparence sont les mots d’ordre de ce secteur qui tournait bien quand les départements le géraient et exige à chaque instant une mobilisation de tous les partenaires (autorités organisatrices, transporteurs, communautés éducative et parentale). “C’est dire si les régions sont attendues au tournant. D’autant que ce transfert de compétence imposé par le haut est intervenu en plein renouvellement de leurs exécutifs, qu’il n’a pas été forcément bien vécu et a suscité son lot d’inquiétudes”, poursuit-il. Avec même, durant la campagne présidentielle, l’espoir nourri par certains édiles d’un retour en arrière et que tout soit annulé !
Un effort d’harmonisation
Début 2016 dominait encore le sentiment d’une réforme mal engagée. Son cheminement, sa mise en œuvre furent plus houleux en Occitanie que dans le Grand Est, qui a repris la responsabilité sans sourciller. La Normandie également, mais après deux mois d’efforts pour trouver un accord avec ses cinq départements, non sans l’appui de sa chambre régionale des comptes. Point qui leur est à toutes commun : ce constat que la régionalisation est un plat qui se digère lentement.
Prenez le Centre-Val de Loire, une région qui, comme d’autres, a opté pour une convergence des échéances et repris en même temps, au 1er septembre, la compétence transport scolaire et celle des transports interurbains. Le transfert y a nécessité 18 mois d’intense préparation. Un travail d’harmonisation rythmé par plusieurs phases, retrace la collectivité : “Il a d’abord fallu évaluer dans les six départements les ressources jusque-là mobilisées, arbitrer de nouveaux montants, construire un budget pour en discuter avec les transporteurs, identifier les circuits, puis créer un site dédié et communiquer au plus près du terrain auprès des familles afin qu’aucun élève ne se retrouve en difficulté à la rentrée.” Le dialogue à nouer avec les 300 organisateurs de transport (syndicats intercommunaux, communautés de communes) qui opèrent sur ce territoire fut, en outre, chronophage mais indispensable et bénéfique.
Garantir la continuité de service
Sur le terrain, c’est comme prévu à ces autorités organisatrices de proximité (communes, EPCI, syndicats mixtes, associations), dites de second rang (AO2), que revient la gestion de ces transports. “Pour reprendre la compétence sans tout chambouler et risquer de rompre la continuité de service, les régions n’ont eu d’autre choix que de s’appuyer sur l’existant en calquant la nouvelle organisation sur l’ancienne et en l’harmonisant au passage”, résume Christophe Trébosc.
Certaines n’ont quasi rien touché, par exemple le Grand Est qui, “dans un souci de continuité du service rendu aux usagers”, assure dans un premier temps “reconduire strictement l’ensemble des dispositifs tels qu’ils sont mis en œuvre par les départements”. Pour Philippe Fournié, vice-président délégué aux transports et à l’intermodalité de la région Centre-Val de Loire, il s’agit bien d’un nouveau service mais dans la continuité du précédent, avec 12.000 arrêts qui existaient déjà et un millier d’autocars déployés par une vingtaine de transporteurs locaux. Il en ressort dans cette région un service revalorisé par une identité nouvelle : désormais gratuit, il porte un nom unique (Rémi) sur l’ensemble du territoire et des actions sont prévues pour informer les familles de la centaine de milliers de scolaires concernés.
Quant à l’avenir des régies départementales, qui un temps inquiétait, il semble stabilisé. En Haute-Vienne, la régie des transports forte de 200 conducteurs est devenue fin août une régie régionale. De même dans l’Aisne et le Pas-de-Calais (Hauts-de-France), plus tôt dans l’année.
Dix exceptions départementales
Face au changement, le président des Régions de France, Philippe Richert, se veut rassurant et pointait deux cas de figure lors de sa conférence de presse de rentrée (voir notre article dans l’édition du 30 août 2017). Soit les régions ont directement repris en main ces services de transports scolaires “en s’appuyant sur des AO2 ou des antennes régionales territorialisées”. Soit les exécutifs régionaux ont délégué la nouvelle compétence aux départements : c’est le cas de tous ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi de l’Orne, en Normandie, et de la Haute-Garonne, où le conseil départemental, qui se retrouve donc délégataire de la région Occitanie, a également opté pour le maintien de la gratuité des transports scolaires.
“Face à la contrainte de ne plus pouvoir subdéléguer à leur tour à des AO2, des départements volontaires comme la Savoie et la Haute-Savoie ont jeté l’éponge. Accepter aurait été risqué alors même que le tissu des AO2 savoyardes est historiquement très actif et réputé pour son efficacité”, glisse-t-on à l’Anateep.
Pour assouplir cette règle et réparer ce “bug” de la loi Notr, le sénateur LR de la Haute-Marne Bruno Sido a fait une proposition de loi . Mais une fois adoptée par le Sénat, elle n’a pu se frayer un chemin à l’Assemblée nationale, où elle vient juste d’atterrir cet été…
Autre bémol, la refonte des ramassages scolaires à l’aune du retour à la semaine de quatre jours s’est opérée dans la précipitation – “en quinze jours dans ma région Grand Est !”, illustre Philippe Richert. Ailleurs, un autre souci : les transferts financiers vers les organisateurs de transports scolaires ne se font pas sans complications.
“Des chantiers restent encore devant nous comme l’harmonisation tarifaire et le transfert définitif des services ou parties de service qui participent à l’exercice de la compétence transférée. Ces agents des départements ont un savoir-faire technique à pérenniser. Nous veillons au grain pour que leur transfert se déroule dans de bonnes conditions et que soit évitée une fuite des cerveaux”, ajoute Christophe Trébosc. Passée l’épreuve test de cette rentrée scolaire s’amorcera ainsi une réflexion sur les points de blocage et les voies de progrès, en vue d’éventuels ajustements et de nouvelles évolutions concrètes lors de la rentrée 2018.
out sera-t-il fin prêt pour le 4 septembre, jour de la rentrée scolaire ? “Cette rentrée est pour nous un moment charnière”, reconnaît-on pudiquement chez Régions de France. Depuis le 1er septembre, les lignes de transports scolaires précédemment gérées par les départements sont passées dans leur giron. C’est l’un des effets concrets de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr).
“Mécanique discrète”
Essentiel au bon déroulement de la vie scolaire, ce service a la force tranquille des choses qui sont des évidences. Dans un département à densité moyenne et population jeune comme l’Eure, le ramassage scolaire mobilise chaque jour pas moins de 400 cars sur 750 circuits balisés et une trentaine de lignes régulières ! “Le transport scolaire, ce n’est pas de l’improvisation mais une mécanique discrète et bien huilée”, confirme Christophe Trébosc, le secrétaire général de l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public (Anateep).
Sécurité, proximité et transparence sont les mots d’ordre de ce secteur qui tournait bien quand les départements le géraient et exige à chaque instant une mobilisation de tous les partenaires (autorités organisatrices, transporteurs, communautés éducative et parentale). “C’est dire si les régions sont attendues au tournant. D’autant que ce transfert de compétence imposé par le haut est intervenu en plein renouvellement de leurs exécutifs, qu’il n’a pas été forcément bien vécu et a suscité son lot d’inquiétudes”, poursuit-il. Avec même, durant la campagne présidentielle, l’espoir nourri par certains édiles d’un retour en arrière et que tout soit annulé !
Un effort d’harmonisation
Début 2016 dominait encore le sentiment d’une réforme mal engagée (voir notre article dans l’édition du 26 janvier 2016). Son cheminement, sa mise en œuvre furent plus houleux en Occitanie que dans le Grand Est, qui a repris la responsabilité sans sourciller. La Normandie également, mais après deux mois d’efforts pour trouver un accord avec ses cinq départements, non sans l’appui de sa chambre régionale des comptes. Point qui leur est à toutes commun : ce constat que la régionalisation est un plat qui se digère lentement.
Prenez le Centre-Val de Loire, une région qui, comme d’autres, a opté pour une convergence des échéances et repris en même temps, au 1er septembre, la compétence transport scolaire et celle des transports interurbains. Le transfert y a nécessité 18 mois d’intense préparation. Un travail d’harmonisation rythmé par plusieurs phases, retrace la collectivité : “Il a d’abord fallu évaluer dans les six départements les ressources jusque-là mobilisées, arbitrer de nouveaux montants, construire un budget pour en discuter avec les transporteurs, identifier les circuits, puis créer un site dédié et communiquer au plus près du terrain auprès des familles afin qu’aucun élève ne se retrouve en difficulté à la rentrée.” Le dialogue à nouer avec les 300 organisateurs de transport (syndicats intercommunaux, communautés de communes) qui opèrent sur ce territoire fut, en outre, chronophage mais indispensable et bénéfique.
Garantir la continuité de service
Sur le terrain, c’est comme prévu à ces autorités organisatrices de proximité (communes, EPCI, syndicats mixtes, associations), dites de second rang (AO2), que revient la gestion de ces transports. “Pour reprendre la compétence sans tout chambouler et risquer de rompre la continuité de service, les régions n’ont eu d’autre choix que de s’appuyer sur l’existant en calquant la nouvelle organisation sur l’ancienne et en l’harmonisant au passage”, résume Christophe Trébosc.
Certaines n’ont quasi rien touché, par exemple le Grand Est qui, “dans un souci de continuité du service rendu aux usagers”, assure dans un premier temps “reconduire strictement l’ensemble des dispositifs tels qu’ils sont mis en œuvre par les départements”. Pour Philippe Fournié, vice-président délégué aux transports et à l’intermodalité de la région Centre-Val de Loire, il s’agit bien d’un nouveau service mais dans la continuité du précédent, avec 12.000 arrêts qui existaient déjà et un millier d’autocars déployés par une vingtaine de transporteurs locaux. Il en ressort dans cette région un service revalorisé par une identité nouvelle : désormais gratuit, il porte un nom unique (Rémi) sur l’ensemble du territoire et des actions sont prévues pour informer les familles de la centaine de milliers de scolaires concernés.
Quant à l’avenir des régies départementales, qui un temps inquiétait, il semble stabilisé. En Haute-Vienne, la régie des transports forte de 200 conducteurs est devenue fin août une régie régionale. De même dans l’Aisne et le Pas-de-Calais (Hauts-de-France), plus tôt dans l’année.
Dix exceptions départementales
Face au changement, le président des Régions de France, Philippe Richert, se veut rassurant et pointait deux cas de figure lors de sa conférence de presse de rentrée (voir notre article dans l’édition du 30 août 2017). Soit les régions ont directement repris en main ces services de transports scolaires “en s’appuyant sur des AO2 ou des antennes régionales territorialisées”. Soit les exécutifs régionaux ont délégué la nouvelle compétence aux départements : c’est le cas de tous ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi de l’Orne, en Normandie, et de la Haute-Garonne, où le conseil départemental, qui se retrouve donc délégataire de la région Occitanie, a également opté pour le maintien de la gratuité des transports scolaires.
“Face à la contrainte de ne plus pouvoir subdéléguer à leur tour à des AO2, des départements volontaires comme la Savoie et la Haute-Savoie ont jeté l’éponge. Accepter aurait été risqué alors même que le tissu des AO2 savoyardes est historiquement très actif et réputé pour son efficacité”, glisse-t-on à l’Anateep.
Pour assouplir cette règle et réparer ce “bug” de la loi Notr, le sénateur LR de la Haute-Marne Bruno Sido a fait une proposition de loi (voir nos articles dans les éditions du 5 et du 7 décembre 2016). Mais une fois adoptée par le Sénat, elle n’a pu se frayer un chemin à l’Assemblée nationale, où elle vient juste d’atterrir cet été…
Autre bémol, la refonte des ramassages scolaires à l’aune du retour à la semaine de quatre jours s’est opérée dans la précipitation – “en quinze jours dans ma région Grand Est !”, illustre Philippe Richert. Ailleurs, un autre souci : les transferts financiers vers les organisateurs de transports scolaires ne se font pas sans complications.
“Des chantiers restent encore devant nous comme l’harmonisation tarifaire et le transfert définitif des services ou parties de service qui participent à l’exercice de la compétence transférée. Ces agents des départements ont un savoir-faire technique à pérenniser. Nous veillons au grain pour que leur transfert se déroule dans de bonnes conditions et que soit évitée une fuite des cerveaux”, ajoute Christophe Trébosc. Passée l’épreuve test de cette rentrée scolaire s’amorcera ainsi une réflexion sur les points de blocage et les voies de progrès, en vue d’éventuels ajustements et de nouvelles évolutions concrètes lors de la rentrée 2018.