La loi sur la transition énergétique dicte un retrait progressif des bus diesel dans les flottes des collectivités. Ce fut tout l’objet du décret dit “Bus propres”, publié en début d’année après avoir fait l’objet d’un long bras de fer entre Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, et les autorités organisatrices de la mobilité (voir notre article dans l’édition du 13 janvier 2017). “Durant sa phase d’élaboration, les associations d’élus ont été associées et ont pesé de tout leur poids sur la concertation”, rappelle-t-on à l’Association des maires de France (AMF), qui a co-organisé à la mi-mai une journée d’information sur le sujet avec le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et Agir, qui réunit les réseaux indépendants.
Le décret donne le “la”
Suite à cette rencontre, un décryptage du décret est accessible en ligne. Il pointe la part de “souplesse” laissée dans l’application des règles. Si le décret donne le rythme, ce n’est pas dès maintenant mais lorsqu’elles renouvellent leur flotte que les collectivités doivent intégrer ces nouvelles exigences. En 2020 à hauteur de la moitié des commandes passées. Puis en totalité à partir de 2025. Pour la RATP, le quota de 50% s’applique l’an prochain ! Dans huit ans donc, les grandes agglos n’achèteront plus de bus diesel. Mais des dérogations pourront être autorisées “pour tenir compte des caractéristiques du territoire, du climat ou du réseau routier”. Et les arrêtés préfectoraux à prendre le seront “après avis des autorités organisatrices en fonction des niveaux d’exposition à la pollution”, mais aussi en fonction “des enjeux de financement des transports publics”.
Un tournant majeur
Sortir du diesel prendra donc un peu de temps. Il vaut mieux car c’est un tournant majeur vu la situation du parc actuel. Sur les 100.000 bus et autocars immatriculés en France, 95% roulent au gazole, 2% au gaz naturel et le reste avec d’autres énergies. En ville, c’est à peine mieux : selon une récente enquête du syndicat professionnel (voir notre article dans l’édition du 19 décembre 2016), l’Union des transporteurs publics (UTP), sur un échantillon de 16.500 bus de ses adhérents, le gazole est utilisé dans deux tiers des cas. Suivi du GNV (12%). Quant aux bus hybrides, leur percée dépend des achats de la RATP. Timide (2,5%), elle le demeurera car cette technologie, considérée comme transitoire, marque le pas.
Accélérer le renouvellement
Bus électriques, au gaz, voire à hydrogène, désormais les transporteurs publics savent mieux à quel saint se vouer. Le but de la rencontre de mai fut d’ailleurs de proposer aux collectivités un état des lieux des technologies alternatives au diesel. La Centrale d’achat du transport public (CATP) tient à leur disposition une étude sur les performances et coûts des différentes motorisations de bus. Quant aux retours d’expérience de réseaux qui se sont convertis, ils commencent à affluer. Principal enseignement : il revient à la collectivité de déployer une stratégie d’investissement à court et à moyen termes. Pour convertir sa flotte au gaz ou à l’électrique, accélérer la politique de renouvellement reste un enjeu sensible, au vu des investissements que cela représente. Un bus électrique coûte au bas mot 500.000 euros. Et le prix d’achat d’un bus au GNV est plus élevé de 40.000 euros qu’un diesel. Même si ces véhicules ne sont pas mis à la réforme à la légère, le faire présente deux intérêts : réduire les coûts de maintenance liés à un parc vieillissant et redonner un coup de jeune au réseau. Plus le parc est neuf et homogène, moins les besoins de maintenance sont pesants.
Le GNV, un mauvais souvenir
Un traumatisme reste à dépasser : la première génération de bus au gaz a laissé un très mauvais souvenir. Le Grand Dijon n’a pas hésité à en réformer une centaine d’un coup. D’autres ont pris leur mal en patience. C’est le cas du Grand Poitiers, pionnière sur le GNV. Moteurs fragiles, incidents à répétition, le diesel allait y reprendre l’avantage mais dernièrement, la technologie du gaz a fait un bond en avant et la collectivité en a à nouveau commandé. Sur ses 126 bus, la moitié roulent au GNV, l’autre au gazole. Comme toutes les agglos, avant de trancher, elle a balayé toutes les possibilités. La logique derrière ce choix, moins lourd à prendre que pour accueillir un tramway mais qui engage tout de même sur une dizaine d’années, se nourrit de retours d’expérience et tient compte des évolutions technologiques. Si le GNV offre une alternative éprouvée face au gazole, qui dit bus au gaz dit infrastructure d’avitaillement. Un enjeu sur lequel des villes comme Nantes ou Paris ont pris de l’avance et peuvent en conseiller d’autres. Un guide réalisé par l’Ademe et GRDF peut aussi les accompagner dans leurs projets de déploiement de bus au GNV et fourmille de conseils pour prévoir les bons aménagements, de la station d’avitaillement aux ateliers d’entretien et d’exploitation de la flotte.
Faire son choix
Dernier paramètre à ne pas négliger avant de trancher pour telle ou telle technologie : la topographie. En Savoie, des agglos comme celle du lac du Bourget ont retoqué l’électrique à cause du relief. Au département bus de la RATP, on reste confiant et invite à ce sujet à “raisonner en coût complet en intégrant l’exploitation et la maintenance”. La régie fait le pari que les appels d’offres qu’elle lancera fin 2017, visant des livraisons massives de bus électriques de 2019 à 2025, stimuleront les industriels, permettront des économies d’échelle et réduiront le surcoût à l’achat en alignant leur prix sur celui des hybrides.