Philippe Schreck est député RN de la 8e circonscription du Var depuis 2022. Il siège au sein de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Conseiller municipal de Draguignan depuis 2020, il a été bâtonnier de l’ordre des avocats de cette ville. Cet élu provençal est le référent de son parti politique sur les questions relatives à l’eau.
Propos recueillis par Jérôme Besnard
Article tiré du Journal des Communes numéro 2225 – Les collectivités et le traitement de l’eau
Journal des Communes : Vous avez été plusieurs fois orateur sur des textes en rapport avec l’eau, par exemple, sur les retenues de substitution (dites mégabassines) ou sur la gestion des compétences « eau » et « assainissement ». Quelle est votre position concernant le transfert obligatoire de ces compétences résultant de la loi NOTRe, alors que ce dernier texte devait revenir en urgence à l’Assemblée nationale avant le vote de la motion de censure ?
Philippe Schreck : L’eau est un élément central dans la vie de chacun d’entre nous. On en a besoin pour nos usages domestiques, pour produire notre nourriture, notre électricité et nombre de biens manufacturés… Historiquement dans le Var et toute la région, comme dans d’autres, nos communes ont su gérer cette ressource avec intelligence, en collaborant les unes avec les autres, et nos gouvernants savaient s’appuyer sur leur expérience et leur connaissance de leur territoire et des besoins de leur population. Nos ancêtres ont ainsi pu construire de grands ouvrages pour maîtriser l’eau, pour la canaliser, pour la mettre en réserve et ainsi pour pouvoir la distribuer et l’utiliser quand et là où on en avait besoin. Nous avons malheureusement perdu cette intelligence, sacrifiée sur l’autel d’un technocratisme dont les dégâts sont d’autant plus critiques que le changement climatique nous oblige à faire preuve d’inventivité, d’initiative, de souplesse… Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » en est l’exemple. Ce transfert automatique est conduit à marche forcée, sans concertation ou étude d’impacts préalable. Il en a résulté une forte incompréhension des maires, notamment des communes rurales attachées à la gestion de leur eau et disposant d’une maîtrise de la ressource.
JDC : Le Sénat a voté plusieurs propositions de loi pour réviser cette loi NOTRe, en particulier sur ces compétences « eau » et « assainissement », mais il y a toujours eu un blocage à l’Assemblée et le temps presse avant la date butoir du 1er janvier 2026…
PS : En commission, lors des travaux préparatoires de la niche LIOT de juin 2023, la majorité relative de Monsieur Macron avait totalement dénaturé le texte approuvé par le Sénat afin de s’opposer à toute restitution des compétences « eau » et « assainissement » aux communes. En séance, j’avais déposé pour le groupe parlementaire Rassemblement National, un seul et unique amendement visant à restaurer le texte tel qu’adopté au Sénat afin qu’il soit adopté à l’identique en première lecture. Même si j’ai été suivi par d’autres groupes, le texte n’a pu être voté dans le temps imparti de cette niche. Ce texte devait être réinscrit peu avant la dissolution de juin dernier… Je regrette que la proposition de loi adoptée dernièrement par le Sénat ne prévoie aucunement le retour à la situation d’avant la loi NOTRe, alors que de nombreuses communes le réclament. La motion de censure a reporté sine die l’étude de ce texte à l’Assemblée, mais nous militerons pour que ce texte y soit réinscrit en urgence et les amendements que je proposerai viseront à restaurer la libre administration des communes et leur libre choix d’association dans ce domaine.
JDC : Vous parliez de gouvernance et d’affaiblissement de l’axe communes-département- État, pourquoi et comment en est-on arrivé là ?
PS : La subsidiarité est un mot aujourd’hui galvaudé et a été détournée par ceux qui devaient en être les garants… Le principe de subsidiarité est un principe politique qui est censé protéger les compétences des entités dites subalternes. Il exige que la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revienne à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés. Ce principe de gouvernance est pourtant inscrit dans les textes européens (article 5 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) et dans notre Constitution (article 72), mais afin de favoriser une conception fédérale de la construction européenne, certains idéologues remettent systématiquement en question la capacité à agir de nos communes et de nos départements en arguant qu’ils font mal leur travail, qu’ils sont trop nombreux, coûtent trop cher… et qu’il vaut donc mieux confier leurs compétences aux intercommunalités et aux régions.
Le principe de subsidiarité est systématiquement remis en question pour les idéologues.
JDC : Lors de la sécheresse de 2022, à l’instar d’autres départements, le Var a subi de sévères restrictions d’eau et certains villages ont été affectés par des pénuries particulièrement graves, en delà des annonces gouvernementales qui ont été faites à la suite de cette sécheresse, quelles mesures pourriez-vous proposer à la lumière de votre expérience locale ?
PS : Dans le Var, nous avons effectivement eu des villages qui ont été ravitaillés par camion-citerne et ont dû distribuer des bouteilles d’eau pendant plusieurs longues semaines. Nous avons eu une baisse drastique du niveau du lac de Sainte-Croix et les gorges du Verdon ont été interdites d’accès, ce qui a fortement impacté l’activité touristique. J’ai d’ailleurs soutenu l’initiative de certains maires en déposant une proposition de loi visant à suspendre les obligations de construction de logements sociaux lorsqu’une commune n’est plus capable de garantir durablement l’accès à l’eau, car si ces communes ont gelé tous les permis de construire pour toutes les constructions, l’État persiste à leur appliquer des pénalités alors même que ces communes doivent investir lourdement dans les structures d’adduction. En réalité, ce ne sont pas les déclarations d’intention du « Plan eau » présenté par le Président de la République qui apporteront des solutions aux problèmes que nous rencontrons, que ce soient les pénuries d’eau comme les inondations. C’est pourquoi mon groupe politique m’a demandé de reconstituer le groupe de travail sur l’eau que j’avais créé lors de la précédente législature. Dans les prochains mois, nous proposerons plusieurs réformes de fond autour de la gestion de la ressource en eau, en nous appuyant sur toutes les bonnes volontés, particulièrement les maires, car l’eau n’est pas un sujet idéologique, mais une question éminemment politique