Avec la mise en place en 1992, de la première filière de responsabilité élargie du producteur (REP) sur les emballages ménagers, les collectivités locales ont vu apparaître une profonde modification dans la gestion de leurs déchets. Depuis, les filières de REP – actuellement au nombre de 19 – se sont développées de façon très disparate tant du point de vue du dispositif mis en place que du fonctionnement des éco-organismes, de leur statut juridique, ou encore du contrôle exercé par l’Etat. Pour tenter d’y voir plus clair, le Cercle national du recyclage (CNR) a décidé d’établir un bilan des filières sur les données 2012, fournissant au passage des perspectives d’amélioration des dispositifs existants. Y sont présentées uniquement les filières qui s’inscrivent dans le cadre du service public de gestion des déchets, celles qui ne concernent que les déchets ménagers regroupés, collectés et/ou traités par les collectivités territoriales et qui sont pilotées par des éco-organismes agréés ou non (emballages ménagers, papiers, textiles, équipements électriques et électroniques -DEEE -, pneus, piles et accumulateurs, médicaments). Les trois nouvelles filières relatives aux meubles, aux déchets diffus spécifiques (DDS) et aux déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRIPAT) seront quant à elles étudiées dans un prochain observatoire. Le but n’est pas de comparer les filières entre elles, souligne le CNR, mais seulement de les positionner les unes par rapport aux autres. La diversité des modalités de calcul, qu’elles concernent les quantités de déchets traités ou les éléments financiers, rend en effet cet exercice difficile.
Vers une gouvernance partenariale
Société anonyme, société par actions simplifiées, association, groupement d’intérêt économique, le CNR s’interroge sur la pertinence des statuts des éco-organismes, en particulier pour les sociétés commerciales. Ce faisant, il propose un nouveau statut juridique et fiscal propre aux éco-organismes, caractérisé notamment par la constitution d’un conseil d’administration “partenarial équitable” représentant toutes les parties prenantes dont les collectivités locales – quand les éco-organismes actuels n’admettent pas d’autres collèges que ceux des producteurs – “afin d’équilibrer les prises de décisions” et de légitimer leur mission d’intérêt général. Parallèlement, dans le cadre de la refonte de la gouvernance des filières REP – en cours au ministère de l’Ecologie – le CNR (qui pour rappel rassemble 70 collectivités locales) préconise la mise en place “dans les plus brefs délais” d’une commission transversale et de commissions des filières, dans lesquelles l’association aurait sa place, “afin d’encadrer au mieux l’ensemble des filières de recyclage”.
Optimiser le fonctionnement des filières
Plusieurs filières gagneraient selon le CNR à élargir leur périmètre de contribution. C’est le cas pour la filière “Papiers”, s’agissant des publications de presse et magazines payants, “car ils représentent une part importante des papiers collectés et recyclés par les collectivités locales et leurs opérateurs, sans qu’elles ne bénéficient de soutien pour la prise en charge de ces déchets”. L’extension des consignes de tri à tous les déchets d’emballages plastiques devrait également permettre de parvenir à une augmentation de la part des emballages triés et recyclés. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour les filières “Textiles” (26%), “Piles” (35%) et “D3E” (33%) dont les taux de collecte restent faibles. Le CNR réclame la prise en charge des “textiles” non collectés sélectivement, dont l’élimination à un coût, aujourd’hui entièrement supporté par les collectivités. Pour les filières “Piles, “Médicaments” (49% de taux de collecte) et “Textiles”, le CNR relève la faiblesse des dépenses destinées à la communication (entre 0,01 et 0,07 euro/hab), ce alors que les quantités collectées ne correspondent pas à celles escomptées. Par ailleurs, pour les “D3E” et les “Pneus”, quelques collectivités locales font remonter des problèmes liés aux délais d’enlèvement. Enfin, les filières “Emballages”, “D3E” et “Piles” mériteraient pour le CNR d’être regroupées, permettant “des économies d’échelle concernant les coûts de fonctionnement et les moyens de communication”.
Accroître les soutiens reversés aux collectivités
Le CNR voit dans la hausse du montant alloué à la gestion des déchets (94% du montant des contributions perçues sur les produits soumis à la REP) le témoignage du déploiement et de l’amélioration des filières. Malgré leur rôle moteur dans le bon fonctionnement des filières, les collectivités locales ne perçoivent toutefois qu’une partie seulement du reversement des contributions. En 2012, les 600,4 millions d’euros alloués aux collectivités locales (dont 5% pour la communication locale), représentant 62% des 968,4 millions d’euros de contributions perçus par les éco-organismes, restent très inférieurs aux coûts globaux supportés par celles-ci. C’est le cas pour la filière “Emballages”, pour laquelle le CNR préconise d’intégrer la TVA (les collectivités locales s’en acquittant), une différenciation des coûts entre déchets d’emballages et papiers graphiques, et les souillures. Le barème de soutien aux collectivités discuté lors du ré-agrément d’Ecofolio reste également très inférieur à celui escompté. Or, pour les collectivités, les filières “Emballages” (87%) et “Papiers” (9%) sont les plus importantes au vu des soutiens qu’elles leur versent (contre 3% pour les “D3E” et 1% pour les “Textiles”). Pour le CNR, toutes les filières confondues doivent continuer à soutenir les collectivités, “et même aller au-delà pour les éco-organismes financiers en prenant en charge la totalité des charges qu’elles supportent”. A cet égard, la hausse des soutiens destinés aux collectivités réalisée entre 2010 et 2011 a été notable puisqu’elle est de 27%. Pour le CNR, il s’agit d’aboutir à une REP intégrale, c’est-à-dire une REP avec une responsabilité financière totale des producteurs.
Un contrôle à renforcer
Suite à la découverte des placements financiers hasardeux d’Eco-Emballages, le contrôle des éco-organismes s’est accentué avec la présence du censeur d’Etat. Cependant, “ses capacités d’intervention restent limitées”, relève le CNR, et l’amende encourue en cas de manquement du cahier des charges (au maximum égale à 30.000 euros, soit moins de 0,01% du montant total des contributions perçues par chaque éco-organisme) peu dissuasive. En outre, aucun contrôle spécifique n’existe pour les organismes non agréés (exemple de France Recyclage Pneumatiques). Le contrôle des quantités déclarées est lui aussi défaillant. Aucune disposition ne permet en particulier de certifier que tous les producteurs contribuent de manière réelle par rapport à leur mise sur le marché. Enfin, certains producteurs (selon les filières, entre 2 et 10% des tonnages soumis à la REP) ne respectent pas leurs obligations réglementaires, en n’adhérant pas à un éco-organisme ou en ne mettant pas en place un système individuel. Pour toutes ces raisons, le CNR réclame “un dispositif de contrôle et de suivi plus conséquent et élargi”, reposant sur un organisme indépendant de contrôle et de régulation de l’ensemble des filières. Pour tous les éco-organismes qui n’atteignent pas leurs objectifs, qu’ils concernent la prise en charge des coûts, la collecte ou le traitement, le CNR demande également la mise en place systématique de sanctions “au minimum” proportionnelles au financement qui aurait été nécessaire pour atteindre cet objectif. La sanction financière appliquée doit également être “adaptée aux montants des provisions pour charges cumulées afin d’avoir un réel impact dissuasif vis-à-vis des éco-organismes”.