En 2013, l’État s’est engagé à couvrir en dix ans l’ensemble du territoire dans le cadre du “Plan France très haut débit” pour atteindre en 2022 100% des 35 millions de logements et locaux à usage professionnel, dont 80% en fibre optique jusqu’à l’abonné. Un Plan qui, rappelons-le, repose à la fois sur des opérateurs privés et sur l’initiative et le financement des collectivités territoriales.
Construire un “mix technologique”
Pour réaliser cette étude et dresser un premier bilan du Plan THD qui est l’objet de ce rapport, la Cour et les chambres régionales des comptes ont examiné 47 projets territoriaux couvrant la moitié de la population et le tiers du territoire.
Les juridictions financières évaluent à 34,9 Md€ le coût total du Plan, estimé initialement à 20 Md€. Par ailleurs, si l’objectif de couverture intermédiaire (50% en 2017) sera bien atteint, l’insuffisance du co-investissement privé compromet l’atteinte de l’objectif de 100% en 2022. Les juridictions financières appellent donc à actualiser les objectifs, à mieux prendre en compte les technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné, afin de construire un “mix technologique” moins coûteux, et à intégrer un objectif de haut débit minimal pour tous. “De manière générale, le Plan s’est focalisé sur la construction d’infrastructures fixes communes à tous les publics, sans réflexion sur les usages, alors que celles-ci ne constituent qu’une des facettes de la transformation numérique”, explique la Cour des comptes.
Le 100% compromis…
La France accuse un retard important dans le déploiement du très haut débit en raison de ses caractéristiques géographiques et d’une moindre réutilisation des infrastructures existantes.
En juin 2015, seuls 45% des foyers étaient couverts en très haut débit fixe, contre une moyenne européenne à 7%, plaçant la France au 26e rang sur 28.
L’objectif intermédiaire de couverture de 50% du territoire en très haut débit dès 2017 sera atteint. En revanche, l’atteinte de l’objectif de couverture à 100% des logements en très haut débit fixe à horizon 2022 et à 80% en fibre optique paraît compromise.
En outre, les 20 Md€ d’investissements publics et privés annoncés seront de facto largement dépassés et le programme d’équipement se déroulera sur une période bien plus longue. L’absence de cofinancement privé pour la construction des réseaux d’initiative publique (seulement 1 Md€ des 12 Md€ d’investissements engagés, pour 3 Md€ attendus) nécessite un concours des collectivités territoriales d’environ 6,5 Md€ jusqu’en 2022, très supérieur aux prévisions. Une impasse de financement de 12 Md€ des réseaux d’initiative publique est à prévoir au-delà de cette échéance.
Les juridictions financières formulent 11 recommandations à destination de l’État, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et des collectivités territoriales.
Elles appellent en particulier à compléter et à actualiser, au vu des résultats atteints, les objectifs du Plan France très haut débit en introduisant un seuil minimal de débit montant et descendant, en augmentant le recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné, en intégrant un objectif de pénétration du numérique dans les entreprises et en les alignant sur le terme des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (2030).
LES RECOMMANDATIONS
1. (État) : compléter et actualiser, au vu des résultats atteints, les objectifs du Plan France très haut débit en augmentant l’objectif de recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné, en intégrant un objectif de pénétration du numérique dans les entreprises et un objectif de haut débit minimal pour tous, et en les alignant sur le terme des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (2030).
2. (Arcep) : accroître la concurrence sur le marché à destination des entreprises en réexaminant l’obligation d’accès activés sur fibre optique dans le cadre des prochaines analyses de marchés.
3. (État, collectivités territoriales) : renforcer le suivi de la performance des réseaux d’initiative publique en calculant leur taux de retour sur investissement.
4. (État, collectivités territoriales) : renforcer le pilotage du programme en mettant en œuvre un parangonnage contractuel, juridique et financier.
5. (État, collectivités territoriales) : regrouper et mutualiser au niveau régional les fonctions à forte valeur ajoutée voire l’ensemble des fonctions des réseaux d’initiative publique.
6. (Arcep, État, collectivités territoriales) : traiter explicitement l’enjeu de sécurité et de résilience des réseaux.
7. (Arcep, État) : organiser la transparence des engagements des opérateurs en zone d’initiative privée et la sanction de leur non-respect .
8. (État) : prévoir une audition par les membres du “comité national de concertation France très haut débit” des opérateurs privés.
9. (Arcep, État) : rendre publique la liste des opérateurs pilotes du déploiement pour les 42 communes reclassées en zone moins dense, ainsi que pour les poches de basse densité.
10. (État) : mettre en place un suivi agrégé au niveau national des investissements des collectivités territoriales et de leurs groupements.
11. (État) : homogénéiser le traitement comptable des “droits irrévocables d’usage”, DIU, et, le cas échéant, définir les règles d’amortissement.