Comment accélérer la dynamique de renaturation des villes ? À cette question, un avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), adopté le 11 juillet et présenté par Annabelle Jaeger, ancienne conseillère régionale en Paca et vice-présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, livre des réponses en “identifiant les leviers les plus appropriés pour agir en ce sens”.
Les recommandations auxquelles aboutit cette assemblée consultative complètent les mesures du plan Biodiversité dévoilé il y a quelques jours par le gouvernement : “Certaines figurent dans notre plan. D’autres le complètent et l’enrichissent. C’est bien une boîte à outils supplémentaire”, a encensé le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.
Marge de progrès
Pour réconcilier nature et ville au profit de leurs habitants, cet avis conseille de prendre “à toutes les échelles de gouvernance des décisions politiques volontaristes”. L’exemplarité de certaines villes est mise en avant. Le ministre cite l’exemple de Rennes, “une ville qui a fait de la biodiversité un axe majeur de son développement : il n’y donc pas de raison que d’autres n’y parviennent pas”. Et pourtant : “D’autres villes restent majoritairement minérales, ne cessent de gagner sur leur périphérie, poursuivant ainsi ce processus d’érosion de la nature”, souligne le Cese.
L’avis du Cese préconise d’intégrer les objectifs de biodiversité et de nature en ville dans les documents d’urbanisme et la politique du logement. Fleurissent ainsi des propositions inattendues, par exemple pour conditionner les aides à la rénovation de l’Anah ou de l’Anru à la prise en compte de la nature dans les projets. Ou plus techniques : les programmes pluriannuels des établissements publics fonciers (EPF) devraient intégrer des objectifs de renaturation. Le Cese souhaite aussi voir intégrés des objectifs de réintroduction de la nature et des continuités écologiques dans les axes de travail du plan Action cœur de ville. Et plus de trames verte, bleue mais aussi nocturne dans les plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUi). Mais aussi dans les documents de planification comme les futurs Sraddet “dont la cohérence sur ce point devra être assurée en amont du porter à connaissance par les services déconcentrés de l’État qui pourront s’appuyer sur l’avis du Comité national de la biodiversité”.
30% d’espaces végétalisés
Le Cese propose de viser pour commencer dans les Scot et PLU une proportion de 30% d’espaces végétalisés en pleine terre. Et, dans les zones où cela ne peut être atteint, d’utiliser l’outil de densification raisonnée qu’est le coefficient de biotope par surface (CBS), souvent assorti d’obligations et qui varie en fonction de l’endroit considéré dans la ville. Autre outil cité, l’atlas de la biodiversité communale. Pour faire des continuités écologiques des éléments centraux de l’aménagement urbain, mieux vaut s’appuyer sur ces inventaires cartographiques des habitats, de la faune et de la flore. Du moins quand ils existent…
S’adapter aux changements climatiques
Plusieurs préconisations portent sur le développement des espaces verts et aquatiques. Le Cese suggère de prévoir des règles de remplacement des jardins qui sont supprimés lors d’aménagements urbains, d’élaborer un indicateur mesurant l’accessibilité des espaces verts ou encore de préserver par leur classement les bois communaux en milieu urbain et forêts publiques d’Île-de-France. Ses travaux font le lien entre les enjeux de nature en ville et d’adaptation aux changements climatiques. “Verdir la ville a de nombreux bienfaits, par exemple pour lutter contre les îlots de chaleur”, souligne le professeur d’écologie Luc Abbadie, auditionné dans le cadre de cet avis.
Désimperméabiliser les villes
Autre enjeu montant dont prennent peu à peu conscience les partenaires des collectivités, agences de l’eau et associations techniques expertes : la désimperméabilisation de l’espace urbain, rendue possible par une palette de solutions disponibles dans la vaste boîte à outils de la gestion intégrée. Gestionnaires de sites et élus connaissent par ailleurs l’exercice de labellisation de la gestion écologique des espaces verts : le label EcoJardin créé à l’initiative de neuf villes est ainsi cité dans cet avis. Pour stopper l’artificialisation des terres, le Cese recommande en outre de “réformer la fiscalité pour qu’elle pèse davantage sur les usages fortement consommateurs d’espaces et soit plus favorable aux espaces naturels”.
Au niveau national, il demande plus qu’une relance de la stratégie pour la biodiversité (SNB 2011-2020) mais bien une nouvelle SNB ambitieuse pour 2020-2030, “élaborée et portée dans un cadre interministériel, intégrant un plan nature en ville actualisé et doté de financements”. Enfin, les moyens nationaux dédiés à la biodiversité doivent être renforcés, notamment en augmentant le budget de l’Agence française pour la biodiversité (AFB).
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