Le Défenseur des droits a souhaité disposer de connaissances fiables sur l’accès aux droits dans les situations qui relèvent de ses compétences (discriminations, droits de l’enfant, déontologie des forces de sécurité, relations avec les services publics). Il a donc réalisé une grande enquête, dénommée “Accès aux droits” qui recense des informations précises sur le profil social et démographiques des personnes interrogées afin de mieux caractériser les groupes sociaux concernés par ces différentes situations.
En abordant les difficultés des usagers pour accomplir leurs démarches administratives, les problèmes rencontrés et leurs éventuelles issues, ce volet de l’enquête “Accès aux droits” permet de caractériser de façon large “les relations” qu’entretiennent les personnes avec les services publics ou les administrations. Elle rend compte de leur parcours dans leur démarche d’accès aux droits.
Un phénomène d’abandon
Les résultats de cette enquête mettent en évidence les difficultés qu’éprouvent les usagers à effectuer les démarches administratives, à résoudre un problème avec une administration ou un service public mais soulignent aussi le phénomène d’abandon qui y fait suite :
– Une personne sur cinq éprouve des difficultés à accomplir les démarches administratives ;
– 54% des personnes interrogées ont expérimenté au moins une fois dans les cinq dernières années des difficultés pour résoudre un problème avec une administration ou un service public ;
– Ainsi, suite aux expériences des difficultés, alors que 80% des personnes persistent dans leurs démarches et recontactent l’administration ou le service public concerné, 12% des individus vont abandonner leurs démarches.
La précarité accentue les difficultés
Les résultats de l’étude révèlent que les personnes en situation de précarité économique et/ou sociale rapportent plus de difficultés pour résoudre un problème avec une administration ou service public : 60% d’entre elles contre 50% des personnes non précaires.
Une personne précaire sur quatre est confrontée à des difficultés pour accomplir ses démarches administratives contre 17% des personnes ne déclarant pas de difficultés financières. Du fait de leur moins bonne connaissance du droit et des voies de recours existantes, les personnes en situation de précarité sont plus particulièrement susceptibles d’abandonner les démarches à la suite d’un problème avec un service public ou une administration, ce qui se traduit parfois par une situation de non-accès à leurs droits
La dématérialisation en question
Ce phénomène d’exclusion peut être renforcé par la dématérialisation des services publics. Plus la précarité des personnes est importante, plus celles-ci sont susceptibles d’être pénalisées par les démarches administratives à effectuer en ligne, car elles ne disposent pas toujours de l’équipement nécessaire pour le faire. En effet, environ 9% de la population en France interrogée dans cette enquête ne disposent pas d’un accès à Internet. L’administration qui préconise le tout numérique tend également à favoriser la marginalisation de personnes peu à l’aise avec l’écrit et/ou celles éloignées de l’outil Internet telles que les personnes précaires, les personnes âgées, certains jeunes en situation de vulnérabilité, les personnes en situation de handicap, les personnes étrangères. Cette dématérialisation tout en étant un facteur de progrès risque aussi de renforcer davantage des facteurs d’inégalité déjà existants si un accompagnement physique ou humain n’est pas mis en place au sein des services publics.
Les recommandations du Défenseur des Droits
Face aux situations que le Défenseur des droits observe dans les saisines qui lui sont adressées et grâce aux résultats de l’enquête, plusieurs recommandations peuvent être formulées :
– Permettre aux personnes qui le souhaitent de rencontrer les agents des administrations et services publics ;
– Développer le nombre des maisons de services publics (MSaP) qui articulent présence humaine et outils numériques pour faciliter l’accès aux droits des usagers ;
– Former les agents des services et administrations sur les difficultés particulières des publics en situation de précarité et d’éloignement vis-à-vis de l’usage d’internet, notamment en développant un accompagnement des usagers au numérique et un dispositif alternatif comme il l’avait soutenu dans ses deux avis (n°16-01 du 6 janvier 2016 et n°16-09 du 7 avril 2016).
“Afin de respecter le principe de service à la population et d’assurer un égal accès aux droits, les services publics et administrations doivent pouvoir assurer un véritable accompagnement des usagers“, explique Jacques Toubon, le Défenseur des droits qui rappelle en outre que “la mission première des services publics et des administrations, à savoir que “le service au public” doit aider et accompagner les usagers dans leurs démarches d’accès aux droits.“