Il n’y a pas que dans les rangs des cheminots que les conclusions du rapport Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire soulèvent des inquiétudes ! Chez les élus des villes moyennes dominent aussi une crainte et une incertitude dont ils ont fait part le 27 février à Elisabeth Borne, au cours d’une rencontre d’une heure au ministère des Transports. Si cette séance de travail les a quelque peu rassurés, l’idée est de rester “offensifs et vigilants” – le mot est de Frédéric Leturque, maire UDI d’Arras (Pas-de-Calais) et secrétaire de l’association Villes de France – afin que la priorité souvent donnée aux grandes métropoles ne le soit pas au détriment de la qualité de desserte ferroviaire des villes moyennes.
Soigner les fractures territoriales
Le rapport Spinetta consacre en effet “la métropolisation croissante des territoires” et suggère un redéploiement des sommes consacrées aux petites lignes “vers des infrastructures, des services plus utiles à la collectivité” et liés à ces “besoins croissants de mobilité autour des grandes métropoles”. “Or entre ces métropoles et le reste du pays, une fracture existe, qu’il faut veiller à ne pas aggraver”, prévient Caroline Cayeux, maire LR de Beauvais (Oise) et présidente de cette association pluraliste d’élus.
La réorganisation des dessertes ferroviaires que propose le rapport “en fonction des coûts de remise à niveau de l’infrastructure”, et ce après la réalisation d’un audit des petites lignes, revient aussi selon cette association à transférer aux régions “la responsabilité des fermetures de 9.000 kilomètres de tronçons les plus dégradés” – et ce “sans compensation”. “Nous étions déjà inquiets de la réduction des dessertes TGV dans nos villes. Derrière cette réforme et ce nouveau rapport, ce qui se joue, c’est une atteinte à l’aménagement équilibré du territoire”, estime Jean-François Debat, président délégué de Villes de France. Ce maire socialiste de Bourg-en-Bresse (Ain) vient de lancer une pétition pour sauver une ligne de train reliant Lyon à sa commune et qui, comme bien d’autres petites lignes, “irrigue des territoires situés à l’écart des métropoles”. Pierre Méhaignerie, ancien ministre, maire UDI de Vitré (Ille-et-Vilaine) et vice-président de Villes de France, appelle également à une vision plus cohérente de l’aménagement du territoire.
Lignes secondaires : un schéma national de service
“La ministre a entendu nos arguments et nous dit prendre ses distances avec certaines conclusions du rapport Spinetta. Nous prenons acte de sa volonté de dialogue, de sa vision d’un transport ferroviaire équilibré qui incite aux arrêts dans les villes moyennes”, confie pour sa part Frédéric Leturque. S’il est un domaine où il reste beaucoup à faire selon Villes de France, c’est bien l’articulation entre TGV et TER, la recherche d’optimisation des interconnexions entre la LGV et le réseau classique. Surtout, pour être cohérent avec d’autres actions du gouvernement, l’avenir du rail ne peut être interrogé de façon isolée. “Alors que les régions préparent leur Sraddet et qu’un plan du gouvernement cherche à revitaliser les centre-villes (programme Action Cœur de Villes, l’évolution des politiques de desserte ferroviaire ne peut se faire sans tenir compte des bassins de vie traversés, de leur enclavement et des co-financements locaux engagés”, poursuit l’élu par ailleurs conseiller régional des Hauts-de-France.
L’importance démographique et l’attractivité économique de ces bassins de vie sont aussi mises en avant : “Nos villes représentent quelque trente millions d’habitants. La vision de la mobilité ne peut se résumer exclusivement aux métropoles et au Transilien. Nous appelons de nos vœux l’adoption rapide d’un schéma de service de transport des voyageurs adapté à la réalité du réseau de lignes nationales secondaires”, conclut Frédéric Leturque.
Morgan Boëdec
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