La loi Grenelle 2 a profondément réformé le régime de l’affichage extérieur, s’inspirant de la réflexion menée par Ambroise Dupont, sénateur du Calvados, dans un rapport sur l’affichage publicitaire remis en juin 2009. Le décret d’application qui vient de paraître au Journal officiel du 31 janvier 2012 était donc très attendu. Soumis à consultation publique en février 2011, ce texte avait été l’objet de vives critiques de Paysages de France qui dénonçait “des mesures et des lacunes naturellement inacceptables”. Pour l’association spécialisée dans la lutte contre la pollution visuelle, la version définitive, loin de combattre la racine du mal, élargit “dans des proportions désormais exorbitantes les possibilités d’afficher en certains lieux” (lire notre encadré plus bas). L’entrée en vigueur du décret est prévue pour le 1er juillet prochain, à l’exception des dispositions relatives aux préenseignes dérogatoires (articles R.581-66 et 67), qui entreront en vigueur le 13 juillet 2015. “Les dispositifs non conformes disposent d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité”, précise la notice du décret. Les règlements locaux de publicité en vigueur doivent quant à eux être mis en conformité avant le 13 juillet 2020.
Recodification
Le chapitre “Publicité, enseignes et préenseignes” du titre VIII de la partie réglementaire du Code de l’environnement est entièrement recodifié. Les procédures de déclaration préalable et d’autorisation préalable sont désormais réunies en tête du chapitre (section 1). Quatre grands sujets sont traités successivement : les dispositifs publicitaires (non lumineux, lumineux, scellés au sol) et les dispositifs particuliers (mobilier urbain, véhicules terrestres, bâches, dispositifs de dimension exceptionnelle et micro-affichage) (section 2), les enseignes et préenseignes (section 3), la réglementation locale de publicité (section 4). Le décret simplifie et harmonise (avec celles du Code de l’urbanisme) la procédure d’autorisation préalable (art. R.581-9 à R.581-13). Il encadre par ailleurs les éléments spécifiques à certains dispositifs particuliers, tout comme les nouvelles possibilités d’affichage sur les emprises des gares et des aéroports ou à proximité des établissements de centres commerciaux hors agglomération. Les publicités lumineuses, en particulier numériques, sont elles aussi spécifiquement encadrées, concernant leur surface, leur luminance, leur consommation énergétique, leur dispositif anti-éblouissement. Le décret (art. R.581-35) institue également une obligation d’extinction des dispositifs lumineux (entre 1 heure et 6 heures du matin), sauf pour les aéroports et les unités urbaines de plus de 800.000 habitants, pour lesquelles les maires édicteront les règles applicables. Cette disposition, issue de la table ronde nationale sur l’efficacité énergétique, avait été annoncée le 16 décembre dernier par la ministre de l’Ecologie.
Prescriptions de densité
Une notion de densité maximale admise est introduite. Pour les dispositifs classiques scellés au sol et muraux le long des voies ouvertes à la circulation publique, le décret institue une limitation à un dispositif publicitaire par linéaire de 80 mètres sur le domaine privé et un autre sur le domaine public (art. R.581-25). Toutefois, par exception, il peut être installé des “dispositifs publicitaires scellés au sol sur les unités foncières dont le côté bordant la voie ouverte à la circulation publique est d’une longueur supérieure à 40 mètres linéaire”. Les bâches publicitaires doivent également respecter une règle de densité (fixée à 12 m2 dans la version de février 2011 et désormais à 50% de la surface de la bâche). De nouveaux seuils de population sont retenus pour déterminer la hauteur et la surface maximales admises des différents dispositifs publicitaires (plus ou moins de 10.000 habitants et appartenance ou non de la commune à une unité urbaine de plus de 100.000 habitants). La catégorie des agglomérations de moins de 2.000 habitants est supprimée. Le décret “réduit les formats des dispositifs publicitaires muraux, en fonction de la taille des agglomérations, jusqu’à quatre m2 dans les agglomérations de moins de 10.000 habitants”, précise la notice. Dans les agglomérations de moins de 10.000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants, les dispositifs scellés au sol sont interdits (art. R.581-31). De même, les publicités lumineuses y sont en principe interdites, à l’exception des dispositifs éclairés par projection ou transparence. Dans les autres catégories d’agglomérations, leur surface est limitée à 8 m2 et leur hauteur à 6 mètres (art. R.581-34). La limitation de la surface des enseignes murales (fixée à 20 m2 maximum dans la version de février) est portée à 15% de la surface de la façade, sans limite maximale (art. R.581-63). La limitation initialement prévue à 20 m2 de la surface des enseignes sur toiture est quant à elle portée à 60 m2. Un seul dispositif scellé au sol de plus de 1 m2 sera autorisé le long des voies bordant l’immeuble où est exercée l’activité. A compter de juillet 2015, certaines catégories de préenseignes dérogatoires jusqu’alors admises seront supprimées et remplacées par une signalisation routière normalisée. Pourront subsister celles signalant les monuments historiques ouverts au public et les activités de vente de produits du terroir (art. R.581-66). Par ailleurs, une nouvelle catégorie concernant la signalisation des activités culturelles sera admise dans la limite de deux préenseignes par activité.
Règlements locaux de publicité
Les règlements locaux de publicité (RLP), par principe plus restrictifs que la règle nationale, sont désormais élaborés ou modifiés conformément à la procédure applicable pour les plans locaux d’urbanisme (PLU, art. R.581-72). Elaborés à l’initiative du maire ou du président de l’EPCI compétent, ils sont annexés au PLU une fois approuvés. Le RLP, qui a vocation à préciser les règles en fonction du contexte urbain local et de la localisation des dispositifs publicitaires envisagés, prescrit notamment à l’intérieur de zones qu’il délimite des règles de densité et d’harmonisation pour les publicités. Un document graphique des zones ainsi instituées l’accompagne. Le RLP édicte également des règles concernant les nuisances lumineuses et la limitation des consommations d’énergie. Dès lors qu’un RLP a été élaboré, la police de l’affichage relève de la compétence du maire au nom de la commune. Si tel n’est pas le cas, ou en cas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs, le préfet sera l’autorité compétente en la matière (art. R.581-82).
Nombreux reculs
L’association Paysages de France souligne dans un communiqué du 12 janvier 2012 les “reculs les plus flagrants introduits dans cette version”, parmi lesquels les écrans numériques autorisés de grand format de 8 m², et même de 50 m², autour des aéroports (limités à 2,5 m² dans la version de février 2011). Les bâches sur échafaudages de chantier pourront supporter 50% de publicité (12 m² préalablement). Le décret rétablit également la dérogation autorisant l’installation de panneaux de grand format dans la traversée des agglomérations de moins de 10.000 habitants, lorsque la publicité est en bordure de routes classées à grande circulation. En revanche, l’encadrement de la dérogation permettant d’installer des panneaux de grand format dans des secteurs où normalement toute publicité est interdite, tels que les parcs naturels régionaux, a été abandonné. Autres points négatifs : la mesure de limitation de la densité des panneaux “est vidée de son contenu” et “le mobilier urbain n’est pas concerné par l’extinction pour les économies d’énergie et pourra supporter de la publicité numérique”. Pour l’association, “cette liste ne fait malheureusement que compléter les reculs faramineux déjà enregistrés lors des précédentes étapes”. La remontée des données issues des études menées sur le terrain, croisées avec les chiffres fournis par le ministère de l’Economie, “fait apparaître un taux très faible (de 5 à 15%) de dépose ou de mise en conformité du parc publicitaire existant du fait du (projet) de décret”. Ce taux est nul pour ce qui concerne le mobilier urbain qui n’est pas impacté par le décret. En revanche, “un développement important de secteurs comme ceux du micro-affichage, des bâches, des dispositifs innovants, des publicités sur aéroports ou gares est prévu (…)”.