L’Ademe a présenté le 14 septembre un benchmark international des politiques publiques de la qualité de l’air. Cette analyse comparative débute par un état de l’art des actions réglementaires et incitatives mises en place dans divers pays pour réduire l’exposition des habitants à cet enjeu de premier ordre, principalement saisi en France dans le cadre de l’application du Plan national santé environnement (PNSE2 2009-2013) et de la loi Grenelle 2 de 2010.
La place des collectivités
Souvent négligée ou mal appréhendée, la qualité de l’air intérieur (QAI) des bâtiments nécessite une communication maîtrisée. La France n’est pas à la traîne. Premier pays à mettre en place l’étiquetage des produits de construction et de décoration en fonction de leurs émissions en polluants volatils, elle impose progressivement depuis 2015, en commençant par les crèches et maternelles, la surveillance de la qualité de l’air dans les établissements recevant du public (ERP).
A l’école ou au bureau, les outils de sensibilisation restent néanmoins rares et la volonté ou le soutien des collectivités sont précieux. Côté collectivités, l’Ademe cite l’exemple de La Rochelle et son programme de recherche-action Impact’air, qui a donné lieu à des mesures dans une cinquantaine de crèches et écoles. Il aboutira prochainement à un guide de recommandations et un plan d’actions associant plusieurs services municipaux (éducation, aménagement, gestion technique du patrimoine bâti). Autre exemple, Strasbourg sensibilise les personnels scolaires et a diffusé avec l’inspection académique un protocole d’aération des locaux.
S’inspirer des mesures pertinentes
Mais là n’est pas le propos de cette étude commandée par l’Ademe au cabinet de conseil en développement durable Nomadéis et à l’université de la Rochelle. Ce benchmark recense et analyse 265 programmes et dispositifs portés par des pouvoirs publics en vue d’améliorer la qualité de l’air intérieur. Le but : en tirer des enseignements pour le prochain PNSE et les plans régionaux (PRSE) qui viendront le décliner localement. Et donc cerner dans cet échantillon élargi à une vingtaine de pays d’Europe, d’Amérique et d’Asie, des mesures pertinentes et celles éventuellement applicables à la France. “Ce ne sont pas à proprement parler des recommandations” prévient l’Ademe. Plutôt des pistes de réflexion car toute mesure n’est évidemment pas transférable ou facilement applicable ailleurs que sur son terrain d’origine.
Un premier ensemble de mesures concerne la construction, la rénovation et la gestion des bâtiments. Elles ciblent “des dispositions constructives ou architecturales” qui permettent de prévenir l’apparition de certains polluants, ainsi que les systèmes de ventilation (conception-entretien). Le contrôle régulier de ces systèmes apparaît comme contraignant réglementairement, notamment dans des bâtiments publics en Belgique, en Espagne et au Portugal, ainsi que dans les écoles aux Etats-Unis, où “la préoccupation est forte”. Des ressources y sont d’ailleurs mises à disposition des gestionnaires de bâtiments scolaires : elles font l’objet d’une analyse approfondie pour cerner “leur potentiel de transférabilité et d’adaptabilité au contexte français”.
Tout tourne autour de la ventilation
En France, les labels dans le bâtiment présentent surtout un intérêt énergétique ou environnemental. A l’étranger, certains intègrent l’évaluation de la qualité de l’air intérieur, notamment en Corée du Sud. “Par ses actions exemplaires, ce pays se distingue dans l’étude”, pointe Souad Bouallala, ingénieure référente qualité de l’air intérieure à l’Ademe. La péninsule asiatique aligne les bons points : système de certification dans ses ERP, obligation de réaliser des mesures à la livraison du bâtiment, contrôle de la ventilation à réception d’un bâtiment neuf, etc.
Notre réglementation ne pourrait-elle pas s’en inspirer ? Dans l’Hexagone, des campagnes de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (Oqai) et de contrôle d’application des règles de construction ont montré des résultats préoccupants… “La filière du bâtiment se mobilise. De nouveaux protocoles liés aux ventilations sont testés. Des actions se concentrent sur le problème d’apparition de moisissures. Mais nul doute qu’il faut composer avec une certaine inertie du secteur. Et agir dans la durée, sans trop brusquer ni sèchement imposer, cela ne ferait pas avancer les choses”, observe Gilles Aymoz, à la tête du service évaluation de la qualité de l’air de l’Ademe.
Pour corriger le tir, des formations sont menées à destination des artisans et professionnels du bâtiment, pour sensibiliser notamment aux conditions d’un stockage sain des matériaux de construction. Une méthode de management (Manag’r) pour intégrer la qualité de l’air intérieur tout au long de l’acte de construire est aussi expérimentée par l’Ademe dans cinq régions sur une quinzaine de bâtiments pilotes (écoles, stade, centre commercial). Et pour améliorer la fiabilité des protocoles d’évaluation des performances des systèmes de ventilation, un projet multi-partenarial (Promevent) financé par l’Ademe et coordonné par le Cerema a abouti fin 2016 à la publication d’un livrable.
Par ailleurs au-delà de la technique, les comportements des occupants, les usages qu’ils ont de leur habitat, jouent on le sait un rôle clé. L’Ademe approfondit justement le sujet et publiera l’an prochain une étude pour cerner le rôle de ces facteurs psycho-sociaux. Enfin, elle informe qu’un travail d’évaluation du dispositif des conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI), qui faute de financement ne sont pas assez nombreux sur le terrain, est en cours au ministère de la Transition écologique et solidaire.