Le Parlement a définitivement adopté, le 8 novembre, par un ultime vote de l’Assemblée, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit “Sapin 2“. Les débats ont été particulièrement nourris pour l’un des derniers grands rendez-vous de la législature. Des divergences majeures sont en effet apparues entre l’Assemblée et la droite sénatoriale sur des mesures emblématiques du projet de loi et de la proposition de loi organique permettant de confier la protection des lanceurs d’alerte au Défenseur des droits.
Ces désaccords persistants, relatifs notamment à la constitution d’un répertoire unique des représentants d’intérêts (lobbies) intervenant auprès des pouvoirs publics, à certains aspects du statut des lanceurs d’alerte ou encore à la réforme complète du droit des sociétés, n’ont pas permis à la commission mixte paritaire (CMP) d’aboutir. L’Assemblée, ayant le dernier mot, a finalement adopté ce texte en lecture définitive par 308 voix contre 171 et 39 abstentions.
Une République exemplaire
Rebaptisé “Sapin 2”, en référence au premier texte “anticorruption” présenté 23 ans plus tôt par Michel Sapin, ce texte “proclame l’exigence d’une République exemplaire” et “permettra à notre pays de se placer parmi les plus avancés en matière de lutte contre la corruption et de transparence publique”, s’est félicité le ministre des Finances. Les députés socialistes ainsi que les radicaux de gauche (RRDP) se sont prononcés pour le projet de loi, tandis que députés du Front de gauche et UDI se sont abstenus, critiquant un texte “fourre-tout” marqué, selon Charles de Courson, par “l’absence de vision politique et d’ambition”.
Sans surprise, le groupe LR a voté contre, en raison de “points de désaccord”, en particulier sur le fameux article 13 relatif au répertoire des représentants d’intérêt commun à l’exécutif et au législatif, ainsi qu’en matière de reporting public, déplorant également “le rendez-vous manqué avec le gouvernement, qui a refusé d’introduire systématiquement plus de transparence dans le pantouflage”.
Dernières retouches
L’agence française anticorruption, sous la double tutelle des ministères de la Justice et du Budget, disposera d’un pouvoir de sanction administrative et sera dotée, le ministre l’a confirmé, de soixante-dix agents. Le texte introduit également un dispositif transactionnel novateur, la convention judiciaire d’intérêt public, pour mieux sanctionner les entreprises mises en cause d’atteintes à la probité. Le projet de loi pose en outre les bases d’un statut protecteur des lanceurs d’alerte, couvrant les situations du type de celle d’Antoine Deltour à l’origine du scandale LuxLeaks. Sur ce point, les députés ont apporté une ultime retouche pour mettre en cohérence la procédure de transmission de l’alerte mise en place par le projet de loi avec l’article 226-10 du Code pénal sur la dénonciation calomnieuse (6 G).
L’Assemblée a par ailleurs défendu, de manière constante, la constitution d’un répertoire unique des représentants d’intérêts intervenant auprès des pouvoirs publics. Là encore, une dernière modification a été entérinée pour exclure totalement les associations d’élus “dans l’exercice des missions prévues dans leurs statuts” (art. 13). Ce volet fait écho à la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui se voit confier de nouveaux pouvoirs dont le contrôle de ce registre.
Parmi les autres mesures intéressant les collectivités, le texte ouvre enfin la voie à une modernisation du droit domanial et à la ratification de la partie législative du Code de la commande publique. L’adoption d’un dernier amendement permet de rétablir la rédaction de l’article 33 de l’ordonnance n°2015 899 du 23 juillet 2015 aux termes duquel les organismes de HLM peuvent, à titre dérogatoire, recourir à un marché global de conception-réalisation, sans passer par des lots (art. 16 bis).
Véritable ombre au tableau, le “sabotage” sur la protection des lanceurs d’alerte en matière sanitaire et environnementale – le Sénat ayant rejeté l’amendement de l’écologiste Marie-Christine Blandin – fera l’objet d’un rattrapage “dans un autre véhicule législatif”, a promis la socialiste Sandrine Mazetier.