Adopté par l’Assemblée à une large majorité le 10 octobre dernier, le projet de loi porté par Nicolas Hulot visant à cesser d’ici 2040 l’exploitation de gaz et de pétrole en France poursuit son chemin législatif. Il a ainsi été examiné ce mercredi 25 octobre en commission des affaires économiques – la commission du développement durable n’étant paradoxalement saisie que pour avis – et le sera en séance dès le 7 novembre prochain.
Or l’accueil réservé au texte est pour le moins glacial : la commission le jugeant “contre-productif”, elle marque son désaccord de fond sur la méthode employée par le gouvernement. “En interdisant une production nationale d’hydrocarbures qui couvre à peine 1% de nos besoins, le gouvernement a choisi le symbole au détriment de l’efficacité”, épingle-t-elle dans son communiqué. Tout en confirmant “l’urgence à agir pour le climat”, la commission est convaincue qu’une “autre voie était possible” consistant “à cibler, avant tout la consommation, par exemple en ‘musclant’ les dispositifs d’aide à la conversion des véhicules ou en relançant le transport ferroviaire, maritime et fluvial de marchandises”.
Mais surtout la commission des affaires économiques – saisie au fond rappelons-le – a souhaité remettre au premier plan la réalité économique, sociale, industrielle et environnementale, “celle des 1.500 emplois directs et 4.000 emplois indirects de l’exploration-production sur le territoire national que le texte va faire disparaître”. Dans cette optique, se gardant cependant de toute “opposition frontale”, selon les termes de la rapporteure Élisabeth Lamure, la commission a cherché à équilibrer le texte, “en préservant la recherche pour ne pas insulter l’avenir, en limitant l’atteinte aux droits acquis et en autorisant les usages vertueux (hydrocarbures connexes, permettant de valoriser, par exemple, une production locale de chaleur, ou hydrocarbures à finalité non énergétique, dont l’utilisation n’émet pas de gaz à effet de serre)”.
Usages vertueux
Le texte autorise ainsi la poursuite de l’exploitation des hydrocarbures au-delà de 2040 lorsqu’ils sont destinés à “des usages non énergétiques”, à l’exemple des bitumes ou d’autres matières premières entrant dans la fabrication de nombreux produits chimiques, textiles, cosmétiques, etc., dont l’utilisation finale ne provoque d’émissions de gaz à effet de serre. Une dérogation pérenne est également créée pour la recherche, réalisée “sous contrôle public” et sans droit de suite, “à seules fins de connaissance géologique du sous-sol, de surveillance ou de prévention des risques miniers” (art. 1er). La notion d’hydrocarbures connexes, pensée initialement uniquement pour le souffre du bassin de Lacq, est par ailleurs étendue aux hydrocarbures liquides connexes pour permettre d’autres valorisations locales des calories produites par le gisement.
Droit de suite
S’agissant des permis de recherche en cours d’instruction, au nombre de 42 selon Élisabeth Lamure, la commission propose “d’autoriser ces permis, toujours dans la limite de 2040” (art. 2). Pour trouver ce “point d’équilibre” entre la sécurité juridique et l’objectif poursuivi par le projet de loi, seules les demandes déposées au plus tard le 6 juillet 2017 (soit la date d’adoption par le gouvernement de son plan Climat) seraient concernées. En revanche, l’encadrement du droit de suite (rapatrié par la commission au sein de l’article 1er), en vertu duquel la durée d’une concession ne pourrait permettre de dépasser le 1er janvier 2040 sauf si la rentabilité de l’opération nécessite d’aller au-delà, serait applicable y compris aux demandes en cours d’instruction.
La commission est en outre revenue sur une modification apportée à l’Assemblée par deux sous-amendements à l’amendement du gouvernement qui ont remplacé la notion de “rentabilité normale” par celle d'” équilibre économique”. Or pour la rapporteure, cette dernière notion est “trop limitative” : “l’exploitant n’aurait en effet plus aucune espérance de profit et, partant, plus d’autre intérêt à l’obtention d’une concession que la seule couverture de ses coûts de recherche, déjà engagés, et de ses coûts d’exploitation, à venir. Il serait par ailleurs toujours en droit d’exiger une indemnisation pour la perte des profits auxquels il aurait pu prétendre sans la limitation prévue au présent article”.
Un article additionnel après l’article 2 bis clarifie également la situation des demandes de prolongation de permis de recherches en détresse depuis plusieurs années. Leur durée sera calculée à compter de l’entrée en vigueur de la décision de prolongation. Plusieurs amendements adoptés visent également à faciliter la reconversion des installations d’exploration et d’exploitation de substances de mines pour d’autres usages du sous-sol ou d’autres activités économiques (art. 2 ter).
Accompagnement des territoires
Auditionné la veille par la commission, Nicolas Hulot, a tenté de rassurer les élus sur les conséquences du texte sur les territoires, affirmant qu’il y aurait “plus de bénéficiaires que de perdants”, sans pour l’heure donner davantage de précision sur les fameux contrats de transition écologique qui seront expérimentés dès 2018. Au terme d’un amendement de la rapporteure, la commission s’est assurée que les collectivités seraient obligatoirement consultées sur le volet relatif à la reconversion des territoires du rapport gouvernemental prévu par l’article 3 bis.
Plutôt que d’habiliter le gouvernement à réformer par ordonnance le cadre de régulation du stockage souterrain de gaz naturel, un amendement de la rapporteure permet d’intégrer directement cette réforme dans la loi (art. 4). La commission du développement durable a pour sa part souhaité apporter des précisions au cadre de régulation du raccordement des énergies marines renouvelables (art. 5 bis).
Un article additionnel après l’article 5 bis permet également de mieux encadrer la notion de réseaux intérieurs en la circonscrivant aux immeubles de bureaux ainsi qu’aux bâtiments contigus ou parties de bâtiments contiguës d’un même bâtiment.
La commission des affaires économiques a par ailleurs adopté un amendement du sénateur de l’Eure (LR), Ladislas Poniatowski, fournissant la base légale nécessaire aux interventions des collectivités ou de certains de leurs groupements en matière d’installation “de stations d’avitaillement en gaz ou en biogaz naturel véhicule ou en hydrogène” (après l’art. 6 bis).
A l’article 7 bis A, le rapport du gouvernement concernant la réelle prise en compte des objectifs de développement durable est étendu à l’ensemble des marchés publics, et non seulement à ceux qui seraient passés dans une zone couverte par un plan de protection de l’atmosphère (PPA). Un autre amendement du rapporteur de la commission du développement durable, Jean-Marc Boyer, propose également une nouvelle rédaction de l’article 7 bis introduit à l’Assemblée en confiant au préfet dans le cadre d’un PPA dans le périmètre duquel les valeurs limites relatives aux particules fines sont dépassées, la faculté (et non plus l’obligation) d’établir un plan d’action pour favoriser le recours aux énergies et ” technologies” les moins émettrices de particules et faciliter le raccordement aux infrastructures gazières publiques ou aux réseaux de chaleur existants.
Enfin, un amendement porté par le groupe LR insère un article additionnel après l’article 7 bis octroyant la possibilité aux communautés de communes de moins de 20.000 habitants qui ont adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) sans y être obligées, ainsi qu’aux syndicats mentionnés à l’article L.2224-37-1 du code général des collectivités territoriales, de réaliser et accompagner des actions tendant à maîtriser la demande d’énergie sur leur territoire.