Le groupe de travail sur la “réparation du préjudice écologique” installé en avril dernier par la ministre de la Justice, sous la présidence du professeur Yves Jegouzo, a rendu, le 17 septembre, son rapport, qui formule dix propositions. Dans sa suite, un projet de loi visant à inscrire le préjudice environnemental dans le droit civil pourrait être déposé, d’ici la fin de l’année, a annoncé, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. Le cas échéant, ce nouveau texte viendrait se substituer à la proposition de loi, déposée au printemps 2012, par le sénateur de Vendée Bruno Retailleau.
Inscription dans le droit civil
La prise en considération de l’atteinte au “patrimoine naturel”, indépendamment des dommages matériels et moraux, a donné lieu, depuis plusieurs années, à des évolutions juridiques marquées notamment par l’adoption de la Charte de l’environnement en 2004 ou la création d’un régime de responsabilité environnementale par la loi du 1er aout 2008. Plus récemment, l’affaire du naufrage de l’Erika a mis cette question en exergue, notamment à travers l’arrêt rendu le 25 septembre 2012, par lequel la Cour de cassation a clairement reconnu “un préjudice écologique résultant d’une atteinte aux actifs environnementaux non marchands, réparables par équivalent monétaire”, justifiant une lourde condamnation de la société Total SA. Le groupe de travail s’est employé à consolider ces évolutions en présentant un projet complet “permettant d’inscrire les règles relatives à la réparation du préjudice écologique dans le droit civil français et au-delà, de construire un régime de réparation adapté aux exigences de sécurité juridique, réaliste et tenant compte des équilibres environnementaux et économiques”. Pour ce faire, le rapport propose d’introduire dans le Code civil un nouveau titre V ter débutant par la définition du préjudice écologique comme celui “résultant d’une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement”.
Ouverture de l’action
L’action en réparation serait largement ouverte à l’Etat, au ministère public, aux collectivités territoriales ainsi qu’à leurs groupements dont le territoire est concerné, aux établissements publics, fondations et associations ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement. Pour rappel, les collectivités locales peuvent se constituer partie civile dans les mêmes conditions que les associations, depuis la décision de première instance rendue dans le cadre de l’affaire Erika. L’action serait également ouverte à la Haute Autorité environnementale, dont le rapport encourage la création, sans toutefois préciser la composition et le statut de cette instance. Autre piste envisagée, la création d’un “fonds de réparation environnementale” chargé notamment de garantir l’affectation des crédits à la réparation de l’environnement.
Le groupe de travail préconise par ailleurs la réparation du préjudice écologique par priorité en nature. Il prévoit également des règles de prescription spécifiques : “dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage causé à l’environnement “. Le rapport propose un régime de prévention du préjudice écologique, prévoyant le versement de dommages-intérêts pour les dépenses y afférentes. Le groupe de travail propose enfin d’introduire un système d’amende civile “dissuadant les potentiels auteurs de dommages environnementaux et permettant, en partie, de financer les coûts de réparation”.