Préjudice écologique : le régime de responsabilité élargi en commission au Sénat

Réunie le 17 avril dernier, la commission des lois du Sénat a adopté la proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau (UMP -Vendée), visant à inscrire dans le Code civil des règles générales de réparation des dommages causés à l'environnement.

En décembre 1999, le naufrage de l’Erika, à l’origine d’une marée noire, provoquait un dommage environnemental considérable avec la pollution de 400 kilomètres de littoral français, du Finistère jusqu’à la Charente Maritime. Dans le cadre de cette affaire, la Cour de cassation a consacré, par une décision en date du 25 septembre 2012, la notion de “préjudice écologique” et la nécessité de réparer “l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement”, indépendamment de ses conséquences pour les personnes et les biens. Confirmant les décisions antérieures, la Haute juridiction a condamné Total à l’amende maximale, 375.000 euros, et à 200 millions d’euros de dommages et intérêts à payer à l’Etat, aux collectivités territoriales et à des associations agrées de protection de l’environnement.

L’arrêt “Erika” constitue toutefois “une reconnaissance incomplète dans ses effets du préjudice écologique”, souligne le rapporteur de la proposition de loi, Alain Anziani (PS-Gironde). Par ailleurs, le régime de police administrative mis en place par la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale s’est révélé inapplicable, la plupart des dommages n’entrant pas dans son champ d’application. Il s’agit, avec ce nouveau texte, d’y remédier et de consacrer les avancées jurisprudentielles récentes en donnant, par l’insertion d’un nouveau titre dans le Code civil, “un fondement juridique incontestable au préjudice écologique et à son indemnisation”.

 

Régime de réparation subsidiaire

La commission a adopté cinq amendements de son rapporteur, modifiant la proposition de loi sur plusieurs points. Estimant que l’engagement de la responsabilité de l’auteur du dommage ne pouvait se limiter au seul cas où il a commis une faute, la commission a élargi le champ d’application du texte, en retenant “un régime de responsabilité civile objective, susceptible d’être engagée même en l’absence de faute”.
Le texte donne la priorité à une réparation en nature du dommage, privilégiant la remise en état du milieu dégradé. Toutefois, la commission a prévu un régime subsidiaire en précisant qu’en cas d’impossibilité de réparation en nature du dommage causé, une compensation financière pourrait être versée à l’Etat, ou à un organisme qu’il a désigné, et affectée à la préservation de l’environnement. Elle a par ailleurs mis l’accent sur la prévention, en permettant à toute personne, qui a exposé des dépenses pour prévenir le dommage ou en éviter l’aggravation, d’en obtenir réparation, dès lors que ces dépenses ont été utilement engagées. La commission a enfin modifié l’intitulé de la proposition de loi, préférant les termes de “dommage causé à l’environnement” à ceux de “préjudice écologique”.
Le Sénat examinera ce texte en séance publique le 16 mai prochain.

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