Le décret d’application de l’ordonnance du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation vient de paraître au Journal officiel ce 12 mars.
Cette première ordonnance élargit l’horizon du “permis de faire” – institué à titre expérimental par la loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) de 2016 – en prévoyant de nouvelles possibilités de déroger à certaines règles de construction, sous réserve d’apporter des “solutions d’effet équivalent” mobilisant des moyens innovants d’un point de vue technique et architectural. Le gouvernement entend ainsi, dans un premier temps, éprouver ce changement de paradigme dans l’acte de construire, avant de s’attaquer à la réécriture du livre premier du code de la construction et de l’habitation qui sera formalisée par une seconde ordonnance, prévue pour 2020, prise elle aussi en application de la loi Essoc.
Un certain flou artistique
Pour ce faire, le décret fixe la liste exhaustive des articles législatifs et réglementaires correspondant aux dispositions constructives potentiellement concernées. En nombre considérable, ces règles touchent aussi bien à la performance énergétique et environnementale des bâtiments, qu’à leur accessibilité, leurs caractéristiques acoustiques, leur ventilation, les risques incendie ou sismique ou le réemploi de matériaux. Charge au maître d’ouvrage d’apporter la preuve qu’il parvient, par des “moyens innovants”, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence auxquelles il est dérogé. Le décret énonce également l’ensemble des objectifs généraux que les solutions d’effet équivalent doivent atteindre pour chacune des thématiques visées. Les ajouts de références explicites à des solutions techniques précises (à encourager ou à interdire) sont en revanche exclus du texte. L’objectif est “précisément de pouvoir s’affranchir de telles prescriptions, sous couvert d’apporter la preuve qu’un effet équivalent est atteint”, explique le ministère de la Cohésion des territoires. Le texte entretient donc volontairement un certain flou artistique. La clarification de certains termes trop peu précis – tels que “moyens innovants” – pourrait se faire “à l’occasion de la parution du guide qui accompagnera le décret”, indique le ministère.
Contrôle décentralisé “du début à la fin du projet”
Le texte désigne également, sans les nommer, les organismes tiers en charge de délivrer “l’attestation d’effet équivalent”, destinée à intégrer le dossier de demande d’autorisation d’urbanisme. A cet égard, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a mis en garde contre “les risques d’un encadrement juridique excessif du dispositif qui pourrait s’avérer contre-productif”, et ce compte tenu de la “complexification de la procédure”. Sachant qu’une fois l’autorisation obtenue, le chantier fera l’objet en aval d’un contrôle technique supplémentaire destiné à vérifier la bonne mise en œuvre de la solution innovante. Les élus se disent néanmoins “conscients des impératifs de sécurité”, en particulier en matière de sécurité incendie, champ pour lequel une dizaine de laboratoires seront certifiés pour délivrer une attestation d’effet équivalent nécessitant l’expertise d’une ingénierie extérieure de désenfumage ou de résistance au feu.
Un second décret est attendu de façon à mettre en place un observatoire pour la capitalisation des données relatives aux projets mobilisant ce dispositif. Le projet de loi de ratification de cette première ordonnance a par ailleurs été déposé au Sénat en janvier dernier.
Référence : décret n° 2019-184 du 11 mars 2019 relatif aux conditions d’application de l’ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation, JO du 12 mars 2019, texte n° 23.