Récemment, les instances européennes ont adopté le quatrième paquet ferroviaire prévoyant l’ouverture à la concurrence des services conventionnés (trains TER et trains d’équilibre du territoire) dès le 3 décembre 2019. Pour les services commerciaux (TGV), cette libéralisation devra être prévue par la loi à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir de 2021. Il est donc nécessaire de définir le cadre juridique de cette libéralisation au plus tôt, pour permettre aux différents acteurs de s’y préparer.
Pour ce faire, les sénateurs ont entendu l’ensemble des parties prenantes au cours d’une quinzaine d’auditions : les autorités organisatrices régionales, le groupe public ferroviaire, les autres entreprises ferroviaires, l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, les ministères. Ils ont aussi organisé une table ronde pour recueillir l’avis des syndicats du groupe public ferroviaire. Ils se sont rendus en Suède pour tirer les enseignements de la libéralisation du rail, engagée dans ce pays dès le début des années 1990.
Une question de survie
Hervé Maurey et Louis Nègre souhaitent vivement cette ouverture qu’ils jugent indispensable à la survie du transport ferroviaire de voyageurs, face à la concurrence exacerbée des autres modes de transport, aussi bien aérien que routier (bus, covoiturage, voiture individuelle).
De plus, ils veulent que “l’usager soit remis au cœur du service ferroviaire”, pour que cette libéralisation se traduise par une amélioration de la qualité des prestations de transport et une diminution de ses coûts.
Les sénateurs souhaitent mettre en œuvre l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des services conventionnés dès le 3 décembre 2019, tout en soulignant que cette disposition ne produira ses effets que de façon progressive, “par le jeu du renouvellement des conventions signées entre les autorités organisatrices et SNCF Mobilités avant le 3 décembre 2019.”
Pas de dérogation, pas de retard
Une grande majorité des conventions entre les régions et SNCF Mobilités sont en cours de négociation et devraient être signées d’ici la fin 2017 ou la fin 2018. “Si ces conventions durent six à sept années comme c’est le cas en moyenne, l’ouverture effective du marché n’aura lieu qu’entre 2023 et 2025”, indiquent les sénateurs.
Mais les régions volontaires ayant prévu un dispositif spécifique dans leur convention avec SNCF Mobilités, comme l’a fait la région Grand Est, pourront ouvrir à la concurrence tout ou partie de leurs services à partir du 3 décembre 2019.
Pour l’ensemble des régions, en tout état de cause, la libéralisation de l’ensemble des services aura lieu à l’expiration de leur convention avec SNCF Mobilités.
Les sénateurs souhaitent que cette libéralisation soit effective sur l’ensemble du territoire, et n’ont donc pas retenu les dérogations autorisées par le quatrième paquet ferroviaire de nature à limiter ou retarder l’ouverture à la concurrence. Ils ne sont en revanche pas opposés à autoriser la régie.
Quel avenir pour les agents SNCF ?
Hervé Maurey et Louis Nègre ont identifié plusieurs points de vigilance, à traiter au niveau législatif et réglementaire, ou lors de la préparation des appels d’offres :
– Assurer un accès effectif des autorités organisatrices aux données de SNCF Mobilités nécessaires à l’élaboration des appels d’offres.
– En ce qui concerne les personnels, la loi devra déterminer les droits sociaux qui seront garantis aux agents sous statut transférés de SNCF Mobilités aux entreprises ferroviaires qui gagneront les appels d’offres. Ces agents devront notamment bénéficier du maintien de leur rémunération, de leurs droits à la retraite et de la garantie de l’emploi. En revanche, les règles d’organisation du travail devront pouvoir être définies librement par les nouveaux entrants, dans le respect de l’architecture définie par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire (décret‑socle et convention collective nationale de la branche ferroviaire), sous réserve des évolutions du code du travail.
Matériel, maintenance et gares
L’acquisition et l’homologation du matériel roulant constituent un frein à l’arrivée de nouveaux entrants. C’est pourquoi les sénateurs privilégient la récupération, par les régions, de la propriété des matériels roulants actuels pour les mettre à la disposition de l’entreprise ferroviaire qui remportera l’appel d’offres. Ils n’excluent néanmoins pas d’autres options à ce stade, comme le recours à une entité chargée d’acheter et de louer les matériels.
L’accès indispensable aux ateliers de maintenance et à l’ensemble des facilités essentielles devra également faire l’objet d’une vigilance toute particulière. Différents dispositifs pourront être retenus, en fonction des situations locales.
La gouvernance des gares devra évoluer pour assurer une indépendance juridique et organisationnelle de Gare et Connexions par rapport à SNCF Mobilités. Les sénateurs privilégient à ce stade la piste d’un rattachement du gestionnaire de gares à SNCF Réseau par la création d’une filiale, sous réserve que cela n’obère pas les capacités d’emprunt et d’investissement de Gares et Connexions.
Billet unique, accès aux territoires ruraux
De plus, les sénateurs affirment qu’ils seront attentifs aux répercussions de l’ouverture à la concurrence sur la tarification et la distribution des billets. Ils souhaitent notamment garantir aux voyageurs la possibilité d’acheter un billet unique lorsque la prestation de transport sera assurée par plusieurs entreprises ferroviaires.
Enfin, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), en charge du suivi de la situation concurrentielle sur les marchés des services ferroviaires, ainsi que l’Autorité de la concurrence, auront un rôle majeur pour éviter toute pratique discriminatoire à l’encontre des nouveaux entrants.
En ce qui concerne les services commerciaux, le principe d’une péréquation entre les lignes les plus rentables et les moins rentables devra être affirmé. “C’est un sujet auquel nous serons particulièrement attentifs, en tant que président et vice‑président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Les territoires ruraux doivent pouvoir être accessibles rapidement à partir des lignes à grande vitesse”, ont conclu les sénateurs. Ils considèrent d’ailleurs à cet égard que la définition de franchises, regroupant des lignes très rentables avec des lignes qui le sont moins, pourrait constituer une piste intéressante.
Hervé Maurey et Louis Nègre vont présenter leurs propositions à la Ministre chargée des transports, Elisabeth Borne, et espèrent qu’elles recueilleront le soutien du Gouvernement. “Le Président Macron a ouvert la voie en libéralisant le transport par autocar lorsqu’il était ministre de l’Economie, il devrait être particulièrement réceptif à nos travaux qui s’inscrivent dans la même logique”, ont-ils conclu.
Louis Nègre : « Nous n’avons pas un service… par publicsenat