Obligation verte : la France en quête d’investisseurs responsables

 

L’État français se lance dans un tour du monde des investisseurs responsables. Ségolène Royal et Michel Sapin ont confirmé le 3 janvier l'émission d'une obligation souveraine verte ou "green bond".

 

Il s’agira de la première obligation verte émise par l’État français. Cet outil permet d’emprunter des fonds sur les marchés financiers pour des projets liés à la transition écologique et énergétique. Comme prévu, la ministre de l’Environnement et le ministre de l’Économie ont esquissé ce 3 janvier les modalités de l’opération.

 

Le nucléaire exclu

“Je vous donnerai le moins de précisions possibles”, a insisté Michel Sapin. Il y a une certitude : les fonds serviront à financer des opérations dans la lutte contre le changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la lutte contre la pollution. Le secteur nucléaire et les activités militaires sont exclus. Tout comme les dépenses “principalement liées aux énergies fossiles, notamment dans les transports ou la gestion d’électricité”, précise le gouvernement. D’autres dépenses seront aussi exclues du dispositif. Il s’agit des dépenses que des émetteurs publics français pourraient inclure dans leurs propres émissions d’obligations vertes. Notamment l’AFD, la CDC et la SNCF. Mais il s’agit aussi des dépenses budgétaires déjà financées par d’autres moyens. Par exemple, c’est le cas du soutien aux énergies renouvelables.

 

Aucun montant officiel

Au total, un montant de 9 milliards d’euros sur trois ans avait été évoqué en 2016. Il n’en est plus question. Le ministre de l’Économie se borne à évoquer “quelques milliards d’euros”. Un groupe de travail interministériel a certes identifié un ensemble de dépenses “de l’ordre de 10 milliards d’euros” éligibles dans le budget de l’État et dans le programme des investissements d’avenir. Ces dépenses sont surtout liées aux secteurs du bâtiment (32% du total), des ressources vivantes (22%) et du transport (19%). Pour le reste, les domaines concernés sont l’énergie (13%), l’adaptation au changement climatique (7%), la lutte contre la pollution (2%) et des actions transversales. Mais rien n’indique formellement que tous ces fonds seront récoltés.

“Cela dépendra de la demande des investisseurs”, a souligné Michel Sapin. Sous l’égide de l’Agence France Trésor (AFT), le dispositif va maintenant être présenté aux investisseurs internationaux. « D’abord en France, puis en Europe, en particulier en Europe du Nord, et certainement aussi en Asie », évoque-t-on à l’AFT. Le gouvernement a fixé une ligne rouge. Pour cette obligation verte, l’État empruntera auprès des marchés financiers à des conditions au moins aussi avantageuses que les opérations habituelles. En clair, ces emprunts verts ne doivent pas lui coûter plus chers que les emprunts traditionnels.

 

Six à huit experts internationaux

Le gouvernement veut aussi éviter tout risque de greenwashing (voir notre enquête). L’agence Vigeo-Eiris est spécialisée dans la responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). D’après le gouvernement, elle a décerné “une opinion favorable” assortie de son “meilleur niveau d’assurance” sur la pertinence des projets ciblés et sur la responsabilité ESG du dispositif.

En complément, le gouvernement annonce la création d’un groupe de 6 à 8 experts internationaux. Ils seront nommés pour 3 ans. Ils auront deux missions. D’abord, définir le cahier des charges du reporting annuel sur l’allocation des fonds. Ensuite, confirmer la qualité et la pertinence des évaluations menées “de manière indépentante” sur cette base et au regard des engagements internationaux pris par la France, notamment dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. La composition de ce groupe d’experts n’est pas encore définie.

 

Faire bouger les lignes

Mais la méthode a été saluée par le WWF France. L’ONG souligne “la qualité du dispositif qui correspond aux meilleurs standards de marché existants et va même au-delà en apportant des gardes fous sérieux, conformément à ses recommandations”. Le WWF veut maintenant s’assurer que les intentions du gouvernement seront suivient d’actions. Pour cela, il va investir lors de l’émission de l’obligation verte afin de vérifier le niveau d’information et de garanties environnementales apportées aux investisseurs. L’ONG espère surtout que cette initiative française serve d’exemple à suivre dans le monde entier.

“Cette obligation verte a l’ambition de faire bouger les lignes à l’international”, a confirmé Ségolène Royal. “Cette opération est une promesse tenue qui complète un panorama de la finance verte dans lequel la France est particulièrement en avance. C’était notre responsabilité d’hôte de la COP21.” Reste à savoir si les investisseurs seront convaincus.

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