L’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF) et le Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat (Gridauh) ont réuni le 12 décembre une cinquantaine d’élus, d’experts et d’universitaires pour débattre des changements qu’induisent l’urbanisme intercommunal et des dispositions transitoires issues de la réforme de modernisation des PLU. “Cette entreprise de recodification du Code de l’urbanisme, qui a abouti fin décembre 2015 sur une série de décrets, apporte de nombreux changements. Les collectivités commencent à en percevoir les effets. L’enjeu est important pour les élus locaux”, a introduit Rozen Noguellou, professeur de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne et directrice du Gridauh.
Bouffée d’air au droit de l’urbanisme
La palette d’outils du PLU, jusqu’ici héritiers directs de ceux du POS et des années 1970, s’est en effet enrichie pour s’adapter à de nouveaux enjeux (densification, protection de l’environnement) et à des besoins pressants de souplesse et de territorialisation. “Le droit de l’urbanisme est par nature très territorialisé. Mais les POS et PLU ont longtemps brillé par leur uniformité, leur peu de qualité, aussi par manque de moyens. En s’imposant suite à la loi Alur comme la clef de voûte du dossier de PLU, le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) a remis au premier plan l’utilité, la cohérence dans l’application du projet de territoire. Les décrets fin 2015 ont apporté une bouffée d’air à un droit qui étouffait sous les contraintes fixées suite au Grenelle 2. Reste que ces nouveaux outils proposés aux collectivités ne sont pas forcément évidents à s’approprier. Ils nécessitent un minimum d’ingénierie, dont ne disposent pas forcément les communes. Les intercommunalités en étant mieux dotées pourront s’en emparer”, a rebondi Soazic Marie, maître de conférences à l’université Paris Est-Créteil.
Forces et faiblesses des OAP
L’universitaire est également revenue sur l’essor, la place centrale prise dans les PLU par les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) issues de la loi Solidarité et Renouvellement urbains (SRU) de décembre 2000, ainsi que leur portée et leur limite. L’article R. 151-8 du Code de l’urbanisme offre en effet la possibilité aux élus de définir autrement qu’auparavant des secteurs spécifiques d’aménagement, notamment en encadrant les zones urbaines et à urbaniser par de simples OAP, sans recours au règlement. “L’utilisation accrue de ces OAP apporte de la souplesse. Elles ont gagné en autonomie mais fixent des orientations et non des prescriptions”, souligne-t-elle. La limite de leur portée juridique est d’ailleurs un champ d’étude en constante évolution (voir la jurisprudence “Dos Santos“ et ce commentaire d’un arrêt du 8 novembre 2017 du Conseil d’Etat assimilant à une simple “prévision” une orientation d’aménagement).
Densification et régime d’exception
Rozen Noguellou, qui a concentré son exposé sur la densification dans les zones tendues, resitue : “Le droit de l’urbanisme a longtemps été utilisé comme un outil visant au contraire à limiter la densification. C’était l’ancienne logique des COS (coefficients d’occupation du sol), qui ont été supprimés par la loi Alur.” Cette loi a aussi durci – mais préserve la possibilité – de délimiter dans le PLU des “pastilles” de construction dans les zones naturelles, agricoles ou forestières (zones A et N). La constructibilité dans les secteurs de taille et de capacité limitées (Stecal) a aussi évolué et doit relever de l’ordre de l’exceptionnel. “Je participe à une commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), et peut vous dire que sur ces questions relatives à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole, la doctrine mûrit progressivement depuis un ou deux ans”, témoigne le maire de Cestas (Gironde), Pierre Ducout. Bonus de constructibilité, minimums et maximums fixés dans les règles de hauteur et d’emprise au sol, désormais de nouvelles possibilités s’offrent en tout cas en termes d’intensification urbaine aux auteurs d’un document d’urbanisme. “S’y ajoutent d’autres dispositions liées au changement de destination d’un bâtiment existant, par exemple agricole, ou la construction d’ouvrages annexes à l’existant, même si cette dernière tend à nourrir la jurisprudence car qu’entend-on par annexe ?”, poursuit Rozen Noguellou. Un autre souci est constaté sur le terrain au sujet des opérations de division parcellaire : “Cette notion de division foncière s’est complexifiée, la mise en application de la loi Alur a changé la donne et c’est là un enjeu qui interpelle de près les élus”, confirme Pierre Ducout, par ailleurs rapporteur de la commission aménagement et urbanisme de l’AMF.
PLU spécifiques ou atypiques
Pour Jean-Christophe Lecoustumer, professeur à l’université de Caen, les PLU(i) littoraux ont bien leur particularité : “Ils concernent une zone fragile, riche d’écosystèmes, des territoires singuliers suscitant des conflits d’usages, avec des contraintes spécifiques en termes d’urbanisation et de prévention des risques naturels, où la légalité des autorisations d’urbanisme s’apprécie au regard des dispositions de la loi Littoral.” Au sujet des PLUi métropolitains, Seydou Traore, professeur à l’Université de Reims, attire l’attention sur un outil qu’ils pourront embarquer, le plan de secteur, et s’interroge sur sa nature juridique : “Ces plans étant assimilables à une forme de zonage, dès lors comment les combiner avec les zonages des PLU existants ?” Quant aux PLU infracommunautaires, il souligne leur caractère temporaire et partiel : ils ne concernent qu’une dizaine d’EPCI à fiscalité propre de grande taille et sont prévus en attendant de constituer à terme un PLUi.