Alors que le bruit est une nuisance de première importance pour les Français, il est encore le “parent pauvre” des politiques en matière de santé-environnement, déplore le CGEDD dans un récent rapport rendu public ce 29 janvier. Mis à part le secteur aérien qui bénéficie d’un dispositif relativement bien rodé de financement, de prévention et de contrôle, “le bruit fait l’objet de peu d’attention tant du législateur que des opérateurs”, constate le CGEDD. La relance de la politique de réduction des nuisances sonores apparaît d’autant plus prégnante, juge la mission, “au vu notamment du coût de l’inaction, que l’on peut assimiler au coût social annuel minimal de 20 milliards d’euros pour le bruit dans l’environnement causé par les transports”, selon l’étude réalisée en mai 2016 pour le compte de l’Ademe et du Conseil national du bruit (CNB). Sa mise en œuvre est toutefois rendue difficile par la multiplication des acteurs concernés mais aussi par la baisse des effectifs de l’Etat en matière d’accompagnement dans les territoires. A cette liste de symptômes s’ajoutent l’inadaptation des moyens de contrôle et de sanction et la concurrence de plusieurs méthodes de cartographie de la nuisance.
Démarche de liaison “Air-Bruit”
Historiquement prise en charge par l’Etat, la responsabilité du traitement du bruit dans l’environnement est aujourd’hui très largement partagée avec les collectivités, en particulier les départements, gestionnaires des infrastructures routières. La réglementation communautaire est en outre venue renforcer le rôle des grandes agglomérations – notamment en introduisant l’obligation d’élaborer et de publier des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) – “mais leur investissement sur ce sujet est très inégal”, souligne le rapport. Bien souvent, le PPBE est perçu “comme un document de plus ou de trop, dans le maquis des documents de planification ou de programmation”, reconnaît le CGEDD qui encourage leur intégration dans les plans climats air énergie territoriaux (PCAET), “qui pourraient devenir des PCAEBT”. Dans cet esprit, l’observatoire de Lyon (Acoucité) a développé une plate-forme “air-bruit”, outil régional de l’exposition du territoire à ces nuisances. L’outil propose des cartes distinctes et combinées pour les deux indicateurs, qui intègrent des problématiques proches.
Bilan mitigé du plan Bruit
Quant au plan Bruit porté depuis 2009 par l’Ademe et concentré sur les domaines routier et ferroviaire, le bilan est “clairement mitigé”. Pour agir sur les points noirs du bruit, les collectivités ont principalement utilisé les voies classiques d’isolation des façades et de murs anti-bruit. Mais les crédits (160 millions d’euros au total) ont été “difficiles à mobiliser sur des opérations complexes et de longue haleine, souvent nouvelles pour les collectivités responsables”. En pratique, que ce soit pour la route ou le rail, les moyens budgétaires pour la protection des zones habitées sont “sans commune mesure avec les besoins recensés”, relève la mission. “Certaines opérations vont se poursuivre jusqu’en 2020, mais aucune enveloppe budgétaire nouvelle n’a été dégagée depuis 2011.” Dans ce contexte budgétaire contraint, le CGEDD invite à “tirer les conclusions de l’évaluation du plan bruit et (de) rechercher un maximum d’efficacité et de facilité de mise en œuvre dans l’utilisation des crédits”. La mission recommande donc de se concentrer sur certaines opérations particulièrement exemplaires pour le traitement acoustique des façades, avec un financement pouvant aller jusqu’à 100% du coût total. Le rapport préconise par ailleurs d’élargir davantage la palette des actions financées, notamment en direction des collectivités locales, “dans une approche plus intégrée du bruit dans l’environnement”.
Planification urbaine
D’autres leviers sont en effet mobilisables : qualité des véhicules et du revêtement routier notamment. La mission recommande ainsi que les moyens de l’exploitation et de l’aménagement routier (giratoires plutôt que feux rouges, par exemple), de la mutation du tissu et des usages urbains soient plus mobilisés.
Une autre piste consisterait à intégrer davantage le bruit dans la planification urbaine. Au sein du PLU (plan local d’urbanisme) serait développé un volet bruit, présentant un plan d’actions, ce dernier “valant” PPBE. Les cartes de bruit seraient alors annexées au PLU et intégrées dans le futur outil Géoportail. Le lien avec le règlement de chaque zone serait plus aisé, il préciserait par exemple les limitations à la construction des logements ou des établissements accueillant des personnes sensibles dans les zones les plus exposées. Le bruit gagnerait pareillement à être intégré dans toutes les politiques de qualité environnementale (éco-conception, éco-construction, éco-quartier, éco-conduite…) dont il est le plus souvent absent. Partant du constat que plus de la moitié des bâtiments neufs ne sont pas conformes à la réglementation acoustique, la mission suggère “de concevoir un nouveau dispositif de contrôle pour assurer à l’habitant un logement neuf conforme”.
Les démarches conduites au titre de la transition énergétique et dans les projets portés par l’Anah sont également identifiés comme une opportunité pour combiner rénovation acoustique et thermique.
Philie Marcangelo-Leos